Opinion de droite
«Des subventions aux entreprises seront nécessaires pour sauver l’emploi» selon Alain Joyandet
Publié le 04 Avril 2020 à 11h06
Siégeant dans l'opposition au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Alain Joyandet est président de la commission des Finances. L'élu des Républicains livre son analyse sur les mesures d'urgence de la majorité, «largement insuffisantes».
Communiqué d'Alain Joyandet du 3 avril 2020 :
Crise économique Covid-19
Des subventions aux entreprises seront nécessaires pour sauver l’emploi
Depuis plusieurs semaines, la France est touchée par une crise pandémique inédite. Les conséquences économiques et sociales qui en résulteront seront redoutables. D’aucuns disent même qu’elles seront d’une ampleur inégalée pour l’époque contemporaine. La dernière note de conjoncture réalisée par l’INSEE et publiée le 26 mars dernier est révélatrice. Elle estime que l’activité dans notre pays est actuellement située à environ 65 % de la normale, que la perte d’activité économique est pour sa part de 35 % et que la consommation des ménages serait également inférieure à 35 %. Bien entendu, ces premiers éléments doivent être appréciés avec précaution, d’autant que le véritable impact de la crise sanitaire sur notre vie économique et sociale dépendra de la durée de la période de confinement ainsi que des modalités de sa sortie, des paramètres qui sont encore aujourd’hui inconnus de tous.
Aller beaucoup plus loin et de façon beaucoup plus forte
L’ensemble des pouvoirs publics de notre pays s'est mobilisé pour proposer des mesures d’urgence afin de faire face à l’onde de choc économique et sociale que provoque la crise sanitaire du Covid-19. A ce titre, le Parlement a adopté le 22 mars dernier une loi de finances rectificative (déjà dépassée !) pour 2020 avec plusieurs mesures, notamment la garantie de l’État de 300 milliards d’euros pour les prêts bancaires, auxquels il faut ajouter 1000 milliards décidés par l’Eurogroupe. D’autres mesures d’urgence ont été adoptées dans le cadre du collectif budgétaire pour un total de 45 milliards d’euros. Une deuxième série de mesures de soutien d’un montant total de 7,5 milliards d’euros est prévue pour l’indemnisation du chômage partiel et pour le « fonds de solidarité » pour les très petites entreprises.
La Région Bourgogne-Franche-Comté, qui dispose de la compétence en matière de développement économique, n’est pas davantage restée inactive, à l’instar de toutes les Régions de France. D’ailleurs, les élus de cette collectivité territoriale seront invités à se prononcer sur un plan de soutien d’environ 69 millions comprenant :
le prêt à taux zéro de 7 ans avec un différé des amortissements de 2 ans,
le report systématique de 6 mois du paiement par les entreprises ou les artisans de leurs échéances d’avances remboursables,
un prêt rebond…
Ces différents dispositifs, qu’ils soient nationaux ou régionaux, sont naturellement indispensables - dans l’urgence - pour sauvegarder l’emploi et les entreprises de notre pays, ainsi que pour préserver au mieux son économie, dans un premier temps.
Combiner « prêts et subventions » pour sauver l'emploi
Cependant, toutes ces mesures restent largement insuffisantes car elles représentent avant tout des prêts, des avances, des report d’échéances…Elles chargent la dette des entreprises qui devront un jour payer pour le présent et pour le passé. Cela viendra très vite. Nous aurons à ce moment-là une batterie de dépôts de bilans et une très forte dégradation de l’emploi. Si les pouvoirs publics ne prennent pas conscience de cette situation, cela veut dire qu’ils mettent en place une véritable bombe à retardement pour les prochains mois et pour de nombreuses entreprises.
Il faut donc changer de braquet quitte à s’éloigner des règles budgétaires classiques, de leur rigueur et de leur orthodoxie. Malheureusement, la situation « de guerre » exige que l’on s’en écarte momentanément. Certains États membres de l’Union européenne commencent à le faire, et notamment l’Allemagne. Là-bas, les entreprises sur simple déclaration par mail reçoivent leur subvention sur leur compte ! Pas de contraintes administratives, pas de délais sans fin.
Il est donc indispensable que la France (État, Régions…) prévoit des mesures complémentaires rapidement pour aller beaucoup plus loin et de façon beaucoup plus forte. Il faut que les mesures relatives aux charges fiscales ne soient pas uniquement des reports, mais plutôt des annulations pures et simples pour toute la période impactée par la crise sanitaire.
De son côté, à son niveau et en fonction de ses moyens, la Région doit être pleinement au rendez-vous pour répondre aux besoins qu’auront les acteurs économiques de Bourgogne-Franche-Comté. Elle doit proposer un plan d’aides directes sous la forme de subventions exceptionnelles pour soutenir les opérateurs économiques de son territoire. Elle doit enclencher la même démarche que celle qu’elle avait initiée en 2018, lors de la dernière crise de la sécheresse. A l’époque, elle avait apporté en partenariat avec les départements une aide « directe et immédiate » de 10 millions aux entreprises agricoles régionales.
Pour financer son plan d’aide massif en direction des entreprises et de l’emploi, la Région pourrait sans aucune difficulté mobiliser une partie de son importante capacité d’investissement, par exemple souscrire un grand emprunt régional de 100 millions d’euros pour financer les aides directes aux entreprises, qui par ailleurs seraient inscrites dans le chapitre "Investissement" du budget régional. Cette initiative permettrait ainsi à la Région d’intervenir massivement dans le sens indiqué sans augmenter ses dépenses de fonctionnement.
A l’heure actuelle, les Régions ne se sont pas encore engagées sur cette voie. La Bourgogne-Franche-Comté pourrait ainsi être à la pointe du combat pour sauvegarder nos emplois. Avec cet emprunt, la Région resterait totalement fidèle à l’orthodoxie budgétaire, qui plus est.
La conjugaison de ces différents leviers d’action au niveau national et régional serait de nature à sauver notre tissu économique. Elle rassurait les banques pour les amener à soutenir plus facilement les entreprises. Lorsque l’on sait que pour les petites et moyennes entreprises ou industries le niveau de rentabilité est souvent inférieur à 5 % du chiffre d’affaires, il est aisé de comprendre qu’une grande partie d’entre elles ne seront pas en capacité de rembourser les aides « remboursables ». Il faut donc combiner « prêts et subventions ».
Aujourd’hui, certains commencent à évoquer un plan de relance. La relance la plus facile est sans doute le sauvetage de l’existant. L’urgence est donc de sauver et de sauvegarder tout ce qui peut l’être. Chaque emploi protégé aujourd’hui ne sera pas un emploi à recréer demain.
Il est plus facile de sauvegarder que de créer ex-nihilo. Cela coûte beaucoup moins cher en argent public.
Sauver l’existant, c’est pour moi, la priorité des priorités « quoiqu’il en coûte ».
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