Chalon sur Saône
4 questions à Sylvain Besson, Directeur des collections du musée Nicéphore Niépce depuis 2008
Publié le 18 Août 2022 à 16h00
En quelle année avez-vous intégré le musée et dans quel contexte ?
J’ai intégré le musée Nicéphore Niépce en mai 2003.
Le contexte était le déménagement du musée sur le site de l’ancienne sucrerie, quartier Saint-Cosme. L’équipe d’inventaire-documentation nécessitait d’être étoffée : préparation du déménagement, informatisation de l’inventaire (mise en place de la méthode et du système descriptif, formation de l’équipe en place), définition d’une politique de numérisation et des priorités de traitement, bref le chantier des collections. En parallèle, il s’agissait de concevoir le projet de futur musée dans le cadre des différentes études préalables à la réalisation d’un tel projet : définition de la chaîne de traitement des collections, estimation des surfaces de réserves (prévoyant l’accroissement des collections), etc.
Aujourd’hui, vous avez en charge une trentaine de fonds, vous êtes également intervenant principal de la formation « Gestion des fonds photographiques » de l’Institut National du Patrimoine et commissaire de très nombreuses expositions. Sur ce dernier point, quel est son rôle exactement ?
Exposer, c’est choisir.
Un commissaire d’exposition définit le discours de l’exposition, sélectionne les pièces à exposer, rédige les textes de salle, fournit les contenus pour le service communication et accompagne les interventions de l’équipe de médiation. Par ailleurs, au musée Nicéphore Niépce, il peut être amené à réaliser la scénographie, coordonner le chantier (avec l’équipe technique, le graphiste, etc.).
Le rôle est le même selon que l’exposition revêt un caractère patrimonial (à partir des collections du musée) ou présente le travail d’un ou plusieurs auteurs vivants. A la notable différence que pour une exposition monographique d’un artiste, l’exposition se fait à deux : le commissaire et l’artiste. Il s’agit d’accompagner le photographe dans le choix des œuvres à exposer, rédiger des textes fidèles à la vision du photographe qui restent accessibles pour le public…
Précisément, à propos de l’exposition temporaire en cours dont vous êtes le commissaire, qui décide du choix de l’artiste exposé ou du sujet ? Combien de temps faut-il pour mettre en place une telle exposition ?
Actuellement, le choix des expositions est collégial : cette commission pilotée par la directrice du musée regroupe les différents chefs de secteurs du musée. Pour l’institution, la réflexion sur le médium (de sa production à sa réception) est tout aussi importante que le sujet traité. Une exposition nécessite 2 à 3 ans de préparation, suivant que les photographies sont déjà au musée ou non, qu’il y a une production à accompagner, la complexité de l’œuvre, le nombre de pièces à examiner, etc.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’exposition 'Laurence Leblanc Où subsiste encore' ?
J’ai défendu l’idée d’une exposition Laurence Leblanc auprès des équipes du musée en raison de l’originalité et la sincérité de sa démarche.
Sensible à l’extrême, fonctionnement de manière intuitive, convaincue que la photographie est un moyen d’expression extraordinaire pour rendre compte de notre humanité à tous, Laurence Leblanc ne fonctionne pas comme nombre de photographes. La commande n’est que prétexte, la prise de vue est compulsive, elle photographie comme elle vit.
Elle est une artiste qui vit le monde, qui l’observe, le saisit. Finalement la photographie ne sert qu’à rencontrer des gens, s’imprégner de son environnement. Le choix des photographies qu’elle va monter ne vient que dans un second, un troisième ou un quatrième temps. Cela infuse, elle remet constamment ses choix en question, tout est toujours incertain. Mais quand le choix est fait, il est définitif et c’est comme s’il s’était imposé à elle.
Peu de photographes fonctionnent ainsi. Plus encore que l’émotion, il s’agit de toucher notre humanité commune. En regard des millions de clichés que le musée conserve, issus des mondes amateurs ou professionnels, des commandes ou de la seule volonté de se souvenir, à caractère illustratif ou à démarche plasticienne, Laurence propose une photographie radicalement différente, vaporeuse et artificielle à première vue mais au contraire, ô combien profonde et investie.
Lorsque l’on s’intéresse au travail de Laurence Leblanc, les séries semblent disparates, incohérentes entre elles. Pour l’exposition, nous avons « mélangé » les séries et laissé peu de place aux textes. L’accrochage s’emploie à montrer qu’au contraire l’œuvre est cohérente : il s’agit de laisser parler les photographies et faire ressentir le fil rouge de son œuvre. Malgré les guerres, les génocides et les drames, la vie, l’humanité, la volonté de (re)construire et de créer des liens subsistent encore.
Exposition temporaire 'Laurence Leblanc Où subsiste encore'. Musée Nicéphore Niépce, 28 quai des Messageries à Chalon-sur-Saône - Ouvert tous les jours sauf le mardi et les jours fériés, horaires juillet/août : 10h à 13h et de 14h à 18h.
SBR
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