Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Un multirécidiviste condamné pour exhibitions sexuelles

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 15 Octobre 2021 à 16h11

TRIBUNAL DE CHALON -  Un multirécidiviste condamné pour exhibitions sexuelles

Qui est cet homme, condamné ce 14 octobre (il est alors 22h30) à 28 mois de prison ?

Qui est cet homme qui dit aux juges : « Je suis désolé de tout ça. Me laissez pas moisir en prison, parce que… j’aurai plus le courage. Je sais ce qui m’attend en taule. » Il dit avoir pris des coups, et en prendra encore. Ce fait semble admis comme une évidence, un truc normal.

Le prévenu est introduit dans le box, il est plus de 20 heures. Une des victimes, une femme qui attend avec son époux depuis 15 heures, était sur le point de partir, « j’en ai marre, je m’en vais ». Elle s’est ravisée. Elle voulait voir qui était cet homme, capable de se présenter dans un centre médical, dissimulant son entrejambe avec un attaché-case, pour ensuite s’exhiber, partir, et revenir se masturber. Elle a déposé plainte à la gendarmerie de Chagny, trois procédures se grefferont sur la sienne, il y a 8 autres victimes dont 3 mineures.

« Vous avez 3 suivi-socio judiciaires en cours »

En mars 2021 à Saint-Léger-sur-Dheune et à Couches, en octobre 2021, à Ars-sur-Formans, à Etang-sur-Arroux, à Demigny, cet homme, âgé de 51 ans, a multiplié les exhibitions sur un mode offensif (soit un pénétrant dans des locaux, soit en s’en prenant à des jeunes, soit en sortant un opinel). Ce n’est pas nouveau. Il a 13 mentions à son casier dont plusieurs condamnations pour des faits de même nature. « Vous avez 3 suivi-socio judiciaires en cours », souligne le président. Le dernier en date court jusqu’en 2023. Une peine de 5 ans (dont 18 mois sursis mis à l’épreuve) en 2007 pour agression sexuelle sur mineur.

Malaise

Au début de l’audience, le prévenu a un comportement un peu inquiétant, le président lui demande plusieurs fois « vous êtes avec nous, monsieur ? » Maître Sarikan demande une expertise psychiatrique* avant de le juger, le parquet s’y oppose « formellement ». La demande d’expertise est rejetée. Au fil des minutes qui passent, le prévenu se met à parler, il s’exprime même beaucoup, mais nous invite à tourner en rond avec lui. Et nous met mal à l’aise. Cet homme est malade, en proie à des pulsions qui ne lui laissent que peu de répit. Il dit qu’il était « sous Androcur », un traitement qui peut être utilisé comme castrateur chimique (mais qui ne peut pas être imposé par l’institution judiciaire). Il dit qu’il l’a d’abord pris par voie orale, puis par injections, mais qu’il n’avait pas faite celle de septembre.

« L’Androcur, ça coupe tout. Par contre, c’est le mental qui prend le dessus »

Il y a un hic, que souligne le président. Le prévenu a rencontré il y a 10 ans, via un site de rencontres, sa compagne. Elle vit dans une autre région, ils se fréquentent les week end. Elle a été interrogée et elle dit avoir une vie sexuelle avec ce monsieur, là où il regrette d’en être privé à cause du médicament. « L’Androcur, ça coupe tout, y a plus rien physiquement. Par contre, c’est le mental qui prend le dessus. » Ce point de confusion illustre bien ce qui le harcèle, les pôles entre lesquels il oscille constamment. Entre l’irrépressible et ce qu’il cherche à réprimer (en se faisant du mal, éventuellement). L’institution judiciaire elle aussi réprime ses passages à l’acte, mais constate ses limites à l’audience.

« Moi aussi j’en peux plus de tout ça »

« Discours victimaire » peut-on lire dans le rapport du conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation qui le suit. Le prévenu y vient, forcément. « Monsieur le juge, je vais vous dire un truc. Quand vous avez honte de votre père qui vous tient le sexe à 12 ans pour vous montrer comment d’exhiber, eh ben ça vous tient jusqu’à vos 51 ans. C’est une vie de merde, que j’ai eue. Et moi aussi j’en peux plus de tout ça. » Il se dit désolé pour les victimes de ses actes, à plusieurs reprises.

