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Le parcours atypique de Bruno Louchin, fondateur d’Alkor Diff

Le parcours atypique de Bruno Louchin, fondateur d’Alkor Diff

Un patron de PME bien dans sa peau, fier de son équipe, fier de sa boite, ça existe : Bruno Louchin en fait partie. Info-chalon.com retrace son parcours de chef d’entreprise. Un itinéraire plutôt atypique.

Fier d’être chef d’entreprise, ça sonne un peu provoc, non ? Eh bien, c’est précisément parce que, en France, les chefs d’entreprises sont souvent stéréotypés et soupçonnés de tous les maux de la Bible, qu’il est bon de remonter le cheminement — voire les méandres — qui l’ont mené jusque-là. D’une part, ça peut aider son prochain (la Bible et le prochain, on y est), d’autre part, casser les stéréotypes, c’est ouvrir les yeux.

La voie qu’emprunte Bruno n’est pas rectiligne, tant s’en faut, elle est parsemée de boulots en Interim, d’emplois alimentaires et de prises de conscience. Il y a 15 ans, jamais il ne serait imaginé à la tête d’une PME. Jusque-là, son parcours professionnel avait alterné les coups de cœur et les coups du sort.

De la radio à l’Opéra, de la musique avant toute chose

« Mes premiers pas, je les ai faits à la radio. 1983 : Mitterrand légalise les radios libres. J’avais 13 ans, j’ai plongé dedans. » Tout a commencé avec la passion de la musique, plutôt rock, et le bénévolat. « C’est curieux d’ailleurs, parce que j’étais un adolescent timide. Mais quand tu fais de la radio, tu es enfermé dans un bocal, tu n’es pas face aux gens. Et le micro, c’est un vrai jeu. » Vers 16 ans, poussé par des copains, il se prend peu à peu à un autre jeu : DJ de soirées étudiantes à Châtillon-sur-Seine, sa ville. « Je l’ai fait pendant 3 ans, en amateur, mais là, je pouvais me retrouver face à 600 jeunes, ça aide à travailler sa personnalité. » Puis Bruno Louchin s’installe à Dijon et se professionnalise, en travaillant à Radio Dijon Campus pendant 3 ans. Cependant, on a beau être à l’air des radios libres, il existe des standards pour évoluer dans les plus grandes radios du moment (Skyrock, Fun Radio, NRJ) et Bruno ne rentre pas dans les cases.

Le monde du spectacle pas à pas

Changement de cap : direction Paris, concours de la Poste et tournées pendant 2 ans dans le 16e arrondissement. C’est par le petit bout de la lorgnette que le nouveau facteur verra le monde du spectacle : Bashung, Gainsbourg, Aznavour et, dans un univers moins bruyant, les « dames qui travaillent » au Bois de Boulogne. Des rencontres aussi fugitives que contrastées qui sont les prémices du monde du spectacle. « J’ai quelques bons souvenirs (une lettre remise en mains propres à Gainsbourg, le petit billet donné par le grand artiste) mais je n’étais pas à ma place. » Une prise de conscience aiguë du type « Mais qu’est-ce que je fais là ? » qui le pousse à envoyer 370 courriers à des salles de spectacles.

Quelques mois après, le premier Graal : l’Opéra de Dijon lui propose un poste d’assistant du régisseur son et lumière. « On a repéré le petit jeune qui est dans la radio, et qui en veut. » Bruno entre par la petite porte, mais il est enfin au cœur de la fabrique du spectacle. Il apprend beaucoup, en un lieu et une époque propices à cette aventure : « C’était une période géniale, s’enthousiasme Bruno, l’Opéra était dirigé par Filippi, un soliste italien. On est en 1996, Poujade est maire, les robinets sont ouverts. On avait tout l’équipement qu’on voulait. Je connaissais le son, j’ai tout appris de la lumière. »

Une autre occasion se présente pour entrer dans l’univers qui est le sien : le rock. Remplaçant du régisseur puis régisseur général à La Vapeur, les expériences le font vibrer « Radio Head a été mon premier concert en tant que remplaçant, puis Rachid Taha. C’était une révélation. J’y suis allé au culot pour proposer mes services au poste de régisseur, ça a marché. » De 1998 à 2002, les concerts s’enchainent, les anecdotes avec : M, Louise Attaque, Dionysos, et des soirées festives avec Gaëtan Roussel, Mathias Malzieu ou Mathieu Chedid. Bien sûr, les joyeuses rencontres sont l’exception dans le monde du spectacle, où les égos surdimensionnés pullulent.

Chalon et la création d’entreprise

Difficile donc, de tenir le cap dans un milieu mouvant. Pour des raisons familiales, Bruno vient s’installer à Chalon en 2004. Il retape une grange qui deviendra sa maison quand un autre Graal fait retentir le téléphone : c’est Pierre-Yves Romano, gérant de la société Pyrprod, un ancien Châtillonnais, comme lui « Tu connais quelqu’un pour coller des affiches ? » Bruno s’est lancé, sans rien connaître du boulot. Improviser, oui, mais s’organiser : il achète du matériel, aménage sa vieille voiture et commence seul, chez lui. « Je ne connaissais pas le terrain, j’ai passé un an à tourner partout pour repérer les lieux visibles, bref j’ai créé ma tournée : Chalon, sa couronne, la Côte chalonnaise. Au bout d’un an, j’avais gagné 18 000 €. Je me suis dit : banco, continuons ! » C’est ainsi qu’en 2006, sa société Alkor Diff, spécialisée dans l’affichage et la distribution de flyers, voit le jour. Pyrprod et L’Embarcadère, à Montceau, seront ses premiers et fidèles clients.

