Chalon sur Saône

Octobre Rose : Virginie Blanchard, la 2ème marraine de la course ‘La Chalonnaise’ de l’édition 2023 répond aux questions d'info-chalon

Octobre Rose : Virginie Blanchard, la 2ème marraine de la  course ‘La Chalonnaise’ de l’édition 2023 répond aux questions d'info-chalon

Sportive, atteinte d'un cancer en 2010, elle crée la course ‘La Chalonnaise’. Interview...

Pour Virginie Blanchard, l’annonce d’un cancer du sein, en 2010, a été comme un coup de tonnerre pour cette jeune femme âgée alors de 35 ans. 

Mariée à Guillaume, père de ses deux garçons âgés de 17 et 21 ans,  sportive, enseignante et directrice d’une école élémentaire dans les alentours de Chalon, elle revient sur tout le déroulement de la guérison de sa maladie et sur les rencontres importantes qu’elle n’est pas prête d’oublier !

    

Tout d’abord, je crois que vous êtes à l’origine de la création de la course ‘La Chalonnaise’, vous lancez ce projet avant ou après votre guérison du cancer ?

V.B. : « Je lance le projet de la course ‘La Chalonnaise’ après 1 an de galère quand je suis guérie du cancer, c'est-à-dire en septembre 2011. J’avais une copine, Sophie, qui m’avait entraînée dans un club où étaient licenciés nos enfants qui s’appelait à l’époque le Coq Athlétisme en 2011. En 2012, lors du trail du chemin des moines, j’étais devenue secrétaire du club d’athlétisme qui était en phase de devenir le GCA (Grand Chalon Athlétisme) et j’ai alors dit à Jean-Claude Scalogna que j’avais fait des courses ODYSSEA à Paris et à Dijon, que j’avais fait aussi la course Challenge Version Féminin et que je voulais faire la même chose à Chalon. En effet, je m’apercevais que ces types de manifestations prenaient de l’ampleur un peu partout en France et que l’on voyait par exemple les courses ‘La strasbourgeoise’, ‘la Parisienne… alors pourquoi ne pas faire la même chose ici avec la Chalonnaise, et que j’avais déjà pris pas mal de contacts avec des associations qui pourraient s’associer. Jean-Claude m’a dit d’arrêter de prendre des contacts que l’on était assez nombreux dans le club pour se débrouiller et monter cette manifestation puisque le club organisait déjà le 10 km et bien d’autres courses. Il m’a alors dit qu’il valait mieux le faire au niveau local, comme cela, les fonds récoltés iraient directement aux associations et femmes chalonnaises, donc nous l’avons ensuite organisé à 4, Jean-Claude Scalogna, Stéphane Duplessis, membre du bureau, Adolphe Dubois, Président et moi-même, plus toute une équipe du club qui étaient des gens très dynamiques. En 2013, on lance la course ‘La Chalonnaise’ et je me souviens qu’au début nous avions fait faire 300 à 400 maillots la première année. Quand on voit maintenant 10 après, cela n’a plus rien à voir ! ».              

Comment et quand détectez-vous votre cancer ?

