Chalon sur Saône

Le givrotin Laurent Vignat publie ‘Apprentis sages’, un roman à dévorer !

Le givrotin Laurent Vignat publie ‘Apprentis sages’, un roman à dévorer !

Auteur prolifique, Laurent Vignat publie aux Editions du Jasmin, un roman social et philosophique que l’on a envie de lire d’une traite. Interview…

« Né en 1970, Laurent Vignat enseigne les lettres en Bourgogne, au collège et en IUT. Il anime également des ateliers d’écriture. Depuis plus de vingt ans, une heure par jour, il écrit : des nouvelles, des romans, des contes, des essais. et cela lui fait du bien.

Quand in n ‘écrit pas, il pédale ; il fait la classe ; il lit ; il essaie de comprendre le monde et parfois s’en effraie ; il passe la tondeuse ; il va à la rencontre des lecteurs ; il mesure en lui l’avancée du temps : cela l’apaise ; il se réjouit d’un mercurey rouge ; il écoute Bach ; il se bricole des sérénités fragiles. » Biographie éditeur.

Laurent, pourquoi cette histoire ? Pour qui ?

Cette histoire est née de mon expérience professionnelle de professeur principal de 3ème. Chaque année, j'aide les élèves à réaliser leur stage obligatoire d'observation en entreprise. Cette première confrontation avec le monde du "travail" est aussi humaine. D'un seul coup, l'adolescent se voit propulser dans le monde des adultes et cette expérience provoque forcément des rencontres, des découvertes. Ce stage de 3ème offre ainsi un cadre fictionnel idéal.

Le roman est destiné à tous types de lecteurs, de jeunes adultes prioritairement qui ont gardé en mémoire cette prime expérience.

Sous forme de jeux de mots, le titre signifie que les deux personnages (Marc, le maître de stage ; Donia, la stagiaire) vont chacun apprendre de l'autre. Et ce qu'ils vont apprendre va les conduire chacun à une forme de sagesse bricolée.

Vos personnages sont « abîmés » mais ils dégagent tôt au tard une grande force, de qui vous êtes-vous inspiré pour leur insuffler vie ?

Marc et Donia se rencontrent à un moment clé de leur vie. Marc traverse la cinquantaine : il est en pleine remise en cause professionnelle, personnelle, existentielle. Donia, elle, collégienne farouche, très intelligente, vit sans parents. Elle est désemparée. Et elle se raccroche à une lecture hors de portée pour elle, L'Être et le Néant de Sartre, qui pourtant l'aide à s'orienter dans la vie. Pour paraphraser Flaubert, je dirai que Donia et Marc c'est moi ! Je me retrouve dans les deux : les doutes de la cinquantaine, les interrogations sur ce que je suis, mon impatience, mes agacements quant au monde qui nous entoure.

Peut-on dire que vous croyez en la fulgurance de certaines rencontres ?

Sans doute. Je pense que les rencontres ne naissent pas d'elles-mêmes. Qu'on les prépare avant qu'elles adviennent. Qu'on les prépare par une sorte de disponibilité. Donia, égarée, est disponible ; Marc, dans sa crise de la cinquantaine, l'est également.

Il en va de même pour un livre, un événement. Chacun à sa manière peut nous changer, nous marquer durablement, vos personnages d’ailleurs en font l’expérience…

Le livre porte une réflexion sur ce qu'est l'existence ; en ce sens, il est une modeste illustration de ce qu'est l'existentialisme sartrien. A savoir que c'est l'existence qui crée notre identité. Il n'y a pas, pour Sartre, de déterminisme. Nous sommes tous initialement un Néant, et ce malgré notre naissance, notre milieu d'origine, notre capital culturel ou économique. Ce Néant est donc un gage de liberté. Soit nous nous contentons de suivre le sillage de notre origine, auquel cas nous acceptons librement de nous aliéner (c'est d'ailleurs plus reposant) ; soit nous tentons par nos expériences, nos rencontres, de nous "inventer un chemin" (l'expression est de Sartre), auquel cas nous nous fabriquons une liberté, nous créons notre existence (c'est qui est beaucoup plus exigeant et nettement moins reposant !), et finalement notre identité. Comme le dit une nouvelle fois Sartre :"l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il fait". 

Et en ce qui vous concerne , quelle rencontre, quel livre et/ou quel événement vous ont donné le sentiment d’avoir dévié la trajectoire de votre vie ?

Je suis issu d'un milieu social très marqué : bourgeois, conservateur, réactionnaire. La littérature, la philosophie m'ont aidé à me distancier des habitudes, des réactions de mon milieu. En ce sens, les lectures de Sartre, de Camus que j'ai faites lorsque j'étais adolescent m'ont grandement aidé. Et ont déterminé certains de mes choix. Par exemple, scolarisé jusqu'au baccalauréat dans des établissements privés et catholiques de Paris et de la région parisienne, j'enseigne depuis presque trente ans dans l'Education nationale. Mon envie de démocratiser la culture, mes activités d'animateur d'ateliers d'écriture destinés à des publics dits "difficiles" (les détenus par exemple) obéissent à cette envie de m'ouvrir, de m'inventer - modestement - un chemin. 

Ce roman capte à merveille l’air du temps, était-ce une envie de s’emparer du fait sociologique ? De dénoncer ce qu’il y a de retors dans ce que cette société nous propose ?

Le livre porte également une dimension critique, celle de la consommation, seul pilier de notre société. Consommer pour être ; consommer pour combler le vide de nos vies, et ce, sans mesurer les conséquences délétères sur un plan psychique, environnemental de cette addiction. C'est la véritable pathologie de notre société. Et mes jeunes élèves - et les moins jeunes puisque j'enseigne également dans le supérieur - sont souvent aliénés aux injonctions consuméristes, malgré parfois des prises de conscience salutaires mais encore insuffisantes. Un personnage du roman, pathétique, veut tuer l'argent ; rêve fou qui le mènera à la mort car si les grandes idéologies sont mortes au XX ème siècle, celle de l'argent est la dernière qui reste. Dieu immortel contre lequel tant de vies se fracassent.

SBR  

Vous trouverez le roman ‘Apprentis sages’ à la FNAC de Chalon-sur-Saône, la librairie La Mandragore, ‘RDV avec la nature’ à Chagny, ‘Le Baron perché’ à St-Gengoux le National. Laurent Vignat sera en séance de dédicaces à la FNAC à Chalon-sur-Saône le 27 avril 2024.