Alkor Diff, spécialisée dans l’affichage d’événementiels

En 2009, il franchit un cap décisif : il embauche un salarié. Passer du statut d’artisan à celui de patron représente toujours une prise de risque et de responsabilités. En presque 15 ans, Alkor Diff a fait du chemin. Aujourd’hui installée au 21 rue de la Citadelle, elle compte une équipe de 5 personnes.

Les clients peuvent être de trois sortes : les institutionnels (mairies, communautés de communes comme Le Grand Chalon), les sociétés (Pyrprod, Label LN à Nancy…) et les associations. Parmi les plus prestigieuses figurent Le Clos Vougeot (portes ouvertes) et Les Climats du vignoble de Bourgogne, inscrit au Patrimoine de l’UNESCO.

Chaque client indique la zone où il veut communiquer son événement. « En 15 ans, tu connais toutes les routes, tout le département. » Alkor Diff couvre une zone qui va bien au-delà du département, et qu’elle s’est construite peu à peu : la Saône-et-Loire, les trois quarts de la Côte-d’Or, le 39 et le 01. « Une zone, ça se fabrique sur le terrain : tu repères si elle est déjà couverte par un pro ou non, tu t’adaptes. »

Parce que oui, l’affichage libre a ses règles, ses us et coutumes. Qui n’ont rien à voir avec l’affichage du 4x3. Celui-ci ne requiert aucune stratégie quand celui-là doit jouer au jeu de la course contre la montre : « Le colleur d’affichage libre joue au chat et à la souris. Tout le monde peut afficher librement, parfois une affiche peut rester 2 heures avant d’être recouverte. Il faut trouver des stratégies pour que l’événement du client reste visible. »

Et puis, il y a l’affichage des campagnes électorales sur les panneaux officiels, légiféré par M. Sarkozy : « Depuis 2007, Alkor Diff est référent en Saône-et-Loire. »

Des stratégies pour évoluer

La première évolution d’Alkor Diff est sa réorganisation interne. Bruno Louchin décide de scinder son activité en deux pôles : d’un côté les colleurs, de l’autre les distributeurs.

Un présentoir en plexiglas qui fait toute la différence : là est l’autre évolution majeure. Représentez-vous la chose : les distributeurs cherchent auprès des commerçants les points de visibilité des affiches. Mais parfois, quel chaos entre celles qui sont périmées, et celles qui croupissent dans l’ombre ! « Quand je demande à déposer une affiche, je n’oublie pas que je ne suis pas chez moi, je suis chez un commerçant dont le boulot n’est pas de trier les affiches. » explique Bruno. C’est ainsi qu’à partir de 2014, les « plexis Alkor Diff » ont peu à peu fleuri sur les vitrines. Au total, ils sont 1 200 répartis entre Chalon, Autun, Mâcon et Le Creusot. Le travail est plus propre et représente un gain de temps appréciable que l’équipe d’Alkor Diff peut passer en discutant avec les commerçants. « Certains sont devenus des amis, poursuit Bruno Louchin. De l’humain avant tout ! » Aujourd’hui, Alkor Diff a 275 points de distribution au centre-ville de Chalon. Il vise 300.

Bruno Louchin n’entend pas travailler seul, dans son coin. « On fait tous le même boulot, on a tout intérêt à harmoniser notre travail. Alors j’ai récupéré des contacts, et on communique en un réseau, de Strasbourg à Valence. J’aimerais bien qu’il se développe en Groupe d’Intérêt économique pour professionnaliser le métier. C’est en projet. Et, à terme, m’implanter dans une capitale. »

C’est quoi, un bon chef d’entreprise ?

La question est posée à Bruno Louchin. « En France, le patron n’est pas bien vu, déplore Bruno, il exploite les gens, il profite des autres. Tout l’opposé de l’Angleterre où on salue ta réussite. Je trouve ça dommage. Moi, je suis un fils d’ouvrier, j’ai monté ma boite, et je vois les choses de l’intérieur. On dit parfois qu’on naît patron. Je ne sais pas si c’est vrai. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas facile. Être un bon patron, c’est déjà ne pas oublier d’où tu viens, et rester humain, toujours. C’est quelqu’un qui se bat pour ses salariés, qui cravache tous les jours pour chercher des solutions pour ses clients. C’est un subtil équilibre entre lutter et n’écraser personne. C’est reconnaître ses erreurs, et reconnaître le travail de ses employés, c’est-à-dire bien les payer et leur offrir des avantages. Moi, je suis fier de mon bébé, et de mon équipe, parce qu’elle est humaine. Je ne dirais pas ça si je travaillais dans un grand groupe. »

ALKOR DIFF, Société de publicité spécialisée
21, rue de La Citadelle
71100 Chalon-sur-Saône

Bruno Louchin, directeur : 06 83 93 40 80
[email protected]

Nathalie DUNAND