Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le conflit familial s'est terminé dans des gestes violents et un passage devant le juge

TRIBUNAL DE CHALON - Le conflit familial s'est terminé dans des gestes violents et un passage devant le juge

Le tribunal rend sa décision : monsieur est condamné à suivre, à ses frais, un stage de prévention des violences intra familiales. Il écarte les bras : « Comment faire un stage ? Je ne sais pas lire et pas écrire. »

« Ça sera surtout en discutant », le rassure la présidente Catala. 

L’audience de comparution immédiate de ce jeudi 11 mai s’achève sur de la sollicitude. Cet homme est né il y a 32 ans en Côte d’Ivoire. Il s’est tenu posé et droit sur un des bancs de la salle depuis 14 heures, et quand c’est son tour d’être jugé, le tribunal constate qu’il n’a pas d’avocat : il a croisé une fois l’avocate qui l’assistait lors de sa mise sous contrôle judiciaire, mais il a sans doute mal compris ce qu’il devait faire : il a cru qu’elle serait là. 

« Je parle bien le bambara, et le français »

Il vit dans un foyer, à Louhans. Il travaille. Il cumule même deux contrats de travail, des travaux difficiles, physiques, et payés au plancher. Il dit au tribunal qu’il parle bien le bambara et le français. La présidente Catala lui dit de ne pas hésiter à signaler ce qu’il ne comprend pas. Ce prévenu n’a pas de casier judiciaire, mais voilà, une femme a porté plainte contre lui. 

Le 24 mars dernier

Pas n’importe quelle femme, une avec qui il a eu une relation sentimentale (on le suppose) et un enfant, un petit garçon. La relation avec elle a pris fin, mais il passe parfois chez elle et voit son fils. L’enfant grandit avec les autres enfants de cette dame, c’est son cinquième. Famille nombreuse à élever seule, c’est une charge énorme. Bref, fin mars dernier le prévenu est passé. Madame lui a ouvert la porte de l’immeuble, mais n’a pas voulu le laisser entrer, elle dit qu’il était alcoolisé. « C’est quand même son droit de lui refuser d’entrer, dans ces conditions », dira maître Grenier-Guignard pour elle (absente à l’audience).

Elle lui mettait des gifles

Madame dit aussi, lors de son dépôt de plainte, que monsieur a voulu passer en force et lui a mis un coup sur le front, ou du moins qu’elle a pris un coup au front. On constatera une blessure superficielle d’un cm de large. « Ah non-non-non, je l’ai pas tapée ! » s’exclame l’homme qui se tient à la barre, silhouette longiligne dans un anorak aussi sobre que léger. « Des voisins entendent des cris et une dispute », dit la présidente qui précise dans la foulée : « Mais ils entendent madame crier souvent sur ses enfants, et on sait que vous ne vivez plus là. » Le prévenu a dit en procédure que madame lui flanquait des gifles, ce que deux témoins confirment et que madame elle-même reconnaît.

« Combien de fois avez-vous vu votre fils, depuis le 24 mars ? – Deux fois »

Pendant son contrôle judiciaire, le prévenu a signalé que madame avait essayé de lui parler, qu’il y a eu des disputes et des problèmes pour qu’il voit son fils. « Combien de fois avez-vous vu votre fils, depuis le 24 mars ? – Deux fois. » Le petit n’a qu’un an. 
Maître Grenier lui demande s’il verse un peu d’argent pour contribuer à la vie du petit, parce que madame dit qu’il ne lui donne rien. L’homme se révolte un peu : si, il lui donne un peu d’argent et il peut le prouver en montrant ses virements. Il s’apprête à sortir son téléphone de sa poche, mais la présidente dit que ce n’est pas le sujet et que le tribunal n’a pas à lui demander de prouver cela. 

Où est la source principale d’insécurité ?

L’avocate prend la parole pour madame : « C’est pas possible de créer un climat d’insécurité devant des enfants en bas âge. » Tout le monde en serait d’accord, reste à savoir où est la source principale d’insécurité. La procureur requiert une peine de 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Le prévenu a la parole pour sa défense. Tout d’abord, a-t-il compris les réquisitions ? « J’ai pas tout compris. » La présidente lui explique : madame demande de l’argent, 1000 euros, et madame le procureur demande un sursis probatoire avec des mois de prison au cas où. Compris. Il prend la parole.

« Suivi pourquoi ? C’est elle qui doit être suivie ! »

« C’est elle qui a un problème. Le vrai danger, c’est elle. Tout ce qu’elle a dit, c’est des mensonges. C’est elle qui est violente, et aussi avec les enfants. Tous les voisins vous diront pareil. » Il s’exprime avec conviction, gestes amples à l’appui. Il porterait une robe, on pourrait parler d’effets de manche ! « C’est pas moi le problème ! » Il parle de son souci pour les enfants, de l’inactivité de madame, de la directrice de l’école qui pourrait confirmer ceci et cela. La présidente le recentre sur l’objet de l’audience : « Vous pensez quoi de la peine de suivi demandée par le parquet ? » La réponse fuse : « Suivi pourquoi ? C’est elle qui doit être suivie ! »

Un stage 

Le tribunal déclare le prévenu coupable de ce qui lui est reproché et le condamne à effectuer un stage de prévention des violences intrafamiliales et sexistes, à ses frais (entre 400 et 500 euros, pour 2 à 3 demies journées de stage), dans un délai de 6 mois. « Si vous ne le faites pas, vous risquez d’autres poursuites pour inexécution. » Il devra indemniser la partie civile, à hauteur de 200 euros (au lieu des 1000 demandés). 
L’homme, courageux, fait état de son analphabétisme, et les juges de trouver tour à tour des idées pour lui faciliter la tâche. Ça fait longtemps qu’on ne l’a pas écrit (même si on le pense souvent) : que tout cela est triste, et que ces conditions de vie sont dures. 

FSA