Chalon sur Saône

Le quotidien au commissariat de Chalon sur Saône (1) : la salle radio et police-secours

Le quotidien au commissariat de Chalon sur Saône (1) : la salle radio et police-secours

« Pour info, y a une mesure d’éloignement mais il s’est installé dans l’immeuble d’à côté. T’étais au courant qu’il s’est domicilié dans l’immeuble d’en face ? ça risque d’être tendu dans l’avenir. » Nous sommes au CIC, le centre d’information et de commandement de la police nationale à Chalon-sur-Saône, soit la salle radio.

Un équipage accompagnait un homme frappé par une interdiction de tout contact avec sa conjointe – suite à des violences -, pour qu’il récupère quelques affaires, les policiers constatent qu’il vit tout près, trop près.  Tout ce qui se passe à l’extérieur du commissariat passe par le CIC, et tous les appels à police-secours, le 17, arrivent ici. « On répond, on trie, on oriente. » 

Il faut éviter la déperdition d’informations, le policier en charge du CIC ce mercredi 17 mars y veille, tout en dirigeant les patrouilles. En ce milieu d’après-midi, des agents de sécurité appellent pour un vol à l’étalage de deux sacs à main, pour une valeur de 62 euros. Les auteures sont deux filles, vraisemblablement mineures. « Le GSP est en présentation, y a qu’un seul équipage, pas disponible pour l’instant. » Le GSP c’est le groupe de sécurité de proximité. « En présentation » signifie qu’il est actuellement au palais de justice, escortant un gardé à vue qui va rencontrer le procureur de la République, assisté d’un avocat.
Une présentation peut prendre plusieurs heures, or ce jour-là, trois présentations sont en cours, mobilisant 9 policiers, le dernier équipage quittera le palais de justice à 18h45.  Du coup, il faut se débrouiller. Le policier en charge du CIC appelle la police municipale de Saint-Rémy, demande si elle peut se rendre au magasin, la police nationale prendra le relai dès que possible. L’équipage Alpha (chaque patrouille police-secours est désignée selon un code radio international, soit Alpha, Bravo, Charlie, etc.) s’occupera de la lettre-plainte en rentrant au commissariat. Chaque retour au commissariat s’accompagne de travail administratif ou de procédure.

Une vaste salle, radio, téléphones, alertes et écrans 

Le CIC est une grande salle située pas loin des bureaux de la police technique et scientifique où trois policiers-techniciens font les photos, prennent les empreintes et l’ADN, organisent les tapissages, aussi, à travers une porte aménagée avec une vitre sans tain. Au CIC, sur un grand écran, les images des caméras situées autour et à l’intérieur du commissariat, on les trouve également au poste situé au rez-de-chaussée. Sur de petits écrans, un retour du CSU, le centre de supervision urbain de la Ville. Un enquêteur y visionne des images de la nuit précédente. On recherche les auteurs d’un vol de voiture, l’OPJ regarde s’il parvient à les capter. Il y a deux postes radio complets mais un seul policier pour tout gérer. La ligne du 17, la ligne du commissariat, et la radio dont chaque véhicule et chaque policier est doté. On entend également un retour radio de la police municipale, et puis il y a un poste STAC (1) : tous les conducteurs de bus ont une alarme à leurs pieds, si l’un d’eux appelle au secours, l’alerte retentit à la STAC mais aussi au CIC, histoire d’intervenir le plus rapidement possible.

Les téléphones ne cessent de sonner

 « Police-secours bonjour…. Il est mineur ? …. Il est sourd ? .... Il faut qu’il vienne, accompagné de quelqu’un qui peut assurer la communication, avec une photo de son vélo s’il en a une. » A ce sujet, les vols de vélo sont une plaie. Il est difficile de les retrouver, mais la police constitue un fichier photos, et lorsqu’elle fait un lien, on peut parfois réunir le propriétaire lésé et son deux-roues. Les vélos neufs sont désormais marqués (3) et un fichier leur est dédié. 

