Faits divers

« Monsieur est un prédateur sexuel, il n’y a pas d’autre mot »

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 18 Novembre 2022 à 17h28

« Monsieur est un prédateur sexuel, il n’y a pas d’autre mot »

1600 fichiers d’images d’enfants, filles et parfois garçons, violés, trouvés dans son matériel informatique à la faveur d’une procédure pour des faits d’exhibition sexuelle.

L’homme qui comparaît ce jeudi 18 novembre n’est pas un débutant, ça fait 20 ans que la justice s’en mêle. La justice et des thérapeutes, des médecins, mais rien à faire, le prévenu recommence à chaque fois. Il est l’homme aux 3 suivis socio-judiciaire (SSJ). Né en 1970 en Isère, il vit à Verdun-sur-le-Doubs quand il n’est pas en prison.

« Je n’ai PAS entendu UN MOT pour ces petites filles contraintes de subir des viols »

« J’ai entendu un homme larmoyer, se plaindre de ses conditions de détention – qu’il a dû coucher par terre, qu’il se fait insulter, etc. – mais je n’ai PAS entendu UN MOT pour ces petites filles qui sont contraintes de subir des viols. Pourtant il connaît bien le système judiciaire, il sait ce qu’il faut dire, en particulier sur les soins, mais ça : ces enfants contraints, abusés, violés, ça, c’est passé à la trappe. Monsieur est un prédateur sexuel, il n’y a pas d’autre mot. Son casier le dit aussi. Et la façon dont monsieur s’est présenté aujourd’hui m’a été extrêmement désagréable. » Angélique Depetris, substitut du procureur, a haussé le ton.

Embobiner 

Nous assistions au jugement d’octobre 2021* : « discours victimaire », « le prévenu se met à parler, il s’exprime beaucoup mais nous invite à tourner en rond avec lui. Et nous met mal à l’aise ». Novembre 2022, c’est le même discours, la même position et le même malaise qui s’installe. La présidente Barbut, par ailleurs juge de l’application des peines, connaît assez le prévenu pour se lasser très vite des tentatives incessantes de celui-ci pour tout ramener à lui, pour embobiner son monde en invoquant « mon enfance » et des traitements chimiques « pas bien suivis », tout en clamant que bon, il serait temps de passer à autre chose. A quoi ? Dans sa mallette, un projet de reportage télé et des études de droit, « pour penser à autre chose ».

« Oui ou non, êtes-vous excité par les mineurs ? » 

« J’ai pas été conscient qu’à 50 ans, on peut être poursuivi pour ce qu’on a vécu quand j’avais 7 ans. » (il recourt beaucoup au « on ») Moue de la présidente : « Monsieur… Monsieur… » Il finasse, il tortille. Un juge assesseur finit par rappeler les mots clés qu’il entrait dans le moteur de recherche de son ordinateur, comme « petite fille baisée ». L’homme ne se démonte pas : « J’étais sous castration chimique (Androcur*), ça me procurait une certaine excitation. » La procureur en a marre, elle se lève : « Oui ou non, êtes-vous excité par les mineurs ? – Non. – Alors pourquoi ces exhibitions devant des collégiens, et pourquoi ces images spécifiques d’enfants ? » Il s’empêtre et, cette fois-ci, se dépêtre très mal.

Réquisitions

« Distorsion entre ce qu’il veut vous faire passer (victime, sous traitements pas bien pris mais quand même) et la réalité de l’expertise informatique : il sait très bien ce qu’il fait. Distorsion quand il affirme ne pas être attiré par les personnes mineures alors qu’il a volontairement cherché ce type de contenu. Distorsion encore lorsqu’il invoque le virtuel en lieu et place du réel, car c’est faux. Il a été condamné pour 8 faits d’exhibition, 1 agression sexuelle, 3 corruptions de mineurs, 1 détention d’images pédopornographiques. Il faut le condamner pour ça et pour sa personnalité. Ça fait 20 ans que la justice essaie de mettre en place des soins, les suivis socio-judiciaires sont des dispositifs lourds. » Angélique Depetris requiert 30 mois de prison ferme.

« Oui, ben, les petites filles ne sont pas protégées non plus »

La défense sort les rames. Maître Leplomb rappelle les faits jugés ce jour, rappelle le parcours de son client, ce dont il fut victime enfant, le dit « touchant », là où tout le monde le trouve manipulateur et pervers. « Il sait que les soins sont très importants. » On songe que « bon sang ! » comme disait un juge assesseur, avec trois SSJ, les soins étaient accessibles et même imposés. Qu’en a-t-il fait ? 
Le prévenu a droit à la parole en dernier, il s’empresse de la prendre. Quand on l’écoute soliloquer, on pense à tous ceux qui sont trop longtemps incarcérés et qui tous, soliloquent et rêvent la vie « normale » qui a souvent des allures d’une pub pour l’ami Ricoré, comme une peinture de Sam’suffit : une « gentille » femme, deux enfants, une petite maison, un chien. Il dit : « En prison, il n’y a pas de quartier protégé. » Dans la salle, une femme murmure : « Oui, ben, les petites filles ne sont pas protégées non plus. »

30 mois de prison 

Le tribunal suit les réquisitions, condamne le prévenu à la peine de 30 mois de prison, ordonne son maintien en détention, prononce l’interdiction définitive de tout contact avec des personnes mineures, confisque son matériel informatique, constate son inscription au FIJAIS, rejette la demande de confusion de peines formulée par l’avocate.  
Il était libérable mi-mai 2023, sa fin de peine est reportée à novembre 2025.

* https://www.info-chalon.com/articles/2021/10/15/64361/tribunal-de-chalon-un-multirecidiviste-condamne-pour-exhibitions-sexuelles/   

[A son casier : 2001, exhibition sexuelle. 2004, vol et chèques falsifiés. 2005, exhibition sexuelle. 2006, appels malveillants réitérés. 2006, chèques falsifiés. 2007, exhibition sexuelle. 2007, corruption de mineur de moins de 15 ans, agression sexuelle par ascendant, 1er SSJ. 2010, exhibition. 2011, 2nd SSJ, durée de 10 ans, pour corruption de mineur en récidive. 2015, 3e SSJ, durée de 5 ans, pour exhibition et détention d’images à caractère pédopornographiques. Mandat de dépôt. 2020, exhibition et violence avec arme. 2021, exhibition en récidive, violence avec arme. Lui : « Je ne veux pas continuer à faire des bêtises, je ne veux pas passer ma vie en prison. »]