Chalon sur Saône

Mais qu’est le fantasque Topick devenu ?

Mais qu’est le fantasque Topick devenu ?

Interview pour info-chalon.com

Topick sur les planches, Thomas Buisse à la ville, ou, si vous préférez, côté cour et côté jardin pour coller davantage au sujet, le protagoniste déluré sévit encore et toujours en ayant étendu son champ d’action par rapport à sa préexistence, chalonnaise en l’occurrence. S’il défend bec et ongles son pré carré, il en a néanmoins dynamité ses frontières originelles. 

Mi-circassien, mi-manieur du verbe

Le garçon a usé ses fonds de culotte sur les bancs des écoles de la cité de Niépce il y a déjà un certain temps…pour ne pas dire un temps certain ! Avant de faire ses gammes dans son domaine de prédilection à Chalon (« Chalon dans la rue », au Théâtre Piccolo…), Givry, Fragnes… Et puis l’aimantation de la vie lui a fait larguer les amarres pour qu’avec son bâton de pèlerin il se nourrisse d’expériences de-ci de-là. Impénitent self-made man, mais rebuté par l’entre-soi, celui qui voit désormais beaucoup moins à perte de vue le cinquantenaire, est un trublion de l’artistiquement correct, c’est-à-dire qu’il dépersonnalise ce que lui souffle sa conscience sans se soucier du qu’en-dira-t-on assaisonné au conformisme.  Avec ce tenant de liberté inconditionnelle, lauréat de plusieurs prix, le proverbe « Plus on est de fous, plus on rit » prend tout son sens, et l’altérité vous salue bien. Alors, ami(e) foutraque, prêt pour l’embarquement ? Coucou le revoilou ! Mille excuses, Michel Polnareff…

Depuis quand avez-vous fait ami-ami avec l’humour ?

« J’ai toujours aimé faire des conneries ! Mais avec l’humour de la scène, on va dire que c’est 2010. Je pense qu’on a tous un peu la fibre de la connerie en soi. Après, il y en a qui arrivent à la révéler un peu sur scène, mais on l’a tous quelque part. Le clown c’est une espèce de retour en enfance, tout le monde aime faire des conneries d’enfance. »

De quel type d’humour vous faites-vous le défenseur ?

« C’est un mélange d’humour visuel et de texte. Donc évidemment le maître c’est Chaplin, parce qu’il avait un message, et c’était visuel à l’époque. Après, des gens comme Coluche hier, François Damiens aujourd’hui, des humoristes qui aiment foutre un peu la merde pour que ça remonte jusqu’aux Puissants, même si ça ne va pas changer les choses de fond en comble. Pour ma part, remettre en cause ce qui me semble trop naturel et trop ancré. Mais j’essaie de faire rire tout le monde, de 7 à 77 ans, avec des gags aussi, afin de ne pas rester que dans un discours. Je tente d’illustrer le discours par de l’action.»

Pourquoi cet inébranlable non de scène de Topick, et dans quelles circonstances vous a-t-il été attribué ?

«Parce que quand j’ai commencé je prenais beaucoup de topicks en bagnole ; souvent quand j’allais dans la région chalonnais ou la région lyonnaise je prenais un PV ! Je cherchais juste un nom de scène que l’on pourrait retenir assez facilement. Il y en a un autre qui s’appelle aussi Topic, mais c’est un DJ, ce n’est pas vraiment le même genre ! »

On persiste et on signe : faire rire, l’alchimie infaillible du geste et du verbe ?

«Je pense qu’il y a différentes façons de faire rire. Il y en a qui s’accrochent plus au verbe, en ce qui me concerne il faut que les personnages soient dans des situations de la vie de tous les jours, mais avec des ratés, la base c’est quand même ça. C’est un loser, le truc c’est qu’il faut trouver à partir d’objets ou de situations, des fois on se lance et on ne sait pas trop ce qu’on va obtenir comme gag. C’est une réflexion intellectuelle en fait, la démarche d’écriture du clown. Il faut prendre des objets, des situations, et regarder comment ça peut déraper. C’est un peu comme un écrivain qui fait un roman, il écrit une vanne à un moment, mais il ne sait pas où vont aller ses personnages. Il y a beaucoup de pragmatisme. A un moment donné ça va faire rire, et c’est là qu’il faut aller. Ce sont des allers et retours. »

Combien de spectacles différents à votre actif, et travaillez-vous seul à leur élaboration ?

« J’en ai écrit quatre en tout, je viens d’écrire le quatrième. Le premier a duré un an, je faisais ça en duo, avec mon professeur de clown, et après j’ai continué tout seul. Il y avait « La Taloche » en premier, après «Fou normal » que je joue encore, ensuite « Le Bureau des Solutions » (le monde libéral, le monde de l’entreprise), et le dernier, sur la culture : « L’Excellence Ordinaire ».  