Dramatique

Il fut victime de violences sexuelles, de perversions voire de viols au sein de sa propre famille, dit-il, lorsqu’il était enfant, ça lui fait un gros problème ; il est devenu un adulte qui reste dans les passages à l’acte, agressifs voire violents, et pervers. Ça lui fait deux gros problèmes. Le souci, c’est qu’il persiste à lier le second au premier d’une façon qui rend le tout quasiment insoluble : puisque ce qui s’est passé dans son enfance ne sera jamais réparé (et pour une bonne part n’est pas réparable), comment venir à bout du second problème ? C’est dramatique. Malsain et dramatique. Il voit des psychiatres. De toute façon il est soumis à des obligations de soins constamment. Il a l’interdiction de fréquenter des lieux accueillant des mineurs, ça ne l’a pas empêché de s’en approcher à Ars sur Formans.

« Au moment des faits, dit le prévenu, je suis dans un autre monde »

Il est impossible de faire la part des choses dans tout ce qu’il dit, d’autant plus qu’à 22 heures il n’est plus l’heure de se poser tranquillement pour creuser les choses. Cela dit le président ne néglige aucune question. « Au moment des faits, dit le prévenu, je suis dans un autre monde », dit le prévenu. Le juge bondit et rebondit : « Ce n’est pas rassurant, ça. » Charles Prost, vice-procureur, requiert une peine de 3 ans de prison et son maintien en détention, pour les faits délictuels, et 3 amendes pour les faits contraventionnels (simples exhibitions). Maître Sarikan regrette le rejet de sa demande d’expertise psychiatrique sur la question de la lucidité de monsieur. « Il faut reconnaître la part d’humanité qui lui reste. Il faut regarder les efforts qu’il a fait. C’est quelqu’un qui souffre énormément, lui aussi. Chaque enfant n’a pas un père exhibitionniste et une sœur qui viole. » L’avocat maintient que cet homme là serait mieux en hôpital psychiatrique qu’en centre pénitentiaire.

Une réalité scandaleuse pour une autre

L’homme veut « reprendre mon traitement », mais on ne le lui donne pas, au centre pénitentiaire (on ne le peut sans doute pas - ?). Quant à accepter comme une évidence qu’il se fera tabasser… C’est une réalité épouvantable. Les humains, y compris délinquants ou criminels, ont toujours besoin de pouvoir se regarder dans une glace, au final. Et pour ça, tous les moyens sont bons, le plus facile restant de faire d’un autre l’incarnation du mal. Avec ça on est tranquille à peu de frais. Il est anormal et scandaleux que cette réalité soit tolérée. C’est la double peine, celle dont on se parle avec un sourire entendu, « ah ben bien sûr (!), il va se faire défoncer ». La première est légale, la seconde est illégale, mais elle se planque derrière la première. Ainsi va la vie sociale. Sommes-nous réellement civilisés ?

Maintien en détention

Le tribunal déclare coupable ce prévenu, en état de récidive légale. Le condamne à une peine de 28 mois de prison, ordonne son maintien en détention. Pour les faits délictuels, il a 3 amendes de 150 euros et devra indemniser les victimes qui se sont constituées parties civiles. Interdiction de porter une arme pendant 15 ans. Les suivis socio-judiciaires en cours reprendront effet à sa sortie. 
« C’est compliqué, c’est compliqué… Mais je veux vous dire que je n’ai pas voulu tout ça. »

Florence Saint-Arroman


 

*Il y avait déjà des expertises psychiatriques au dossier, mais qui ne se prononçaient pas sur la question de l’altération ou de l’abolition du discernement au moment des faits, parce qu’elles avaient été demandées par un juge d’application des peines, donc après des condamnations, a expliqué l’avocat.