Côte chalonnnaise

A Mellecey, un homme de 36 ans condamné pour trafic de stupéfiants

A Mellecey, un homme de 36 ans condamné pour trafic de stupéfiants

La BAC commence par un contrôle routier, le 30 novembre dernier, vers 15h30, rue Vincent Auriol à Chalon. Le contrôle entraîne une perquisition immédiate au domicile du mis en cause.

Sur lui : 100 grammes de cannabis, une balance de précision, des cachets de méthadone, un pistolet d’alarme sur son torse.
Chez lui, à Mellecey, dans des coffres-forts : 382 grammes d’héroïne, 63 grammes de kétamine, 76 grammes de cocaïne, 3900 euros en espèces, des balances, des sachets d’emballage. Des armes, deux pistolets, 3 fusils (semi-automatiques, à pompe, dont deux sont raccourcis), 1 carabine, des munitions. Des cartouches de cigarettes, aussi.

Et puis, « dans le rail d’une porte coulissante », les policiers trouvent une clé siglée BMW. Dans cette voiture-là, « en panne depuis longtemps » dit le prévenu : une feuille de comptes. Entre juillet et août 2023, le prévenu a rentré 49 660 euros.

Le prévenu « avoue » une dépendance à la cocaïne qui lui coutait plus de 10 000 euros par mois 

De toute façon il a reconnu avoir touché environ 20 000 euros par mois jusqu’à son arrestation mais sa position à l’audience est la suivante : il ne trafiquait que pour pouvoir payer sa consommation personnelle laquelle lui coûtait 60 euros par semaine depuis quasiment 2 ans, selon ses déclarations, pour finir par lui coûter, d’un coup, et dès juillet 2023, c’est-à-dire pile quand démarre la prévention, entre 2520 et 2940 euros par semaine.

Le discours du prévenu et celui de sa défense ne sont pas raccords

On insiste un peu, pour fixer les choses : le prévenu prenait « 1 gramme de cocaïne par semaine », depuis environ 2 ans, et il est passé à « 6 ou 7 grammes par jour » au début de l’été dernier. Il est constant sur ce point et cela contredit l’argument de sa propre avocate qui plaide, en matière de drogue dure, une augmentation inexorable mais progressive de la consommation, liée aux effets de manque toujours plus durs. 
Depuis le début, le parquet tique sur ce fait (lire l’article sur l’audience précédente : https://www.info-chalon.com/articles/2023/12/04/85675/la-bac-de-chalon-met-la-main-sur-un-arsenal-et-des-stupefiants-lors-d-un-controle/).

Sous l’apparente cohérence, la plage

Le prévenu est calme, n’a rien d’un toxicomane achevé. D’autant moins qu’en fin d’audience il explique posément au tribunal qu’en prison on lui propose de la drogue mais qu’il résiste, vraiment il est clean. Cela dit « si » on le maintient en prison, pas sûr qu’il résiste encore. C’est quoi ce chantage ? C’est quoi de passer de 1 gramme par semaine, à 6 grammes par jour de cocaïne, d’un coup, puis à zéro, d’un coup ? Même avec de la méthadone il y a du manque. Disons que son discours semble cohérent et en réalité ne l’est pas : il fait de sa toxicomanie la cause de son commerce lucratif et illégal, mais la maîtrise de son discours ne va pas dans ce sens. Si, comme le plaide son avocate, il a juste « perdu pied », force est de constater qu’il a repris pied très rapidement.

« J’ai perdu mon emploi » : « Vous avez fait une rupture conventionnelle, à votre initiative » »

C’est pourquoi, à l’audience de jugement, ce lundi 8 janvier, le parquet tique toujours. Madame Saenz-Cobo, vice-procureur, prend le temps de confronter le prévenu : il soutient qu’il est comme tombé dans une addiction hyper coûteuse quand il a « perdu » son emploi. « C’est-à-dire ? – J’ai quitté mon travail, un ami m’avait proposé une affaire mais ça n’a pas marché. – Donc vous n’avez pas perdu votre emploi. Vous avez fait une rupture conventionnelle, à votre initiative. Donc, ce n’est pas la perte de votre emploi qui vous conduit à augmenter votre consommation. »

Un commerçant aguerri : « Je faisais très peu de cannabis, en fait »

Second point : l’histoire serait celle d’un drogué qui contracte des dettes de stups auprès de deux de ses fournisseurs, qui trafique pour payer une consommation devenue exorbitante et apurer ses prétendues dettes (ce n’est que du déclaratif), et qui, par miracle connaît un démarrage non seulement fulgurant dès juillet, mais constant au fil des mois. « On est intrigué » répète la procureur qui veut démontrer que le prévenu a tiré un bénéfice de son trafic. Au passage, le gars en parle comme un commerçant aguerri : « Je faisais très peu de cannabis, en fait. » Il a refusé de donner le code de déverrouillage de son téléphone aux enquêteurs, « par peur de représailles ». Le président Madignier marque un point : « Signal, ça ne laisse pas de trace. Alors qu’est-ce que vous redoutiez à donner accès au contenu du téléphone ? »