Quand avez-vous quitté votre patrie natale au profit de votre émancipation professionnelle ?

«Je l’ai quittée quand j’ai fait mes études à Strasbourg pour être prof d’EPS. Après je suis allé à Grenoble, j’ai travaillé en montagne, je suis revenu à Chalon avant de retourner à Grenoble. Maintenant je suis à Gap. « 

Où en êtes-vous présentement ? 

«Je continue à écrire et à tourner au niveau national, je vais également en Suisse, en fait partout où on parle français : Belgique, Suisse, France. Après, je n’ai pas de nom médiatique, ça ça n’a pas évolué, mais j’ai trois spectacles qui se maintiennent, donc c’est quand même cool. Je reste une espèce d’artisan, c’est-à-dire que je suis autonome dans l’écriture, la diffusion et la production. Je n’ai jamais voulu avoir de boîte de production parisienne. Tant que l’on ne va pas à Paris et qu’il n’y a pas de boîte de production qui  ouvre la porte aux médias, on reste, on va dire, pas connu du grand public. Je suis connu des programmateurs, mais voilà, ça a ses avantages et ses limites. »

 

En résumé, votre carrière, c’est :

-1 tip top

-2 satisfait, oui mais…

-3 peut mieux faire

«Dans le monde artistique on ne raisonne pas trop en termes de carrière. Ce sont plus des parcours, avec des hauts et des bas. Ma vie personnelle elle est top, j’habite où je veux. Après, au niveau professionnel je pourrais être plus connu, mais ça voudrait dire que ma vie personnelle se passe beaucoup plus en relation avec Paris. Une carrière, c’est presque plus comme un fonctionnaire, avec  un concours d’entrée, des échelons, et tac, il arrive à la retraite. Le monde artistique, c’est plus : est-ce que l’on est créatif, pas créatif ? Parfois on a l’impression de revenir en arrière, ce qui n’est jamais le cas dans une carrière de prof d’EPS par exemple, on ne va jamais revenir de l’échelon 5 à l’échelon 4. Nous, ll peut y avoir des régressions, et après ça repart de l’avant. On est toujours sur le gril, il faut toujours se remettre en cause, ce n’est jamais acquis. Une année ça peut être creux, on doit se remettre en question au niveau de la diffusion. Sur le plan de l’épanouissement personnel, les deux facettes sont un peu reliées, mais j’ai vraiment la vie que je voulais avoir, grosso modo. »

 

Aimeriez-vous rejouer dans le Grand Chalon ?

« Oui, j’adorerais. J’aimerais une salle comme « Le Réservoir » à Saint-Marcel, car en fait je n’ai joué que mon premier spectacle à Chalon et dans le Chalonnais. Ca me plairait d’y faire les autres, je pense qu’il y a moyen. Ca me donnerait l’occasion de jouer devant mes parents, tous pris au quotidien par le restaurant végétarien de ma sœur « La Pierre Vive », rue de Lyon à Chalon, ainsi que devant des potes, même si certains sont partis. »

 

Des perspectives d’avenir ? Des idées farfelues à mettre en application

« Déjà, que le quatrième spectacle sur la culture marche bien. Il y a un sketch ou deux qui sont encore en écriture. J’ai un projet de vidéo sur des livres, un peu engagés. Je ne trouve pas vraiment l’angle, mais ce serait sur l’immigration. Ce sont des sujets assez lourds, et il faut les traiter d’une manière clownesque pour les faire partager à du monde, pour que ce ne soit pas trop chiant. Ca va être une vidéo qui résumeraient des bouquins, et qui, je trouve, méritent de l’être, n’ont pas eu la carrière qu’ils auraient méritée, sur des sujets quand même emmerdants. De les présenter avec une forme un peu artistique, mais en gardant le fond. Et puis un cinquième spectacle, peut-être sur la drogue et la musique. Toujours de façon burlesque.»

Comment suivre votre cheminement en distanciel dans le pire des cas ?

«J’ai un site : Topick, sur le Net, et puis un Facebook sur le comédien. Par ailleurs je suis en train de monter un festival à Gap, qui aura lieu en avril 2023. Nous ne somme pas aidés cette fois, car c’est la première année, on n’a pas de compta’, donc la mairie pour l’instant ne participe pas. Donc là on fait vraiment par nous-mêmes et avec mes sous, mais j’espère qu’elle se mettra avec nous. C’est un autre projet que la scène, là c’est moi qui programme. C’est autre chose, ça me fait voir des potes, et on fera ça sur deux ou trois jours. Ce n’est pas non plus un gros, gros festival. »

 

Crédit photo : Kobaihashi, Devos de l’humour, Thomas Carrage

                                                                                                      Propos recueillis par Michel Poiriault

                                                                                                      [email protected]