Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Dix hommes sont jugés pour trafic de stupéfiants

TRIBUNAL DE CHALON - Dix hommes sont jugés pour trafic de stupéfiants

sur Chalon-sur-Saône, Montcenis, Torcy, Sevrey, ce lundi 5 juin au tribunal correctionnel.

« Il sera question de restaurant turc, du stade de Gerland, de « Cerval », de « Crapaud », de couscoussière, de « Speedy », mais aussi d’armes et de bonnes quantités d’argent liquide » dit le président, en ouverture d’un procès pour trafic de stupéfiants, sur Chalon-sur-Saône, Montcenis, Torcy, Sevrey, ce lundi 5 juin au tribunal correctionnel.

Le premier ennemi des trafiquants, ce n’est pas la justice, c’est la balance. Cette affaire démarre, comme beaucoup d’autres, par une dénonciation anonyme, en décembre 2020 : un trafic de cannabis, d’héroïne et de cocaïne, aurait lieu au 8 rue Henri Dunant à Chalon-sur-Saône, animé par le jeune M.M (23 ans aujourd’hui, comparaît détenu). La police se déplace : « En moins d’une heure plusieurs transactions sont suspectées, avec des clients parfois déjà connus ». 

Un point de vente à Montcenis

L’enquête démarre par une surveillance. Trois jours plus tard, le juge des libertés et de la détention autorise des écoutes téléphoniques ainsi qu’un dispositif de surveillance images et son, dans le hall de l’immeuble. Ces premières interceptions révèlent l’existence d’un point de vente à Montcenis. Le gérant est J.P., 46 ans, un creusotin pur jus qui se drogue et qui chaque soir doit remettre la recette du jour. Il est absent ce lundi 5 juin. Il est poursuivi pour acquisition, transport, détention, et complicité d’offre ou cession de cannabis et d’héroïne, et puis pour usage de stupéfiants. 

Les chauffeurs, les hébergeurs, les clients, les vendeurs, les fournisseurs

Les enquêteurs croisent les identités de tous les usagers et suspects avec le fichier de signalisation des manquements au couvre-feu (eh oui !) : plusieurs de ces personnes ont été contrôlées rue Dunant et sont déjà connues et/ou ont été détenues. Au fil du temps, les échanges autour de « blanche » et de « marron » s’accumulent, la police repère ceux qui servent de chauffeurs ou qui prêtent leurs domiciles, car les lieux changent. A Montcenis, par exemple, un trou dans la caisse vaudra au point de vente d’être fermé et rapatrié à Chalon, rue Allende, puis ailleurs, puis ailleurs. 

Des balances, des drogues, des armes, de l’argent

Pendant ce temps le jeune M.M boulotte de la carte SIM comme si c’était des Dragibus. Cela exige de nouvelles autorisations d’écoutes et une demande de géolocalisation en temps réel. On perquisitionne chez dix personnes, on saisit des balances électroniques, des armes, de l’argent, à la suite de quoi la police procède à une première vague d’interpellations. Toutes les auditions convergent pour désigner M.M comme vendeur de drogues. Mi-juin, un juge d’instruction prend les rênes de l’enquête. Les premiers éléments collectés ont permis de soulever l’existence d’un autre trafic, de cannabis cette fois-ci : nouvelles interpellations, nouvelles mises en examen. 

10 prévenus à ce procès, 3 autres déjà jugés

Ils sont dix prévenus, ce lundi 5 juin. Dix hommes âgés de 23 à 53 ans qui vont devoir répondre, à des degrés divers, de ces trafics de stupéfiants. Trois comparaissent provisoirement, détenus, sept comparaissent libres, l’un d’eux est d’ailleurs absent. Trois autres hommes ont été jugés et condamnés selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 

Qui était la tête de réseau ?

Le procès devrait durer toute la semaine. Son enjeu sera de déterminer, si toutefois le tribunal y parvient, qui était la tête de réseau : une compétition va se jouer entre deux des prévenus détenus. Le jeune M.M. n’est pas en lice, mais F.G (36 ans, natif du Creusot) et B.B (34 ans, natif d’Oran, en Algérie) qui sont dans le box avec lui, si. C’est du reste à eux que le président Morelière, à la demande de la procureur, Angélique Depetris, doit intimer dès le début de la matinée, l’ordre de ne pas communiquer entre eux et de s’abstenir de faire des signes à d’autres. C’est chez F.G, ainsi que chez des membres de sa famille proche, que les saisies les plus importantes de drogue et d’argent liquide (quelques dizaines de milliers d’euros) ont eu lieu, sans compter plusieurs armes avec leurs munitions.

La routine des procès stups

Sorti de ça, c’est un procès stups : à l’instar des pochons de drogue, les mots sont pesés, ce qu’on a pu dire en garde à vue n’est plus d’actualité. S’il y a pu avoir pour certains des déclarations spontanées, elles ne le sont plus. Les dés sont pipés, les bouches sont cousues, so ist es. Le président interroge chaque prévenu (sachant que la pause déjeuner en a égaré deux, ils sont trois absents désormais), confronte chacun à ses déclarations dans le silence d’une salle vide ou quasi vide, et chacun de répondre en cherchant à vider les mots de leurs précisions.

« Une certaine personne »

Par exemple, à Montcenis, ça s’est passé comment ? « Oh, ça a duré une semaine maxi, par le biais d’une personne », c’est M. M qui parle. « Tout le monde sait qu’au Creusot, à Montcenis, y a énormément de consommateurs », alors « un couple de consommateurs est venu me voir, pour proposer de vendre ». Les produits venaient d’où ? « D’une certaine personne », « de personnes qui avaient des surnoms », « Cerval », « Nino », … 
« Un client avait une dette envers vous, dit le président, mais devait aussi à Boubou, dit Crapaud. Monsieur B.B., c’est vous ? » L’homme dans le box se lève pour répondre : « Non, c’est pas moi. » Mais ‘Boubou’ et ‘Crapaud’, ce sont ses surnoms.

Un trafic de cannabis

Dans la rue « au bout du lac » de Chalon, les clients défilaient, pas mal de clients. Les échanges argent/drogue se faisaient dans l’escalier ou dans le hall. Par contre B.B., interpellé lors de la seconde vague d’arrestations, avait développé, lui, un trafic « de cannabis » dit-il. A la barre, O.Y, 32 ans, casier vierge. B.B et lui sont amis, ils ont fait de nombreux voyages à Lyon, ensemble. « Chacun achetait pour lui, pour sa consommation personnelle », soutient O.Y. Il ne savait pas que B.B gérait un trafic ? « C’était à mon insu. En tous cas, je n’ai jamais vu de sacs, ou quoi que ce soit. Je n’aurais pas accepté. » Le président : « Pourquoi vous n’auriez pas accepté ? Vous avez des principes ? »

Florence Saint-Arroman