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O Grand Brésil, ton « futebol » absoudra-t-il tes avatars sociétaux ?

O Grand Brésil, ton « futebol » absoudra-t-il tes avatars sociétaux ?

Du 12 juin au 13 juillet prochains le Brésil vivra à l’heure de la Coupe du Monde de football 2014, mise sur pied ici même une seule fois –en 1950- depuis sa création en 1930. Comment s’apprête-t-on dans cette contrée d’Amérique du sud (cinq trophées à son actif, un record) à assimiler rendez-vous sportif de haute tenue via ce melting-pot, et les dégâts collatéraux aux conséquences insondables, tandis que des voix revendicatives s’élèvent au sujet d’une qualité de la vie qui peine à trouver, doux euphémisme, son régime de croisière ?…

Fondateur de la Biennale de la danse inhérente à Lyon, et ex-premier directeur artistique de la Maison de la danse de la cité rhodanienne encore, Guy Darmet (en photo), globe-trotteur au long cours, a son avis sur la question, vu les tranches de vie collectionnées dans ce Brésil qu’il chérit et où il passe le plus clair de son temps. Il s’en ouvre pour info-chalon.  

Le Brésil, Terre de football, Terre de contrastes, vous en pensez quoi ?

« Le foot est le sport national brésilien, le plus populaire par excellence. On peut être fan en étant riche ou pauvre, mais il reste avant tout un sport de pauvres. Les joueurs de foot, eux, viennent principalement des favelas. C’est un moyen de se faire repérer et de sortir de leur misère,  de devenir connu, etc. »

Quelle est la température là-bas en ce moment ?

« C’est complexe. Il y a beaucoup de retard, les stades construits pour la Coupe du Monde, au nombre de douze, seront à peine finis. Pareil en ce qui concerne les travaux entrepris dans les aéroports. Il y a a des contestations de la part du peuple contre le coût exorbitant de cette compétition mondiale qui est quatre fois plus chère que les quatre précédentes, situation pour le moins paradoxale, alors que dans ce pays il n’y a pas assez d’argent rien que pour construire un hôpital…D’où des protestations de la base, et des manifestations d’ampleur prévues pendant le Mondial, car pendant cette période les caméras du Monde entier, les projecteurs seront braqués sur le Brésil, et donc les manifestants pourront faire entendre leur voix. Il y a par ailleurs  un gros problème : l’inflation importante due aux jeux Olympiques d’été qui se dérouleront en 2016 à Rio de Janeiro. En revanche, si le Brésil gagne tout le monde oubliera et ne se souviendra que du succès, mais s’il perd ce sera une catastrophe nationale. On dit même que la présidente ne sera pas réélue… »

Les Brésiliens, dans leur majorité, voient-ils à travers cette Coupe du Monde une énorme chance de faire valoir leur pays, où s’en désintéressent-ils ?

« Tout le monde est conscient que Monde entier va regarder le Brésil, mais ça n’empêchera pas les très fortes contestations… »

Quelles pourront être a posteriori les retombées pour les autochtones ?

« Le peuple brésilien aura douze stades, qui seront vides une grande partie de l’année. Il va payer en impôt toutes ces dépenses, et il n’aura pas ce qu’il attend depuis longtemps, c’est-à-dire plus d’éducation, plus de santé publique, etc. De grosses critiques vont s’abattre sur la F.I.F.A., l’organisateur de la Coupe du Monde, lequel réalisera des milliards de bénéfices. Ce que dépenseront les touristes ne sera pas meilleur que ce que dépensent les hommes d’affaires d’habitude, puisque pendant la Coupe du Monde, ceux qui bossent ne seront pas présents pour faire le chiffre d’affaires…Les compagnies aériennes aussi perdront de l’argent à cette occasion. »

Avez-vous un chouchou au sein de la sélection brésilienne ?

« Neymar, qui joue à Barcelone, est le joueur préféré des Brésiliens. Il a un contrat de milliardaire, mais c’est un Brésilien à la base. Il est dans toutes les pubs en ce moment pour la Coupe du Monde. Il est LE symbole de la réussite aux yeux des enfants des favelas, car c’était un enfant pauvre qui s’en est sorti. Il donne par conséquent de l’espoir aux futures générations. »

                                                                                                               Michel Poiriault

 

Photos du Lyonnais Stéphane Vittorelli, un autre amoureux transi du Brésil, directeur du studio « Dance and Co »