Givry
Le grivrotin d’adoption Laurent Vignat, avec le poétique « Monsieur I », revient complètement métamorphosé
Publié le 08 Mai 2017 à 20h38

Appelé à le dédicacer au salon du livre jeunesse qui se tiendra prochainement au Colisée de Chalon-sur-Saône, chez Gibert et dans une librairie de Chagny, Laurent Vignat vient de publier « Monsieur I ». Le sentiment d’Info-Chalon.com
« Un métier, c’est d’abord un langage qui entre en vous. Celui de mon père était fait de formules et de postures qui le dénaturaient. C’était comme si, parfois, il était possédé d’un seul coup par un esprit mauvais qui parlerait à sa place, lui piquant ses propres mots, lui pompant ses envies de déconnade. Il nous imposait des contrats d’objectifs s’agissant du rangement de nos chambres et nous faisait passer un entretien d’évaluation à chaque fois que tombait le bulletin trimestriel. Cette manie irritait ma mère, qui considérait que la famille n’était pas une entreprise. » [1] En quelques lignes, ce sont les concepts debordiens de « séparation », de « réification » et d’ « aliénation » [2], demeurant généralement abscons à celui qui n’a pas fait « situationnisme » comme deuxième langue vivante, que Laurent Vignat parvient à rendre quasi-instantanément clairs comme de l’eau de roche à son lecteur. Et si votre serviteur ne craignait de lasser le sien en multipliant les citations d’extraits de Monsieur I accréditant l’idée que Laurent Vignat est avec celui-ci extrêmement percutant par la simplicité de sa prose, il pourrait aisément démontrer que tout le dernier livre du givrotin d’adoption est du même tonneau, ce qui, parlons net, constitue un sacré tour de force, ceci pour au moins deux raisons.
D’abord parce que, ainsi, il peut parler à son lecteur et, tout comme le faisait Lewis Caroll avec son Alice, le faire passer de l’autre côté du miroir, parfois même du mourir… Mais surtout parce que c’est à une véritable métamorphose qu’il parvient ici, à laquelle celui qui avait pris l’habitude de se confronter à son écriture d’avant assiste médusé. Médusé et heureux. Car il y a bien métamorphose. Bien que talentueux, et ceci depuis longtemps, Laurent Vignat était un écrivain qui avait un certain inconvénient, même si cela était déjà moins vrai depuis Particule d’enfance [3] : il fallait habituellement le lire avec le Littré à côté de soi, ce qui s’avère assez vite un peu pénible. En effet, ayant du vocabulaire, le professeur de Lettres que Laurent Vignat demeure le reste du temps ne se privait pas de l’utiliser. Peut-être parce que, tout comme le narrateur de Monsieur I, Laurent Vignat aime les mots savants et a l’impression qu’en en possédant un, il possède mieux le monde. Ici, plus besoin de consulter frénétiquement un dictionnaire de la langue française à intervalles réguliers pour comprendre le sens d’une phrase, et plus généralement ce que cherche à nous dire Laurent Vignat. Et ceci constitue certainement une mutation remarquable dans sa façon d’écrire. Une mutation remarquable et qui donne à son écriture une force d’évocation que votre serviteur ne lui avait jusqu’alors pas soupçonnée, malgré le plaisir qu’il avait toujours pris à le lire. En plus de donner corps à l’idée de George Orwell, formulée dans un texte de 1940 (New Words), selon laquelle la littérature est « un effort pour échapper à l’incommunicabilité par des moyens détournés », ainsi qu’une sorte d’ « attaque de flanc contre des positions qui résistent aux offensives frontales ».
Comment Laurent Vignat réussit-il, dans Monsieur I, ce fameux tour de force ? Avec une idée simple mais rudement efficace : écrire en s’efforçant d’adopter – et en y parvenant particulièrement bien – le point de vue d’un collégien dont les globules rouges se retrouvent exterminés par des « leucocytes voraces », c’est-à-dire atteint d’une leucémie. Un choix qui, a priori, aurait pu conduire à quelque chose de larmoyant, voire glauque, mais qui mène en réalité à un récit, presqu’un conte, dont la poésie touche plus qu’elle n’attriste ou n’afflige ou ne désespère. Tout en vous donnant l’occasion de poser un regard neuf, du moins différent, sur le monde alentour : celui d’un collégien constatant un jour que « l’exil, la maladie sont de puissants accélérateurs de maturité », un autre que « les épreuves, ça rend moins cons quand tu les surmontes ». Capable aussi de dire, à propos de celle qui ne le laisse pas indifférent, ce que toute jeune fille goûterait sans doute de s’entendre dire : « elle est la citadelle que j’aime et depuis la cinquième je patiente au pied de sa herse ».
« Presqu’un conte », ce Monsieur I, au fait ? Sa particularité est en effet de ne plus être tout à fait le récit d’une histoire par un jeune narrateur, tout en n’étant pas encore tout à fait un conte, au sens classique du terme. Pourquoi ? Parce que, d’abord, ça ne commence pas par « Il était une fois… » Et parce qu’ensuite sa construction, comme sa présentation, demeurent bien trop proche de celle d’un roman. Néanmoins, les qualités que le psychanalyste Bruno Bettelheim prêtait aux contes dans un célèbre ouvrage [4], que les futurs professeurs des écoles devraient redécouvrir en dépit des établissements supérieurs du professorat et de l’éducation (ESPÉ) censés les former au lieu de les déformer, et que Marthe Robert pensait également identifier dans sa préface aux Contes des frères Grimm [5], sont bien présentes. Et puis il y a ce djinn avec des pouvoirs étonnants, grâce auquel Laurent Vignat donne envie de découvrir l’œuvre d’Albert Cossery, auquel il rend avec Monsieur I un bel hommage. Ce djinn qui débarque sans crier gare dans la famille d’Honoré, le narrateur…
Vous voulez en savoir plus ? Vous savez alors ce qu’il vous reste à faire : acquérir, y compris par des moyens légaux, ce Monsieur I que Laurent Vignat dédicacera les samedi 20 et dimanche 21 mai au salon du livre jeunesse de Chalon-sur-Saône (Colisée), le samedi 27 mai de 15 à 17 hrs chez Gibert Joseph à Chalon et le samedi 17 juin de 10 à 16 hrs à la librairie « Rendez-vous avec la nature » de Chagny.
Samuel Bon
[1] Laurent Vignat, Monsieur I, éditions du Jasmin, 2017, p 30.
[2] Debordiens donc marxistes, Guy Debord pouvant être considéré comme l’actualisateur de la pensée de Marx au XXème siècle (Gérard Briche, "Guy Debord et le concept de spectacle : sens et contresens"), ce qui n’est guère douteux lorsque l’on finit par comprendre en le lisant que, pour lui, le capitalisme constitue l’être humain en travailleur, c’est-à-dire le sépare de lui-même, le rend étranger à lui-même (l’aliène) et le constitue en « dépôt » d’une puissance de travail qu’il peut et même doit vendre pour espérer subsister.
[3] Sur ce conte musical, lire l’article d’Info-Chalon.com :
[4] Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Pocket, (1976) 2013, 477 p
[5] Marthe Robert, « Préface » au Contes de Grimm, Gallimard, coll. « Folio classique », (1973) 1976, pp 7-25



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