Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Violences physiques, 4e plainte... la justice passe enfin

TRIBUNAL DE CHALON - Violences physiques, 4e plainte... la justice passe enfin

Au départ, il niait tout, l’alcool et les violences. Il nie, ça fait partie du tableau. Ce que l’audience de jugement de ce jeudi 19 décembre laisse voir et entendre, c’est qu’il est de ces hommes qui transgressent en permanence, toujours un peu hors la loi, parfois beaucoup. Mais sans preuves, que peut faire la victime ? Elle est présente, cette femme aux cernes noires et au visage défait, à la poitrine qui déborde de souffrances. C’est sa quatrième plainte, la justice passe enfin.

Le tribunal n’est composé que de femmes, plutôt jeunes. A la barre, un homme de nationalité portugaise qui a déclaré en audition « à quoi ça sert d’avoir une femme si quand on rentre c’est pas rangé ? que le repas n’est pas fait ? ». Il est frustre. Il boit, en plus, ceci restant sans rapport avec cela. Du matin au soir. Ça démarre avec une rasade de whisky dans le café du matin. Entre ses possibles représentations culturelles, les comportements alcooliques, et une « jalousie maladive », on a pléthore de motifs de débordements.

Un fils commun, mais des logements séparés

Mais le fond du problème est sans doute ailleurs, majoré par le manque d’éducation, aggravé par l’alcool et des demandes infantiles, mais ailleurs. On lui connaît des semblables, diplômés et sobres, qui savent en appeler à la raison de tous, et en particulier à une forme d’identification sociale, pour qu’on n’aille pas croire une plaignante qui ne semble pas très équilibrée (et pour cause, ndla). Lui, là, il n’a pas les moyens de faire ça, pour l’identification sociale, c’est raté. Il n’essaie pas de s’attacher les juges, il fait avec ce qu’il a. Ce couple existe depuis environ 10 ans. Ils ont un garçon de neuf ans, mais chacun a gardé son logement, dans deux communes différentes du côté de Louhans.

Le 15 décembre une dispute jalouse, « deux coups de poing »

On le poursuit pour violences sur sa conjointe, le portrait du prévenu se révèle, comme un cliché photo argentique, au gré des éléments que la présidente Landemaine expose pour ses assesseurs. Le 14 décembre dernier, chez elle, il lance une télécommande sur un miroir dont il brise le cadre. Le lendemain, une dispute, qu’il alimente de pensées dégradantes pour sa conjointe, lui donne l’occasion de lui filer deux coups de poing dans le flanc. Leur fils témoigne de cette scène, et d’autres. La présidente interroge l’homme qui lui fait face, elle donne l’impression de monter en puissance au fur et à mesure, elle ne se laisse pas bercer par le piège de ce genre d’homme qui se présente souvent comme faible, donc fragile, donc qui s’emporte parce qu’en face… En face, quoi ?

Une comptabilité meurtrière, sous couvert d’égalité

« On s’est toujours pris la tête, tous les deux, c’est vrai. C’est 50/50. » Ce type de comptabilité qui donne à chacun sa part, et qui donne la même, dans un pseudo souci de justesse, vise deux choses : d’abord donner à la victime l’image de quelqu’un d’agressif, qui charge, qui accuse, qui est injuste. Décrédibiliser la victime en la disqualifiant, c’est une constante. Et ce genre de personne le fait aussi avec les enfants : ils mentent. D’ailleurs, son fils « raconte n’importe quoi. Je ne sais pas où il va chercher ça ! » Le second bénéfice avec le 50/50, c’est d’empêcher l’entourage de penser : y a rien à penser ! C’est chacun sa part, c’est la même, on est dans l’équilibre, et lui il est encore bien gentil d’en prendre autant alors que l’autre le désigne comme l’agresseur.

Un grand classique, avilir l’autre

Avec un tel processus, il faut bien du temps pour que la victime se sache victime et désigne son conjoint comme un agresseur. Et puis ce défaut de preuves… Ah ben oui il s’énerve ! Oui, il pique des colères, on ne sait pas trop pourquoi mais lui il le sait, « elle m’agace ». Quand il s’énerve, il casse des objets. Au passage il insulte sa compagne, il la bouscule, il lui fait peur. Non, il la terrorise, il la sidère. Il lui a craché dessus, l’a abondamment traitée de pute (c’est un grand classique, avilir l’autre, qui est le plus sensible et s’en trouve affecté, profondément). Propos humiliants, dégradants. Avec lui on a du cash, avec un sobre diplômé, on sera dans du nuancé, de l’indirect mais c’est la même chose.