« Police, j’écoute. Votre fils n’est pas revenu ? … Quel âge ?... 28 ans… Il est domicilié chez vous ? Il est sorti hier soir et n’est pas revenu ? Il est peut-être chez des copains. Il travaille ? Non ? Il a des amis ? Il faudrait les appeler, commencer par là. En garde à vue ? Vous pensez qu’il serait en garde à vue ? Comment il s’appelle ? Kevin ? Kevin comment ? Kevin X. Il a déjà découché ? Jamais ? Bon. Appelez ses amis, puis l’hôpital, et s’il ne rentre pas ce soir à la nuit, alors venez faire une disparition inquiétante. »

La police municipale apporte son concours

L’équipage qui patrouille a pu se rendre à Saint-Rémy, on remercie la « PM » (police municipale) d’avoir aidé. Une escorte policière prévient qu’elle quitte le palais de justice. Le prévenu a été jugé en CRPC-déferrement (2), il doit être incarcéré. L’opérateur appelle le centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand : « On arrive d’ici 15 minutes, avec monsieur Y., il a pris 4 mois ferme. » Mais le téléphone sonne : « Qu’est-ce qu’ils vous ont fait, encore ? Votre adresse, votre téléphone ? Je vais vous envoyer du monde. » La personne appelle pour des dégradations dans un garage, un équipage ira faire des constatations. « Commissariat de Chalon-sur-Saône, bonjour. » Appel des pompiers, une fille menacerait de se jeter du 7ème étage. « Si un truc nous concerne, vous nous rappelez. » Ils ne rappelleront pas, la situation n’était pas aussi alarmante, ou bien est rentrée dans l’ordre sans qu’une intervention soit nécessaire. 

Le 17 est une ligne réservée aux urgences

Il est plus de 18 heures, le couvre-feu est tombé. « Commissariat bonjour. Il faut nous rappeler aux heures ouvrables pour ce genre de renseignements. » Puis appels d’un équipage qui a besoin de vérifier la situation d’un véhicule. Leur collègue consulte le fichier des objets et des véhicules volés. Il reporte ce qu’il fait sur un cahier : tout est toujours fixé quelque part. Le travail des policiers est tracé en permanence. « Qu’est-ce qui se passe ? Des dealers sur le parking ? Vous avez fait une main courante ? Vous le voyez dealer ? Vous voyez quoi ? S’il fume dans sa voiture, ce n’est pas dealer, ça. » Cet appel au 17 n’est pas une urgence, le policier donne l’adresse mail, la personne qui appelle fera un écrit qui va fixer ses observations, elles serviront un jour. L’écrit est important, c’est à lui qu’on se réfère, sinon l’objet de son appel sera oublié, le 17 est une ligne réservée aux urgences. Le travail consiste à orienter au mieux. 

A 22 heures, un autre policier prendra la relève. Le CIC tourne 24/24, sans interruption. Il est une cheville qui articule tout : tous les appels entrants, puis les signalements des patrouilles, leurs positions et la nature de leur travail à l’instant T, ça lui permet d’être efficace pour les urgences. 

Patrouille police-secours

C’est ce qui s’est passé, le vendredi de la semaine suivante. Nous sommes à bord du nouveau véhicule dont le commissariat vient d’être doté, avec une patrouille police-secours. A son bord, un gradé, un agent, et un ADS (adjoint de sécurité). L’ADS tient une tablette sur ses genoux, elle lui permet d’accéder en direct à quelques fichiers relatifs aux identités et aux véhicules. Elle permet aussi de verbaliser. Le véhicule tourne dans les rues du centre-ville, roule au pas dans les rues piétonnes. « L’objectif, c’est de contrôler. Ce sont des consignes nationales. Sinon, on tourne et on se montre aux abords des écoles, des collèges, etc. » Le chef de bord propose d’aller se poser avenue de Verdun, procéder à quelques contrôles. A peine le véhicule est-il arrêté qu’un appel radio signale un accident sur la D906, face aux halles Freyssinet. Un blessé léger, selon les informations dont dispose le CIC. Il est 10h25, gyrophare, véhicule prioritaire, on trace. Très vite on aperçoit les deux voitures accidentées, « comment ils ont fait pour se rentrer dedans ici ? ». La circulation est bloquée dans le sens Saint-Rémy – Chalon.

