Agglomération chalonnaise

Anthony Desbordes, chef cuistot de “Chez Louis” : « Ma cuisine ne quitte jamais mon esprit »

Anthony Desbordes, chef cuistot de “Chez Louis” : « Ma cuisine ne quitte jamais mon esprit »

À 42 ans, il cumule 26 années de carrière. Anthony Desbordes a travaillé auprès de grands chefs et multiplié les expériences : restaurants étoilés, petites brasseries, restos éphémères… De toutes ces pérégrinations, le Chalonnais a composé sa patte culinaire. Aujourd’hui, Anthony a posé ses valises “Chez Louis”, avec vue imprenable sur la cathédrale Saint-Vincent.

« C’est vrai, j’ai eu l’occasion de travailler avec de bons chefs : Jean-Pierre Gillot (Moulin de Martorey), Georges Blanc, Bruno Sohn, en Alsace, Nicolas Niros ou Patrick Beaulieu, mon chef d’apprentissage. Ils ont été importants dans ma vie. »

Pourtant, avant ses 16 ans, Anthony Desbordes ne s’imaginait pas un seul instant devenir chef cuisinier…

« J’avais envie d’être mécanicien, mais je n’ai pas trouvé de maitre d’apprentissage, explique ce Chalonnais. J’ai tenté le bâtiment et senti tout de suite que ça ne me plairait pas. Alors à 16 ans, je suis rentré en apprentissage à Chagny, dans l’auberge de la Musardière. C’est là qu’un chef m’a donné gout à la cuisine. »

Dès la fin de son apprentissage, Anthony est envoyé à Méribel, devenant “second” en cuisine. « Faire une saison, c’est très formateur, ça n’arrête pas, on apprend à gérer les responsabilités et la pression. »

Et les emplois se multiplient, au gré de ses voyages : « Je prenais ma voiture, un paquet de CV avec moi que je distribuais dans des endroits qui me plaisaient. J’ai même fait de l’événementiel : au festival de Cannes, on montait un resto éphémère sur le toit d’un casino, en Alsace aussi. »

Une année passée sur l'île de La Réunion puis 5 années sur la Côte d’Azur élargissent sa palette culinaire.

De retour dans sa région natale, il est commis auprès de Georges Blanc, à l’ouverture de la brasserie 3 étoiles Michelin, à Vonnas (Ain), puis chef à la brasserie du Saint-Georges.

Sa patte culinaire s’est nourrie de toutes ces pérégrinations : « J’ai appris de toutes ces cuisines, la mienne est une interprétation, mon style à moi. »

Pensez-y, quand vous vous attablerez Chez Louis 

Justement, nous retrouvons Anthony au 1er étage de Chez Louis, dans la nouvelle cuisine spacieuse et lumineuse. Deux autres aides-cuisiniers s’activent.

Tous les matins, 6 jours sur 7, le chef cuisinier commence sa journée par les achats, vers 6 h 30 : que des produits frais et de saison ! Il ne transige pas avec cette exigence. Une fois tout rangé et stocké, le voilà prêt en cuisine, un peu avant 8 h, le temps des préparations : « Par exemple, ce midi, j’ai des ballotines de volaille en plat du jour. Elles sont en train de cuire sous vide à basse température, ça va donner quelque chose de très tendre, très juté. » Joffrey et Luc viennent seconder le chef vers 9 h. Laver la salade, faire cuire les œufs, toutes les préparations sont indispensables. 

Les mises en place ne sont jamais identiques : « Étant donné qu’on fait tout maison avec des produits frais, des légumes de saison achetés le matin même, on n’a pas vraiment de stock, on achète le matin, on cuisine pour le midi et on recommence le lendemain. »

Et quand les clients s’attablent, en salle ou en terrasse, là-haut, en cuisine, c’est la valse : « Certains jours, on fait 50 à 60 couverts, c’est intense. Il faut être réactif, concentré et je veux avoir un œil sur tout ce qui sort. On ne touche pas terre. La première année, c’était le Covid, et 2 ans après, on explose. Joffrey me seconde depuis 2 mois, il s’est vite adapté et Thibeault me donne un coup de main très utile. On bouge bien ensemble. Les services se passent bien et les gens sont contents. »

Tout sauf la routine

Les gestes répétés n’excluent pas la créativité, bien au contraire. Pour élaborer ses menus, Anthony n’a pas de « recette » au sens de procédure : « Mon plat du jour, je n’y réfléchis pas à l’avance. Il faut que je voie les produits, que j’aie envie d’un produit. Après, je travaille autour de ça. C’est difficile à expliquer : je n’ai pas besoin de réfléchir, j’ai des gouts dans ma tête. Je sais que tel ingrédient marié à tel autre, ça va matcher. Ce n’est pas venu comme ça, c’est le fruit d’une expérience. »

« Il faut avoir des idées tous les jours. C’est stimulant. Moi, j’adore. En fait, ma cuisine ne me quitte jamais, même quand je ne suis pas au travail. »

Son moteur, c’est le plaisir : « Je prends plaisir à ce que je fais, je m’amuse en cuisine. Voir toutes ces couleurs, même un pain qui cuit au four… Et quand les gens sont contents, c’est encore mieux ! »

Et les étoiles, vous y pensez ?

Est-ce qu’Anthny a une nostalgie des restos étoilés ? « Pendant 25 ans, j’ai travaillé en coupure : de 9 h à 15 h puis de 17 h à 23 h. C’est très dur d’avoir une vie de famille à côté. Quand mon garçon est né, je le voyais très peu, 10 min le matin, 10 min le soir.

Et puis ici, on n’a pas d’étoile, mais un très bon rapport qualité-prix. C’est important pour moi que ma cuisine soit accessible à tout le monde. Alors qu’on l’appelle une « jolie cuisine de bistrot » ou une « belle brasserie », c’est un parfait équilibre.

Et je suis bien ici. C’est intense, mais Manu [Emmanuel Maréchal, propriétaire de Chez Louis, NDLR] m’a construit une cuisine toute neuve à l’étage, avec de la place, de la lumière, tout l’équipement et… vue sur la cathé.

Par Nathalie DUNAND
[email protected]