Saône Doubs Bresse
CONFLU’ART 2018 : Verdun-sur-le-Doubs bientôt sous les bombes du graffeur Florian Marlien
Publié le 06 Août 2018 à 15h00
Chaque année, Conflu’Art met en lumière un jeune talent. Pour l’édition 2018, Mireille Fouchecourt a jeté son dévolu sur Florian Marlien, un graffeur. Celui-ci exposera ses toiles et réalisera également une « performance », à savoir une composition live d’un graffiti. Focus.
Les « polémiques » qui ont entouré l’installation par Paul McCarthy, Place Vendôme, à Paris, d’un « plug anal », ont-elles réconcilié le peuple français avec ce que l’on appelle « l’art contemporain » ? L’ont-elles incité à visiter l’un des temples de ce dernier, à savoir le Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou de Paris, aussi connu sous le nom de « Beaubourg » ? Pas sûr. Elles ont plus probablement conforté l’impression, pas tout à fait erronée d’ailleurs, que, de nos jours, « devient artiste celui qui est adoubé par un réseau de spécialistes autoproclamés [critiques, collectionneurs, fonctionnaires du ministère de la culture, particulièrement influents en France] dont les choix reposent moins sur leur goût que sur les anticipations qu'ils font de l'évolution du prix des œuvres » [Lire ICI]. Si d’aventure elles n’ont pas, en outre, contribué à laisser accroire que l’art contemporain n’est rien d’autre que l’un des plus grandes arnaques de tous les temps… Or, si tel est bien le cas, c’est dommage.
McCarthy et Koons ne représentent pas à eux seuls l’art contemporain
C’est dommage car il serait très réducteur de résumer l’art contemporain à un objet de forme conique destiné à être introduit dans l'anus ou le vagin afin de provoquer une excitation sexuelle, même si celui-ci était géant, même si celui-ci avait été érigé sur l’une des places de Paris les plus célèbres et considérée comme l'une des plus luxueuses du monde, abritant par ailleurs le ministère de la Justice français… En effet, l’art contemporain ne saurait valablement être confondu avec les dernières lubies d’un McCarthy ou d’un Jeff Koons. Encore moins, comme on le fait trop souvent, avec le « Carré blanc sur fond blanc » de Kasimir Malevitch - un carré de couleur blanche, peint sur un fond d'un blanc légèrement différent… En effet, le terme d’« art contemporain » désigne — de façon générale et globale — l'ensemble des œuvres produites depuis 1945 à nos jours, et ce quels qu'en soient le style et la pratique esthétique mais principalement dans le champ des arts plastiques. Considérer que trois individus douteux en sont les représentants par excellence reviendrait à assimiler l’art moderne (1850-1945) aux seuls impressionnistes (Edouard Manet, Claude Monnet, tec.), alors qu’il ne saurait être amputé des symbolistes, du cubisme, du mouvement Dada, du cinéma de Luis Buñuel, des photographies de Man Ray ou, encore, des peintures abstraites de Vassily Kandinsky et de…Kasimir Malevitch (1879-1935).
Derrière l’arbre du terme « art contemporain » se cache en réalité une forêt de pratiques, de techniques et d’artistes. Tous n’ont pas choisi, même si certains le font, d’exprimer leur sensibilité via des peintures abstraites ou des sculptures du même acabit, ou peu s’en faut. Certains, par exemple, le font en « écrivant sur les murs », plus exactement en les « graffant », c’est-à-dire en réalisant des graffs, c'est-à-dire des dessins tracés, peints ou gravés, sur un support. C’est par exemple le cas de Florian Marlien, le jeune talent que le deus ex machina de Conflu’art, Mireille Fouchecourt, a choisi de faire découvrir pour l’édition 2018 de cette exposition désormais bien installée dans le paysage artistique (Lire ICI).
Un vrai graffeur
Originaire de Dijon, Florian Marlien, technicien de maintenance, a délibérément choisi de s’installer à Verdun-sur-le-Doubs, où il rénove sa maison et prépare Conflu’art, tout en mettant sur pied l’entreprise de décoration d’intérieur et de réalisations de fresques murales qu’il entend faire tourner dans les prochains mois.
Lorsqu’info-chalon.com l’a rencontré, chez lui, Florian Marlien, souffrait, comme nous tous, de la chaleur. Simple d’abord, affable et pas prétentieux pour deux sous, malgré une certaine ressemblance avec ce dandy lecteur de Nietzsche qu’était Jim Morrison, celui-ci s’est assez volontiers livré.
Florian Marlin dessine et graffe depuis l’âge de 12 ans (il en a 29 aujourd’hui). Depuis qu’il a délaissé le sport. Amateur de Metal, celui-ci s’est alors progressivement tourné, influencé par son grand-frère, vers le hip-hop, le breakdance, ainsi que vers un rap de qualité (le groupe Assassin, par exemple), c’est-à-dire tout le contraire de celui de Booba (écouter ICI), Jul et d’une kyrielle de nases de leur trempe, plus prompts à dévaster une boutique de duty free dans un aéroport (Lire ICI) ou à commettre des excès de vitesse sous l’emprise du cannabis (Lire ICI) qu’à se servir de leur cerveau, afin de s'extraire des stéréotypes de cailleras à la petite semaine dans lesquels ils pataugent.
Petit à petit, il fréquente le squat – pardon : l’ « espace autogéré »... - des Tanneries de Dijon, où se mélangent ade nombreuses mouvements underground : punks, anars, autonomes, artistes de rue, etc. Dans ce qui est alors un bouillon de cultures, des horizons nouveaux s’offrent à lui. Il graffe, dessine, teste, se perfectionne. Bientôt, il le fait – légalement - à l’extérieur des Tanneries, sur des murs. Membre d’un premier crew - un groupe d'artistes graffiti ou street-art –, puis d’autres, comme le BR Crew (les « Bourguignons Renégats »), il sillonne la France. A plusieurs, ils composent d’immenses fresques murales, notamment en Vendée où, dit-il avec un immense sourire, « l’accueil a été vraiment sympa ».
Plus qu’un graffeur aux origines contrôlables et contrôlées
Quand il ne relooke pas les murs selon les canons du genre auquel il s’adonne depuis presque deux décennies, Florian Marlien graffe et dessine sur des toiles, souvent de petites dimensions. Si certaines sont dans le droit fil de ses compositions « urbaines », d’autres, en revanche, s’en éloignent sensiblement. Pour la plupart réalisées à la bombe et à l’aide de pochoirs, elles lui permettent d’enfin laisser exploser une sensibilité qu’on ne peut au mieux que suspecter au premier abord. C’est en tout cas ainsi qu’info-chalon.com voit les choses.
Techniquement, cela reste du graff’, évidemment. Du très bon graff’, même. Sur le fond, toutefois, l’observateur devine qu’un tout autre monde que celui des B-Boys et des superhéros des grands Comics américains ne demande qu’à déferler pour « dire » de toutes autres choses que ce que Florian Marlien a longtemps (bien) exprimé en tant que graffeur aux origines contrôlables et contrôlées.
Cet autre monde intérieur, il est lui aussi peuplé de créatures fantastiques, inquiétantes, fantasmagoriques aussi, mais pas que. Il est le siège de forces qui demeurent agissantes, même une fois "fixées" sur toiles, conservent une rage qui n’a pu que frapper info-chalon.com. Une rage de vivre. Une rage qui frappera certainement celles et ceux qui viendront le découvrir lors de Conflu’Art, entre le 14 et le 30 août prochain.
Samuel Bon
(Photos de Une : Florian Marlien ; Illustrations : extraits des toiles de Florian Marlien)
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