La procureur ne le lâche pas et il finit par dire n’importe quoi

Ce que dit le prévenu vient donc toujours coïncider avec la prévention : il est poursuivi pour trafic de drogues (héroïne, cocaïne, cannabis, kétamine), de juillet à novembre 2024, et le montant de ses revenus illicites coïncide aussi avec la feuille de comptes trouvée dans la BMW. En gros, tout ce qu’il dit colle avec ce qui a été trouvé, mais qu’est-ce qu’on en sait qu’il a subitement eu besoin de 10 000 euros par mois pour payer sa dope ? Il a fait des crises de manque pendant sa garde à vue ? On a dû l’hospitaliser après son placement en détention ? Et, à supposer que tout ce qu’il dit soit vrai, il dégageait alors 10 000 euros de bénéfices par mois, même pas assez pour sa conso et plus rien pour racheter (on se goure peut-être, on n’a qu’un bac littéraire, ndla).

La procureur ne le lâche pas et il finit par dire n’importe quoi. Il mangeait son bénéfice parce qu’il avait aussi « 50 euros de gasoil par jour » pour livrer ses clients, environ une centaine. Les armes, c’est d’une part parce qu’il en a « la passion », mais c’est surtout parce que ses fournisseurs acceptaient d’être en partie remboursés en nature et que « un client » l’a payé ainsi, alors les armes c'était un capital. Choisis ton camp, camarade !

« C’est un trafiquant ! »

« Vous jugez un trafiquant et non un consommateur qui est devenu trafiquant malgré lui. » La procureur reprend le détail des saisies, souligne leur variété et les quantités. « Qu’il soit un consommateur, je veux bien le croire, mais on passe de 1 gramme par semaine à 6 ou 7 grammes par jour ? (…) Il trafique, il a généré un bénéfice et doit être condamné à hauteur. Il a empêché l’accès à son téléphone par peur des représailles ? C’est son choix, il est donc seul à répondre de ce trafic. » Aline Saenz-Cobo requiert une peine de 5 ans de prison dont 18 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Interdiction de paraître en Saône-et-Loire pendant 5 ans (« Ses fournisseurs sont en Saône-et-Loire, ses clients aussi. »), maintien en détention pour la partie ferme.

« Il a perdu pied »

Maître André, du barreau de Lyon, assure une défense emportée. Arguant d’avoir eu « un bac scientifique », elle se félicite de savoir, elle, calculer, contrairement au parquet. Son propos est le suivant : son client ne s’est pas enrichi, jamais. La preuve ? Il est en surendettement et au chômage (il perçoit des ARE, au passage, ndla). Et puis, n’importe quel drogué peut se lancer dans la revente, tout seul, de lui-même, et connaître un succès fou du jour au lendemain. (On a une pensée pour les grands toxicomanes piégés dans les trafics, justement pour gagner un peu de chnouf : c’est une pitié que de les voir, aux audiences, ce sont des gens détruits, ndla) Bref, l’avocate demande au tribunal de le « remettre sur les rails » (sans jeu de mots, on le suppose, ndla). « Il a toujours travaillé, il a deux enfants, il a perdu pied. »

Il n’a pas perdu la tête

A supposer qu’il ait perdu pied, il n’a pas perdu la tête puisqu’il a tenté de piéger son monde en faisant des aveux qui collent bien aux faits. On trouve une feuille qui atteste de quasi 25 000 euros par mois de rentrée d’argent ? Allez, on se donne 20 000 euros de « revenus » mensuels réguliers. C’est toujours surprenant de constater cette désinvolture à l’égard de l’argent, de la part de personnes qui dorment avec leurs balances de précision.

Condamné pour trafic de stupéfiants

Le tribunal déclare le prévenu coupable de trafic de stupéfiants. Il existe en effet un article de loi, l’article 222-39 du code pénal* qui dit que celui qui vend pour payer sa consommation (sans en tirer un autre profit) est passible d’une peine de 5 ans. L’avocate l’a plaidé, parce que, sur un casier, être condamné pour un délit passible de 10 ans de prison (le trafic) ou passible de 5 ans, ça n’a pas le même sens ni le même poids, y compris en termes de récidive légale. Les enjeux sont donc très différents.

Deux ans de prison puis deux ans sous main de justice

Le tribunal ne suit pas l’avocate mais ne suit pas non plus les réquisitions et rend une décision moit’-moit’ : condamné pour trafic mais à 3 ans de prison dont 1 an est assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans avec obligations de soins en addicto (alors que l’homme dit qu’en prison il se passe bien de drogue, ndla), et de travailler. Le tribunal ordonne la confiscation des scellés, l’interdiction de détenir une arme pendant 5 ans, et le maintien en détention pour les 2 ans de prison ferme.

FSA

* https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417732  
Extrait : « La cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »