Faits divers

Encore un plan « Coco » ! Et encore un ancien enfant placé qui se retrouve SDF à 20 ans

Encore un plan « Coco » ! Et encore un ancien enfant placé qui se retrouve SDF à 20 ans

« Vous avez 20 ans, vous êtes sans domicile fixe, vous vivez plutôt sur le secteur de Lons-le-Saulnier parce que vous avez été placé (pendant 11 ans, ndla) là-bas. Vous avez perdu votre père au l’âge de 6 ans, vous avez subi des violences de la part de votre beau-père, votre mere a été incarcérée pour des faits en lien avec les stupéfiants. Vous êtes un jeune en situation précaire », résume la présidente Verger à l’intention d’un des deux prévenus.

Vol avec violence 

Ils sont deux à comparaître librement ce lundi 13 juin, pour répondre d’un vol aggravé par deux circonstances (dont l’usage d’une arme, un taser) commis dans la soirée du 15 mars dernier à Louhans. L’un a 18 ans. Il est râblé, vête d’un tee-shirt gris foncé porté sur un pantalon de survêtement noir. Il vit chez sa maman. L’autre a 20 ans, les cheveux courts, tee-shirt gris clair sur pantalon beige, il vit dehors ou fait le 115, pour manger. Du coup il est souvent dans le besoin d’argent. « Mon ancien foyer a dû me jeter à la porte quand j’ai eu 18 ans. » Leurs casiers judiciaires sont vierges. 

Les faits - « Je vais faire un Coco »

Le 15 mars dernier, ces jeunes passaient la soirée avec d’autres, et de l’alcool, et du cannabis. A un moment donné, le plus âgé des prévenus (qui ne l’est guère, âgé, pour autant) a dit « Je vais faire un coco », et il est descendu. « L’expression ‘faire un coco’ dit toute la banalisation de ce procédé », constate Angélique Depetris, substitut du procureur. Le procédé consiste à donner rancard à quelqu’un via « Coco », site de rencontre, puis à agresser la personne qui se présente, pour la dépouiller. Le soir du 15 mars, l’agresseur a usé d’un taser, la victime a crié, le second prévenu est alors descendu dire à son pote d’arrêter, c’est ce qu’il soutient. « Des faits d’une gravité extrême » insiste la procureur,  et « tout ça pour voler un portable » conclut-elle. Elle trouve que l’alibi-justification-pretexte invoqué (« Ils se disent homosexuels mais ce sont des pédophiles ») a une forme d’accusation gratuite « insupportable ». 

« Monsieur a besoin qu’on lui tende la main »

L’un reconnaît, l’autre pas, mais le parquet estimait qu’il y avait assez de charges contre les deux jusqu’à ce que la victime entendue une seconde fois, précise que le second est arrivé après qu’il l’a entendu crié. Donc le doute existe, la substitut du procureur requiert une relaxe à son profit. Quant au plus âgé, « on ne peut qu’être touché par le parcours de vie de monsieur. Il n’avait à ce moment là pas de toit, pas de travail, pas d’argent. Ce qu’il a fait n’est pas le bon moyen, jamais, mais monsieur a besoin qu’on lui tende la main. » Elle requiert la peine de 10 mois de prison intégralement. assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant deux ans, avec un TIG, et l’obligation d’intégrer le dispositif AIR « pour aider monsieur à entrer dans la vie ». 

Placé pendant 11 ans puis « lâché »

Maître Diry qui assiste le garçon, pense qu’en effet le dispositif d’accompagnement individuel renforcé (AIR) est adapté aux nombreuses difficultés que connaît cet enfant placé pendant 11 ans, puis sorti sans autre forme d’accompagnement, « lâché », dit l’avocat. 
Maître Ravat-Sandre plaide une relaxe en faveur du plus jeune, témoignages et éléments. « Il intervient quand il entend crier. Vous n’avez aucun élément matériel ou intentionnel concernant monsieur. »
« Est-ce que vous pensez que les institutions peuvent vous aider ? - Avant, non, mais maintenant oui. » La présidente Verger a pris quelques précautions, s’assurant que le principal prévenu n’était pas perdu comme il arrive avec des jeunes placés enfants et devenus SDF qui ont désinvesti le corps social comme un lieu de ressources possiblement bonnes pour eux. 

Une condamnation et une chance de mettre son avenir en perspective 

Le tribunal relaxe le plus jeune, dit le plus âgé coupable, le condamne à la peine de 10 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de travailler ou de se former, de faire un travail d’intérêt général de 70 heures, d’intégrer le dispositif AIR. 
C’est une décision judiciaire, une condamnation (il a 10 mois en sursis qui peuvent être révoqués s’il commettait une autre infraction), mais c’est aussi comme une école de la deuxième chance car il sera accompagné sur plusieurs plans pour pouvoir mettre son avenir en perspective. Il a pu passer la durée de son contrôle judiciaire chez sa mère, il n’est plus seul. « Je suis conscient aujourd’hui que si ce monsieur avait été cardiaque, j’aurais pu le tuer. »

 


FSA