Opinion de droite

«Retraites: une petite réforme injuste pensée pour ceux qui vont bien», juge Charles Landre

«Retraites: une petite réforme injuste pensée pour ceux qui vont bien», juge Charles Landre

Communiqué :
Retraites: une petite réforme injuste pensée pour ceux qui vont bien


Présentée comme indispensable à l’équilibre des comptes publics et comme la garantie de la pérennité du système de répartition, la réforme des retraites fait peser sur les plus faibles l’essentiel des charges, ne résout pas les questions de fond et évite les enjeux essentiels : le régime de répartition à 42 caisses est il encore viable et souhaitable ? Quel niveau de pension souhaitons-nous ? Comment tenir compte de la diversité des parcours et des tâches ?
  
Car en choisissant de tout conserver des failles de notre système par répartition, et notamment les régimes spéciaux, le gouvernement se borne à demander des efforts financiers supplémentaires aux Français sans aborder le véritable enjeu, l’évolution démographique - et la faible natalité Française -. Le pays qui a connu à la Libération 6 actifs pour 1 retraité, en est à 1,7 aujourd’hui et à 1,2 dans quinze ans. Travailler plus longtemps pour augmenter les cotisations versées aux caisses de retraite et ainsi rééquilibrer le budget est un objectif compréhensible. Mais en persistant à être aveugle aux limites de notre système de retraites abondé par les actifs et de fait financé par la dette, les efforts demandés seront toujours plus importants.
Aveugle parce que le gouvernement, plutôt que d’augmenter seulement la durée de cotisation à 43 ans a choisi de décaler l’âge de départ à la retraite à 64 ans pour tous sans distinction,. Cette mesure ne change presque rien pour ceux qui ont commencé à travailler plus tard et pénalise ceux qui ont des carrières longues, hachées ou des métiers pénibles. Comment entendre qu’un cadre qui commence à cotiser à 22 ans cotisera demain 43 ans quant un ouvrier qualifié qui commence à 19 ans devra cotiser 44 ans ? Comment envisager qu’un boulanger, un artisan du bâtiment, une aide soignante, un éleveur, doivent travailler 2 ans de plus ? Les femmes sont aussi les grandes pénalisées de la reforme puisque ce sont elles qui ont plus souvent des carrières hachées ou ont eu recours au travail à temps partiel. Cette mesure d’âge méconnaît sciemment la réalité du travail et donner le sentiment que toutes les tâches ont les mêmes effets sur les corps et que toutes les retraites se valent. 
C’est évidemment faux. En France l’espérance de vie d’un ouvrier est, par exemple, de 8 ans inférieure à l’espérance de vie d’un cadre. 
Cette mesure d’âge n’est pas non plus conforme avec la réalité Française sur l’emploi des seniors (56,0 % des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi ce qui est inférieur de 4 points à la moyenne de l’Union Européenne). Pour y répondre le gouvernement invente « l’indice des seniors », une nouvelle mesure usine à gaz  qui viendra encore sanctionner financièrement les entreprises. Irresponsable.
Parce que le gouvernement se réclame des projections du Conseil d’Orientation des Retraites, il est bon de rappeler que son président, auditionné en commission des affaires sociales a indiqué très clairement que « les dépenses de retraites ne dérapent pas », et « sont globalement stabilisées et même à très long terme ». Que le texte soit indispensable à l’équilibre des comptes publics s’entendrait si la dépense publique était maîtrisée. Or les 10 milliards de déficits annoncés semblent bien peu de choses à côté de l’ampleur du déficit public qui lui, jamais ne se résorbe. Pour exemple, sous la présidence d’Emmanuel Macron, le déficit public en 2022 est de 172,6 milliards d’euros. En 2021 : 170,8 milliards. En 2020 : 178,5 milliards. En 2019 : 92,7 milliards. En 2018 : 59,6 milliards d’euros. Entre 2017 et 2022, la dette publique est passée de 96 % à 117 %. du PIB. 
Cette idée maintes fois défendues que les Français doivent financer un État aux dépenses qui ne cessent de déraper est insupportable et d’autant plus pour tous ceux qui voient les services publics essentiels s’éloigner à mesure que les prélèvements et la dette augmentent.
Ce que nous devons défendre c’est un système de retraite universel, qui valorise le travail et permettre à tous de vivre dignement. Ce n’est pas le sens de la réforme qui ne met pas fin aux régimes spéciaux. Au mieux elle en prolonge certains (5) d’au moins 40 ans (puisque ne s’appliquant qu’aux nouveaux entrants) et ne dit rien des autres, notamment, symboliquement, des retraites des parlementaires.
Sur ce dernier point, en réalité les syndicats et le gouvernement défendent le même système avec le même aveuglement : le refus de voir les limites d’un système de répartition financé par la dette et le maintien des régimes spéciaux.
Il faudrait du courage politique pour aller vers un régime unique reposant sur une durée de cotisation avec des décotes de trimestre en fonction de la pénibilité des tâches. Ce serait le système le plus juste avec un principe simple : un niveau de pension minimal au  SMIC pour tous ceux ayant pleinement cotisé. Aujourd’hui, la retraite moyenne d’un exploitant agricole ayant cotisé toute sa vie est, par exemple, de 550 euros par mois (et de 850 pour un employés).
Le grand débat national qu’il eut fallu ouvrir pour réformer la nature même de notre régime de retraite (aller vers un système par répartition à régime unique ou le mixer à un système de capitalisation) n’aura pas lieu. Énième promesse non tenue par Emmanuel Macron.
Oui, certains peuvent travailler une année ou deux années de plus mais tous ne le peuvent pas. Oui, financer le système de retraites peut passer par l’augmentation du nombre d’années de cotisations mais l’effort ne peut pas peser d’abord sur ceux qui commencent tôt et au travail le plus dur. Oui, il est nécessaire d’assurer la pérennité du financement des retraites mais par une réforme de fond, pas au prix d’une nouvelle réforme paramétrique tous les 5 ans. 
Cette réforme injuste est destinée uniquement à ceux pour qui tout va bien.
Tout ce qu’attendent les Français c’est une ligne claire pour les décennies à venir et ce qui manque de plus en plus à l’action publique de ce pays : de la justice.


Charles Landre
Leader LR de l'opposition au Creusot