V.B. : « On est en été 2010, nous sommes en vacances à Biscarrosse avec nos enfants alors âgés de 4 et 8 ans. On vient de fêter quelques mois auparavant mon anniversaire, 35 ans, j'ai fait un beau voyage professionnel en Indonésie car à cette époque-là, je suis professeure d’anglais au CFAI Grande Rue Saint-Cosme. Le 25 juillet au soir, Guillaume, mon mari, regarde un article dans la presse dans une rubrique qui se nomme ‘Ça m’intéresse’ et qui parlait du cancer du sein. On en parle tous les deux mais comme on n’avait pas d’antécédents dans la famille, on n’était pas hyper sensibilisés à ça. Mais mon mari n’arrêtait pas de me poser des questions sur l’autopalpation, du genre : Comment tu comprends l’article ? C’est à double niveau l’autopalpation ?  Tu fais l’autopalpation ? Ça doit tout faire bouger à l’intérieur, la graisse, l’eau pour trouver les boules non ? Donc on échange là-dessus, sur cet intermède scientifique, alors que moi je lisais à ce moment-là ‘Concerto à la Mémoire d’un Ange’ d’Emmanuel Schmitt. Comme il insistait, machinalement tu arrêtes la discussion et tu commences à te tâter le sein et d’un coup, je sens une boule au sein que je n’avais jamais sentie auparavant. Je sens une boule assez grosse du sein qui tire sur le côté et je dis à mon mari de regarder. Si j’avoue qu’il n’était pas peu fier de me toucher les seins, il me fait une sorte d’examen et s’arrête pour me dire d’un coup : « Là, les deux seins ne sont pas pareils ! ». Il me dit alors, « dès que tu rentres tu vas voir quelqu’un illico ». Je lui réponds que je vais avoir mes règles bientôt, que des boules qui arrivent et qui disparaissent, il y en a tout le temps mais que j’irai consulter en rentrant de vacances. La semaine d’après on va chez mes parents et j’ai le même message d’inquiétude, il faut que j’aille consulter dès que je rentre ! ».

Quelles ont été alors vos premières décisions ?

V.B. : « Dès que je rentre, je décide d’aller voir mon médecin traitant mais celui-ci est en vacances et j’obtiens donc un rendez-vous avec sa collègue de Saint-Jean-des-Vignes, le 10 août. Elle me fait une palpation et elle trouve que les boules sont denses. Immédiatement, elle me fait une ordonnance pour aller passer une mammographie. Le 16 août à 16 heures 45, avant la mammographie, ils décident de me faire une échographie et là, ils trouvent une boule de 26 millimètres, une autre à l’intérieur qui est hyper profonde de 20 millimètres et une boule sous le bras, identifiée comme ganglion de 30 millimètres. Suite à cela, ils me passent une première mammographie à 35 ans et la manipulatrice me demande s’il y a des antécédents dans notre famille et je réponds  que non ! Après la mammographie, un docteur, à l’air très sérieux, m’a ramené vite à la réalité des choses en me disant que c’était cancéreux et qu’il fallait retourner tout de suite chez mon généraliste car là, maintenant, il fallait lancer des biopsies et le processus, mais surtout qu’il ne fallait pas attendre. Immédiatement j’envoie un SMS à mon mari qui gardait mes enfants et qui avait déjà un mauvais pressentiment depuis le départ !            

Alors, justement, quels ont été vos premiers mots envers vos enfants ?

V.B. : « Quand mon mari reçoit le SMS, il est à la maison avec les enfants et c’est lui qui leur dit, « voilà, maman, elle a quelque chose de grave dans son sein ». Ensuite moi, quand je rentre, mon mari a déjà fait l’essentiel avec eux, donc ils sont préparés et donc je leur parle de boule dans le sein, ce qui est assez grave. Et puis, on ne tarde pas à utiliser le mot cancer car ils doivent être au courant de la vérité ! ». 

J’imagine que vous avez voulu en savoir plus et qu’internet est un outil tentant ?

V.B. : « Effectivement, là, je commence à regarder sur internet et je vois que mon examen de mammographie était classé en code ACR5, c'est-à-dire le maximum et je vois qu’en code 5, tu as 90 % de risque que cela soit très cancéreux. Cela venait conforter ce que le toubib de la mammographie m’avait dit mais que mon cerveau n’avait pas vraiment voulu capter, comme quoi j’avais un cancer du sein. Malgré tout, le soir je décide d’aller jouer au tennis pour une compétition car j’avais pris la décision seule de ne pas trop changer mes habitudes ou de bouleverser ma vie et d’essayer d’être pragmatique là-dessus ! 

Une fois la confirmation de ce cancer, quelles décisions prenez-vous ?

