Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le tribunal ordonne son admission en hôpital psychiatrique

TRIBUNAL DE CHALON - Le tribunal ordonne son admission en hôpital psychiatrique

« Je me suis dit, quand même c’est grave, là. » Il s’est dit ça et il est allé se rendre à la police municipale de Chalon – « J’ai mis une patate à ma mère. » - qui l’a remis à ses collègues de la police nationale le jour même des faits, le 9 mars dernier.

Le garçon est en détention provisoire depuis le 10 mars. Il est né en 2004 et rien que savoir où est son domicile, c’est compliqué : il ne peut plus vivre chez sa mère, au demeurant il ne le souhaite pas ! « Quand je suis auprès de ma mère, ça se passe mal. Avec mes amis, je me sens libre et je suis super calme, et je ne peux pas être violent, quand je suis calme. »

Faux départ de l’audience ce 12 juin

Il devait être jugé le 20 avril, « mais j’avais des problèmes de santé ». On lui reproche outre de la violence, des menaces de mort réitérées. Sa mère s’approche de la barre. « Elle va encore mentir » dit doucement le prévenu en plissant les yeux. La présidente parle beaucoup, lorsque l’avocate se lève : « Je n’ai pas été désignée par monsieur, je n’ai pas pu le rencontrer, je ne l’ai jamais vu. » Elle était de permanence pénale, elle est sur trois CI. La présidente Berthault l’informe que l’expertise du docteur Canterino conclut à l’abolition du discernement. Voilà. Le tribunal prend un autre dossier. Maître Ndong-Ndong arrive au galop pour assurer la défense du garçon.

Reprise (une petite heure plus tard)

Le prévenu est touchant. Un mixte de candeur et d’une pointe de roublardise. Un garçon placé très jeune, qui revient chez sa mère, laquelle l’a toujours brutalisé. Le tribunal parle beaucoup de son parcours sans toutefois être clair dessus, alors ça donne des tas de choses comme par exemple, à la mère qui est à la barre : « Que pensez-vous des violences qu’il dénonce et que vous avez reconnues ? C’est pas votre procès, hein. Mais quand on voit ce qu’il a vécu étant jeune, on se dit ‘qu’est-ce qu’on peut espérer pour quelqu’un qui a connu tant de violences’ ? On se dit que ce qui l’a mené dans le box, c’était inévitable. » La mère a dit avoir déposé plainte contre ce fils pour protéger l’autre fils, « et celui qui est dans le box, derrière vous, qui a une pathologie psychiatrique ? » La mère est sincère : « Je n’éprouve plus rien pour lui. » Le tribunal : « Là il ne vous entend pas (il échange avec son avocat, ndla), et c’est pas plus mal. » Ah. La mère ne joue pas la comédie de l’amour mais sa sincérité, en un lieu qui invoque la vérité, n’est pas honorée.

« Mais, si je ne suis pas responsable, je ne devrais pas être en prison »

« Pathologie psychiatrique. » Un peu auparavant, la présidente avait précisé « on a une schizophrénie, qui est diagnostiquée ». Le docteur Canterino parle de schizophrénie paranoïde et conclut à l’abolition du discernement, « il n’est pas accessible à la sanction pénale », « les faits sont en lien direct avec sa pathologie ». 
Le prévenu : ça veut dire quoi ? 
La présidente : Que vous n’êtes pas responsable pénalement (elle explique).
Le prévenu : Et d’après vous ?
La présidente : Ben, attendez, je n’en ai pas encore parlé avec mes collègues. (seul dossier où elle n’annonce pas la couleur direct, ndla)
Le prévenu : Mais, si je ne suis pas responsable, je ne devrais pas être en prison. 

« Je me suis battu avec un surveillant. Il m’appelait ‘la truie’ »

Ce garçon est pertinent en dépit des troubles psychiatriques dont il souffre. Il parle de sa santé au tribunal car il a des problèmes d'occlusion intestinale, « et là ça fait une semaine que je ne suis pas allé aux toilettes et les infirmiers ne font rien ». « D’accord » lui répond-on. Puis il dit : « Je me suis battu avec un surveillant. Il m’appelait ‘la truie’ (le garçon est massif, ndla). Il me poussait au suicide. Quand je devais voir le CPIP, il me mettait sous la douche, ‘Mets-toi à poil !’ et quand j’avais fini il me donnait une gifle. » Réponse du tribunal : « ça va dans le sens de ce que dit le docteur Canterino, que votre place n’est pas en prison. »

Sensation de déjà-vu

Certes, certes, mais il l’est depuis le 10 mars et l’on sent la glace sous le manteau d’une sorte de sollicitude qui répète au jeune homme : « Avec ce qui se passe dans votre vie quand vous êtes mineur, en ayant subi des violences de la part de votre maman (‘maman’!), c’est pas très surprenant d’avoir ce casier. » (Casier : 7 mentions, tribunal pour enfant) On a déjà vécu ça en novembre dernier (ici : https://www.info-chalon.com/articles/2022/11/10/74490/place-en-foyer-a-3-ans-vous-avez-eu-un-parcours-de-vie-plus-que-difficile/ ) et l’effet Kiss cool est le même : on fait mine de comprendre mais on enfonce parce que les propos qu’on tient sont mal placés, voire déplacés. On ne peut pas trop tricher avec ça. Reprocher à la mère de dire qu’elle n’aime pas son fils puis employer le mot « maman » pour s’adresser au fils…Bref.

Les deux fois où il a demandé de l’aide aux forces de l’ordre, on ne l’a pas cru

Le procureur n’a pas lâché la rampe, lui. Reprend les infractions, les dit caractérisées, mais vu l’expertise du médecin psychiatre, requiert l’application de l’article 706-135 du code de procédure pénale*. 
« On arrive à la fin d’une réaction en chaîne de violences entre plusieurs personnes », plaide maître Ndong-Ndong. L’avocat reprend ce qu’a dit son client pendant l’audience : les deux fois où il a demandé de l’aide aux forces de l’ordre (une fois police, une fois gendarmes), on ne l’a pas cru. Il n’y a pas de menaces de mort contre sa mère : « Ce sont des accès d’humeur face à la violence qu’il subit. Pour casser une cuillère en bois sur quelqu’un, il faut y aller fort (fait ancien, ndla). » Il souligne la franchise du garçon. Le fait est. « C’est un énorme gâchis. » Le fait est.

Hospitalisé en psychiatrie

Le tribunal dit le jeune homme coupable, constate qu’il a bien commis des violences sur ascendant et proféré des menaces de mort, rappelle qu’en état de récidive légale il encourt 3 ans x 2 = 6 ans. Constate « que vous n’êtes pas pénalement responsable, que vos troubles mentaux nécessitent des soins ». Ordonne son admission en hôpital psychiatrique en hospitalisation complète au CHS de Sevrey, avec exécution provisoire. Ordonne des mesures de sûreté : interdiction de porter une arme pendant 10 ans, interdiction de tout contact avec sa mère pendant 5 ans. Celle-ci est reconnue victime.

Un gâchis

« Nous adressons notre décision au Préfet de Saône-et-Loire et à l’ARS pour qu’ils viennent vous chercher (au centre pénitentiaire) ce soir. Votre détention prend fin dans quelques minutes. » Il est déjà 19 heures. 
Tout au long de l’audience, le jeune homme s’est soucié d’une petite fille de son entourage, sur laquelle il veille, « parce que je ne veux pas qu’on lui fasse ce qu’on m’a fait ». On est frappé par sa pertinence, y compris sur son état et ses réactions, et son souci de l’autre. Il est intelligent. Un gâchis, disait son avocat.

FSA