 Il alternait les phases d’accalmies et d’attaques

C’est la même chose : il y a un phénomène d’emprise ou proche de l’emprise, y compris souvent sur les enfants aussi. La victime en a parlé : il alternait les phases d’accalmies et d’attaques, plaçant cette femme dans une ambivalence, parce qu’elle est sans aucun doute une bonne personne et qu’il a su la ferrer avec ça, et qu’il doit en crever à l’intérieur de ses qualités à elle dont il est au fond dépourvu. S’il est jaloux, et il l’est, terriblement, c’est d’elle. Maître Charrier intervient pour elle et plaide la fin de jeu pervers et cruel. « Cet enfer dure depuis des années, et doit cesser, elle le demande. Il faut que monsieur comprenne que les violences commises sur une femme ne sont jamais accidentelles, ni le résultat d’un conflit, ni le symptôme d’une relation qui va mal. J’ai l’impression que monsieur aura du mal à l’entendre. »

L’insécurité affective comme mode de domination

Il est fort probable que monsieur s’en fiche, parce que son souci n’est pas là. Comme tout prédateur, il ne vit que de sucer le sang de l’autre, jusqu’à le dévitaliser, c’est ainsi qu’il se sent vivant. Le règne de l’arbitraire, la vie sur une plaque chauffante, les coups de taser qui tombent on ne sait jamais quand ni pourquoi, l’isolement progressif de l’entourage, soit en coupant la victime des autres, soit en se mettant l’entourage dans sa poche, travail de sape au long cours. Manipulations partout, et l’insécurité affective comme mode de domination. Mais lui, là, ce Portugais, c’est plutôt en se fâchant avec tout le monde qu’il faisait le vide. Trop frustre pour cultiver une autre image de lui, trop alcoolique aussi sans doute.

Plus de 10 ans de maltraitances, d’insultes et de violences

2012, un coup de poing au visage, certificat médical pour un œil au beurre noir, première plainte. En 2014, plainte pour viol, 10 jours d’ITT. On jette un regard vers cette femme, son épuisement visible. 2018, troisième plainte. « Monsieur, ça fait plus de 10 ans de maltraitances, d’insultes et de violences. En 2018 on commence à avoir des auditions de témoins » lui dit la présidente qui ne passera pas davantage sur la menace de mort : « je vais t’envoyer dans un hôtel 5 étoiles rejoindre ton père ». Son père est mort.
Les plaintes l’ont conduit devant un délégué du procureur pour un rappel à la loi (la loi ? Les gens de cette sorte en jouent constamment, ils ont le mot à la bouche, « la loi », alors qu’en réalité ils s’en arrangent à leur gré, ils sont menteurs patentés), puis alternative aux poursuites : composition pénale.

« Tenir compte du contexte »

Il jouait sur du velours, ce monsieur, comme tous ceux de cette sorte. Des fake ambulants, charmants, affables, dotés d’un tas de qualités avenantes qui leur permettent de passer à travers tout, soutenus souvent par leurs proies qui les récupèrent repentants, en larmes, parfois, et qui se disent, « le pauvre, ça ne doit pas être facile ». Le prévenu n’est pas poursuivi pour violences habituelles mais Marie-Lucie Hooker demande au tribunal de tenir compte de ce contexte et de le condamner, pour les coups de poing du 15 décembre à 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans, avec des obligations et l’interdiction de contact avec madame, et interdiction de paraître à son domicile.

Il a la parole pour se défendre, et de quoi parle-t-il ?

Il n’a pas d’avocat (ça aussi, c’est pratique : il est condamné alors qu’il n’a même pas eu de défense, dans ces conditions comment penser que cette condamnation puisse être juste ? ndla). La présidente lui explique la peine requise, il a la parole pour se défendre. Il fait nuit noire dehors, la salle est vide, coupée de tous les bruits de la ville, de la vie qui bruisse. Il a la parole, et de quoi parle-t-il ? Des indemnités demandées par sa conjointe au titre d’un pretium doloris chiffré à 1 500 euros. Ben oui. Déjà, obtempérer devant l’autorité judiciaire, c’est pénible mais alors reconnaître quoi que ce soit vis-à-vis d’elle ? Impossible. « Je suis d’accord pour des soins, mais pour les 1 500 euros je pourrai pas, c’est mon salaire ! »

2 ans de mise à l’épreuve, exécution provisoire

Le tribunal le condamne à 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Obligations de travailler, de se soigner (psycho et addicto), obligation d’indemniser la victime à hauteur de 800 euros pour ses souffrances morales et physiques, de 700 euros pour ses frais de justice, et de 20 euros pour le cadre brisé.
Interdiction de tout contact avec madame, et interdiction de paraître à son domicile. Le tribunal ordonne l’exécution provisoire : quand bien même il déciderait de faire appel de la décision, les obligations et les interdictions s’appliquent dès cet instant. Fin du couple. Madame a écrasé des larmes tout au long de l’audience. Son ex-conjoint signe les papiers, il en garde un double. Il saisit son document puis se retourne pour sortir, il sourit.

Florence Saint-Arroman

Pour ce qui concerne l’enfant, madame saisira le juge aux affaires familiales qui fixera un cadre pour qu’il voie son père sans que celui-ci en profite pour faire pression sur sa mère. Le père peut évidemment saisir le JAF lui-même aussi.