V.B. : « Je prends rendez-vous chez un gynécologue chalonnais qui s’occupe des cancers du sein, le 17 août. Là, il utilise un vocabulaire que je ne comprends pas très bien, il est peu loquace, imprécis dans ses propos en me disant c’est du 50/50, cela peut être malin, peut-être bénin et là, il me propose de faire des biopsies. Dès le lendemain matin à 9 heures, je suis au bloc opératoire et ils me font ce qu’on appelle des carottes, pour chercher directement dans la tumeur afin de retirer des échantillons pour les analyser. Ils en font 5 dans la grosse boule et 2 dans l’autre. Je suis très stressée, donc ils me donnent de l’Atarax pour me calmer. On attend 1 semaine, et le 27 août, on est reçus par un autre gynéco et un interne de service pour les résultats. Vu la tête qu’ils ont, on comprend avec mon mari que les nouvelles ne sont pas bonnes. Ils m’expliquent que c’est un cancer bifocal, c'est-à-dire à deux têtes et que les deux tumeurs cancéreuses sont les mêmes. Ils me disent que j’ai un carcinome canalaire infiltrant de grade 2, de Sacrebleu Richardson stade 3, et que j’en ai pour un an. À ce moment-là, moi  j’ai cru que cela voulait dire qu’il me restait 1 an à survivre alors qu'eux, dans leur tête, ils pensaient au traitement que j’allais suivre pendant 1 an. Bref, avec mon mari, on a failli glisser sous notre chaise tellement on était anéantis. Ensuite, ils me proposent de faire un bilan d’extension pour voir où j’en suis et qu’ensuite ils entrevoient une chirurgie avec l’enlèvement du sein, suivie d’une chimiothérapie. J’avoue que je trouve ce message un peu trop radical pour moi ! Après, quand je leur parle  de mon ganglion sous le bras et que je demande ce qu’ils allaient faire, je constate qu’ils ne savent pas trop quoi me répondre. Je rentre chez moi et c’est le cauchemar ! Je contacte des amis que je connais, un magnétiseur, le docteur Martin de la clinique Sainte-Marie qui est très bien et puis, c’est une amie qui me dit qu’il ne faut pas tergiverser et qui me donne le conseil d’aller au Centre Régional de Lutte contre le Cancer Georges-François Leclerc, à Dijon, qui n’est qu’à 45 minutes de Chalon. Comme je fais partie des personnes qui pensent que le cancer veut dire mort, je n’hésite pas un seul instant et je prends tout de suite la décision d’aller sur Dijon ! ».                  

Comment cela se passe quand on arrive dans une telle structure, parce que l’on ne connaît personne ?

V.B. : « Quand j’arrive à Dijon, j’ai rendez-vous avec le professeur Fraisse qui est en retraite maintenant. Il me reçoit le 31 août, à 16 heures 45, c’est un rendez-vous qui ne durera pas longtemps mais je tombe ce jour-là sur un homme d’une grande efficacité, redoutable dans ses propos, il est carré et tu as en face de toi quelqu’un qui te donne toute confiance en toi ! Ses propos sont posés, expliqués, pédagogiques, calmes et surtout il répond avec une grande humanité. Là, après notre entretien, il fait appel à son collègue oncologue, le docteur Coudert, et ils me posent ensemble le cadre du traitement en me disant qu’ils vont essayer de me sauver le sein, qu’ils vont commencer le traitement par une chimio néo adjuvante pendant 6 mois. Ils me font aussi une ordonnance pour une perruque car ils m’expliquent que je vais perdre mes cheveux et que le mieux c’est de commencer à les couper. Ils me font passer une scintigraphie cardiaque qui ne révèle aucune anomalie du cœur. Ils m’expliquent qu’après les 6 mois, il y aura sûrement une opération et qu’ils verront s’ils peuvent sauver le sein mais que, de toutes les façons, il faut enlever les tumeurs et faire un minimum après l’opération de 33 séances de rayons avec une séance par jour ! ».    

Le traitement était-il de haute intensité ? Pouvez-vous m'en dire plus ?