« D’abord on protège, ensuite on fait les constatations »

« On arrive le plus vite possible pour éviter le suraccident, c’est-à-dire le ou les accident(s) supplémentaire(s) lié(s) au premier. Donc d’abord on protège, ensuite on fait les constatations. » Le jeune ADS se met immédiatement à la circulation, le chef de bord se placera sur l’autre voie, après avoir marqué au sol les emplacements, placé des cônes de signalisation pour que les conducteurs aient un visuel supplémentaire. Les pompiers sont là en même temps que la police, un second véhicule arrive mais le blessé est surtout choqué. Il sera transporté à l’hôpital pour une visite de contrôle, mais rien de grave. On procède à des dépistages d’alcoolémie, tout le monde est négatif. Le chef de groupe prévient le CIC : il va falloir procéder au retrait véhicules et nettoyer la chaussée. A 10h43 une dépanneuse arrive. A 10h49 la police municipale de Saint-Rémy est sur place, à 10h56 un employé de la voirie balaye les débris (pare-brise arrière, feux, etc.) On peut repartir, les lieux sont sécurisés, la circulation va reprendre dans très peu de temps, les pompiers ont transporté la personne choquée au centre hospitalier. 

Vu sous l’angle de la sécurité publique, il n’y a pas de « petits » accidents

Une voiture s’était arrêtée pour tourner sur le parking Freyssinet. Derrière elle on attendait, mais le conducteur du véhicule noir n’était pas vigilant et a embouti la voiture blanche. C’est aussi bête que ça, mais la voiture blanche est vraisemblablement à l’état d’épave désormais. Par contre il n’y a pas de « petit » accident : les policiers sont toujours au taquet, « on craint le suraccident, ça arrive vite ! ». On quitte les lieux, on prévient le CIC. On va tourner. 

En permanence, une vision panoramique

Dans les véhicules, le 3ème policier occupe toujours la place derrière le chauffeur, en BAC c’est pareil : ça permet d’avoir une vision panoramique. Trois paires d’yeux balaient tranquillement mais constamment l’environnement. Un véhicule qui interroge ? On vérifie sa situation au fichier. Une conduite dangereuse ? Une voiture en mauvais état ? On contrôle. Un vélo qui semble abandonné ? Une altercation en cours ? On s’arrête. Un appel du CIC ? On file. Deux heures paisibles peuvent subitement connaître un rush qui mobilisera tout le monde et obligera à improviser, à s’adapter aux nécessités.

« On doit toujours travailler en nous protégeant et en protégeant les autres »

L’activité quotidienne est donc imprévisible. Chaque jour une organisation bien rôdée permet à tout le personnel de service d’assurer le travail de routine, sur celui-ci viennent se greffer les urgences, les imprévus. « Ma femme, quand on est en vacances, elle me dit toujours : arrête d’avoir ton œil de flic. – Ma femme me dit la même chose. » Ils rient, c’est comme ça, leur formation et l’habitude les ont transformés et même quand ils font leurs courses, ils « voient ». Un peu comme un correcteur dont l’œil exercé repèrera la moindre coquille pendant ses lectures de loisir, un policier, lui, fera sans cesse l’examen de son environnement, et pas seulement pour repérer des contrevenants ou des auteurs d’infraction, mais aussi parce que sa sécurité en dépend. « On doit toujours travailler en nous protégeant et en protégeant les autres », expliquait le commandant Valérie Kosica, qui dirige le service voie publique, soit plus de 90 policiers. 

Florence Saint-Arroman

Le service voie publique est placé sous l’autorité du commandant Valérie Kosica et de son adjoint, le capitaine Buriller :

Police-secours, 4 brigades de 11 policiers chacune (jour), et 1 brigade de nuit, 14 policiers
Brigade motorisée (BMO – 2 motards)
Groupe de sécurité de proximité ( GSP – 7 policiers )
Brigade anti-criminalité (BAC – 13 policiers habilités niveau 2)
Deux officiers (le commandant et le capitaine)
2 policiers au BOE, le bureau d’ordre et d’emploi (un service essentiel qui assure la gestion logistique et la gestion des emplois du temps des brigades, entre autres)

(1) La Transdev STAC : compagnie d’autobus de Chalon-sur-Saône
(2) CRPC- déferrement : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est désormais également possible directement lors de la présentation au procureur de la République (c’est ce qu’on appelle le déferrement ou défèrement). Les étapes de la CRPC se déroulent dans les bureaux (parquet puis juge , avec l’assistance d’un avocat), sans homologation publique. Le parquet de Chalon y recourt souvent. Sur la CRPC, ses conditions et son déroulement : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10409
(3) https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14495

A suivre, Le quotidien au commissariat (2) : l’accueil et le service des plaintes