Chalon sur Saône

Une vraie réflexion sur les médias de masse avec Philippe Dyon, lors du Mardi alternatif d’ACTE du mois d’octobre

Une vraie réflexion sur les médias de masse avec Philippe Dyon, lors du Mardi alternatif d’ACTE du mois d’octobre

Pour la reprise de ses mardis alternatifs, l’association ACTE avait invité Philippe Dyon, un artisan s’intéressant depuis de nombreuses années, aux médias. Une conférence passionnante, durant laquelle un débat de très bonne qualité a pu naître et ouvrir de nouvelles perspectives de réflexion.

Avant, dans une autre vie, Philippe Dyon était ingénieur. Dans le secteur de l’aluminium. Puis un livre – il n’a pas dit lequel –, l’impression d’exercer sous la contrainte un travail de vide de sens l’ont conduit à se reconvertir. Après une formation, il est devenu tourneur sur bois et, aujourd’hui, est artisan. 

Une réflexion honnête et approfondie

Aux sources de ce changement de vie, un changement de perspective, de façon de voir le monde, de l’envisager. Ce nouvel état d’esprit l’a, entre autres sujets de prédilection – il s’adonne à l’art stricto sensu par ailleurs –, conduit à s’intéresser, en autodidacte, aux médias. Et le résultat, il faut le dire, est assez surprenant, dans le bon sens du terme. Pas complotiste pour un sou, encore moins paranoïaque, Philippe Dyon s’est attaché à étudier son sujet avec le plus de neutralité et de bienveillance possible. Et, surtout, en s’efforçant de multiplier les points de vue. D’où la métaphore du cube, dont on ne voit jamais les six faces en même temps et qui, selon l’endroit depuis lequel on l’observe, peut tantôt nous apparaître sous la forme d’un carré, tantôt sous celle d’un rectangle, etc. 

Loin d’être l’ennemi des médias, Philippe Dyon a cherché à en comprendre le fonctionnement, pour mieux pouvoir les réformer. Car pour lui, la démocratie a besoin des médias pour exister et rester, selon le mot de Churchill, « le pire des régimes après tous les autres ». Quant aux journalistes, ce ne sont pas comme on le dit trop souvent peut-être, des menteurs, des manipulateurs, en proie à une paresse intellectuelle. Au contraire, dans leur immense majorité, ce sont des gens intelligents, travailleurs, avec une déontologie exigeante. Le problème, c’est qu’ils doivent travailler pour des entreprises ou des organismes publics s’inscrivant dans un système capitaliste qui les conduit à faire de l’audience, afin d’attirer des annonceurs publicitaires cherchant à conquérir des parts de marché ou, du moins, ne pas en perdre. 

Devant un public qui ne lui était pas forcément acquis, Philippe Dyon a défendu ses thèses, pour partie issue des réflexions de Pierre Bourdieu (Sur la télévision, 1996), de l’Observatoire des médias Acrimed, mais aussi de ses lectures de romanciers tels que George Orwell, plus particulièrement de La ferme des animaux (1945), dans lequel les médias sont incarnés par le cochon Brille-Babille.  Il a notamment distingué entre « médias » (l’ensemble des support – écrits, radiophoniques, télévisuels, numériques – ayant pour vocation la diffusion d’informations ou le divertissement, quelle que soit sa qualité), « médias de masse » (les supports ayant pour vocation à diffuser des informations au plus grand nombre de personnes) et « journalistes », ceux qui travaillent pour les uns et les autres, pas toujours de la façon qu’ils le souhaiteraient. 

Un débat de grande qualité

Un débat s’est vite engagé. Sceptiques quant à une éventuelle réforme des médias de masse, d’aucuns ont prôné l’arrêt pur et simple de leur consultation. Comme on arrêterait du jour au lendemain le tabac, l’alcool, le crack. Considérant que « penser par soi-même » suppose de frotter sa cervelle à celles des autres et, dans tous les cas, d’avoir accès à l’information, une partie des participants a quant à elle écouté les propositions de Philippe Dyon, pour estimer leur pertinence.

 Dans l’ensemble, tous se sont rejoints pour dire que, en toile de fond du sujet évoqué pendant la soirée, se trouvait, comme en matière de réchauffement climatique, un système subtilement pernicieux : le système capitaliste et productiviste. Celui qui, tout en nous informant sur l’extraction de métaux rares par des enfants en Afrique pour fabriquer des téléphones portables, cherche à nous vendre le dernier modèle de smartphone de telle ou telle marque, durant les plages publicitaires précédant ou ponctuant l’émission. Quand ce n’est pas pendant. Tous, ou presque, ont aussi souligné le caractère addictif des médias, dont les contenus, cela a aussi été dit, sont désormais conçus par des bataillons de psychologues, de neuroscientifiques et de spin doctors pour capter notre attention. 

Comme le veut la coutume, tous se sont retrouvés autour de jus de fruits, tartes et gâteaux faits maison pour prolonger l’échange.

Le prochain Mardi alternatif, en novembre, sera consacré aux monnaies locales.