V.B. : « Sur ce dernier point, le traitement est lourd car je n’ai que 35 ans et toutes les 3 semaines j’ai ma poche de chimio, d’ailleurs la 1ère je la prends le 13 septembre, preuve que cela n’a pas traîné. Ensuite, on m’a donné des anti-nauséeux, de la cortisone, etc… Donc une chimio toutes les 3 semaines pendant 6 mois, qui est constituée d’un cocktail de plusieurs traitements qu’ils nomment FEC, composé de 5FU, Farmobicine et Endoxan, produit de couleur rouge et qui provoque essentiellement la chute des cheveux. Trois mois après la chimio, c’était uniquement du Taxotêre qui provoquait des brûlures au bout des doigts, sur les muqueuses mais surtout beaucoup de fatigue ! ».        

Quel souvenir de ce traitement ?

V.B. : « Plutôt bon puisqu’au bout de six semaines après biopsie, on me dit que 11 % des tumeurs sont parties, et que c’est bien, car il me reste 6 mois de traitement, que c’est un bon départ ! D'ailleurs, ils définissent l’opération pour le début février. Et puis, le 30 décembre alors que je suis en vacances, le professeur Fraisse me téléphone pour me dire que la dernière biopsie et les derniers résultats sont bons et qu’il pense que l’on va pouvoir garder mon sein. Je suis finalement opérée le 2 février et quand je me réveille, le professeur me dit qu’on a gardé le sein. Quand j’y retourne 10 jours après ma sortie, le professeur me serre dans ses bras, il me dit que c’est bon, c’est propre, il n’y a plus rien et à ce moment-là, je me sens libérée. On venait de décapiter ‘Marcel’, c’est comme cela qu’on appelait mon cancer, avec ma sœur, et que j’allais plus être obligée de mettre ma perruque qu’on appelait Dominique. Ensuite il ne me restait plus qu’à faire les séances de rayons.         

Et le bout du tunnel, il arrive quand ?

V.B. : « À la fin des rayons et quand tu n’as plus de traitement lourd à prendre et plus de déplacement à Dijon, c'est-à-dire printemps 2011. D’ailleurs, pour mon anniversaire au mois d’avril, on fait une soirée perruques pour fêter ça. Pour autant,  je dois dire que ce soir-là, j’ai une pensée pour les docteurs Fraisse et Coudert car finalement,  ils sont ancrés en moi, et avec eux j’avais ce sentiment de protection infinie. Je ne les oublierai jamais ! ».    

Quel message voulez-vous adresser aux femmes du bassin chalonnais ?

V.B. : « Je dirais surtout de ne pas traîner car j’entends, ici ou là, des femmes qui disent « j’ai reçu mon papier de dépistage du cancer du sein dans la boîte aux lettres mais j’irai plus tard, ou j’irai peut-être, ou je vais  jeter le papier, ou il faudrait que j’y aille car j’ai senti une boule mais je n’ai pas vraiment envie de savoir ! » C’est dommage de réagir comme ça, parce qu’en fait tu es confrontée au problème de toute façon, il est là et tu ne sais pas si ta boule est méchante ou pas. Il vaut mieux y aller car dans ces cas-là, on n’a pas le choix. Moi par exemple, si j’avais fait la politique de l’autruche, je ne serais plus là ! ».

Une philosophie à partager ?

V.B. : « Oui, quand tu as un problème comme celui-là, tu l’affrontes mais tu l’affrontes pas tout seul ! ».

Un conseil ?

V.B. : « Oui, quand tu as un cancer, il faut relativiser et dis-toi qu’il y a toujours plus grave. Il y a plein de familles qui vivent des drames. Mais pour revenir sur le cancer, quel gâchis de ne pas y aller, même s’ils t’enlèvent le sein car le but c’est quand même de rester en vie. Tant qu’il y a un fil de vie au-dessus de toi, il faut y rester attaché ! ».

Un petit mot à des personnes en particulier ?

V.B. : « Oui, tout d’abord à mon mari Guillaume qui m’a sauvé, à mes enfants, mes parents et à ma famille qui ont été formidables. À mes amies et amis qui sont restés fidèles et à mes côtés et puis surtout à ma sœur qui a été omniprésente : c’est elle qui m’a rasée quand il fallait le faire, qui m’a maquillée pour me donner de la féminité quand j’en avais plus trop envie, et qui m’a été d’une grande aide psychologique. Merci à toutes et à tous, je vous aime ! ».  

J.P.B