Agglomération chalonnaise

Les régimes vus par le Pr Henri Joyeux

Les régimes vus par le Pr Henri Joyeux

L’été arrive, on pense « régime ». Régime minceur, mais pas seulement : végétaLien, végétaRien, carnivore, sans gluten… Et dans cette jungle lucrative, comment s’y retrouver ? Le Professeur Henri Joyeux, ancien chirurgien cancérologue, auteur de best-sellers et conférencier sur l’alimentation et la santé, nous aide à aller vers l’essentiel.

Nathalie Dunand : Professeur Joyeux, au cours de votre carrière de cancérologue, j’imagine que vous avez dû souvent recommander un régime à vos patients ?

Pr Henri Joyeux : Le mot « régime » est difficile à supporter. Il véhicule l’idée de restriction, voire des interdits alimentaires. Alors j’entends : « Dites, Docteur, j’ai confiance en vous, j’ai essayé un régime, mais je n’y arrive pas. Vous n’auriez pas plutôt un traitement ou une pilule ? »

Précisément, le mot installe une barrière parfois difficile à franchir. Je préfère dire : « OK, je vous propose un truc sympa : manger mieux et meilleur. Ça vous irait ? » Au lieu de soustraire, nous proposons au contraire tout ce que la nature nous offre : des produits de toutes les couleurs, selon les saisons. Il n’est pas normal de consommer, en Europe, des fraises à Noël. Au mois d’avril, en revanche, ces fruits sont excellents à la santé et à la dégustation. Vous l’avez compris, il est préférable de manger les fruits et légumes de saison et bio de préférence. Une écologie alimentaire est importante. Il faut également consommer davantage de végétaux frais : salade, légumes, fruits crus. Les pommes au four, oubliez.

N. D. : Deux extrêmes se déchirent autour des régimes : les amateurs de viande (régime carné) versus les végétaliens, appelés véganes. Quel est le régime le mieux adapté à l’être humain ?

Pr Henri Joyeux : Entre les consommateurs de viande à tous les repas et les véganes, qui excluent tout aliment venant des animaux, c’est-à-dire la viande, bien sûr, mais aussi les poissons, le miel, etc., il y a les végétariens.

Mais arrêtons-nous un instant sur les véganes ou végétaliens : s’ils sortent d’une alimentation McDo pour adopter une alimentation végane, c’est une bonne chose : on observe que les végétaliens sont peu malades, qu’ils n’ont pas recours aux antibiotiques. Leur microbiote est rempli de bonnes bactéries. Cependant, au bout d’un an environ, une carence s’installe : celle de la vitamine B12, qui se trouve essentiellement dans les protéines animales. La B12 est essentielle au système nerveux central [au fonctionnement du cerveau, NDLR] et à la formation des globules. Sans une complémentation en vitamine B12, le végane sera affaibli.

Venons-en maintenant aux consommateurs de viande à tous les repas : un excès de viande rouge peut provoquer des maladies, car elles contiennent trop d’acides gras saturés qui obstruent, à la longue, les petits vaisseaux du cœur (risque accru d’Infarctus), du cerveau (risque d’AVC) et d’autres zones sensibles et intimes de l’organisme. En consommer 1 à 2 fois par semaine est raisonnable.

Les végétariens, eux, ne consomment pas de viande, mais n’excluent pas les autres produits animaux comme les œufs, les poissons et le miel. Le point fort de ce régime est la grande part des végétaux : 70 % à 80 %. C’est excellent pour leur santé.

La viande rouge n’est pas la seule source de protéines animales : il y a les protéines marines et terrestres d’une part et celles issues des produits laitiers.

Parmi les sources de protéines terrestres, on privilégiera les animaux à 2 pattes, car les animaux à 4 pattes ont davantage d’acides gras qui bouchent les artères et font grossir.

Quant aux produits laitiers, ils sont consommés généralement en excès, surtout en France ! L’idéal est un maximum de 2 fois par semaine, en se tournant vers les fromages de petits animaux (brebis, chèvre). Je ne recommande pas les yaourts : ils ne stimulent pas la mastication et sont faits avec le lait de la vache. [pour plus d’infos, voir en fin d’article]

N. D. : Le régime alimentaire du végétarien est donc sain, pourvu qu’il ne néglige pas les sources de protéines animales. En quelle proportion ? Et les œufs peuvent-ils être consommés au quotidien ?

Pr Henri Joyeux : Avec une activité normale, les besoins en protéines sont de 1 g par kg. Si donc vous pesez 60 kg, votre organisme aura besoin de 60 g de protéines. Mais bien sûr, on augmente avec l’activité sportive.

Pas de problème pour manger 2 œufs par jour : le blanc et le jaune sont excellents pour la santé. L’ovalbumine (l’albumine de l’œuf) est très semblable à l’albumine humaine produite par le foie à partir des acides aminés apportés par les protéines animales et végétales. Parfait pour une bonne tension artérielle. Les produits de substitution de l’albumine sont d’ailleurs fabriqués sur le modèle sur l’ovalbumine, c’est donc une référence.

Il ne faut pas négliger non plus les Omega-3, dont les apports moyens sont généralement trop faibles dans l’alimentation française. Ils sont aussi essentiels, notamment pour le système nerveux central (concentration, cognition, précision du geste, etc.). Il faut miser sur les bons aliments, par exemple certaines huiles et les poissons gras du type sardine – qu’on déguste fraiche plutôt qu’en boite.

N. D. : Donc on peut être végétarien et sportif ?

Pr Henri Joyeux : Bien sûr, le végétarien fera aussi bien du sport intensif qu’un omnivore. Il sera même sûrement plus en forme, car plus mince.

N. D. : Viande et digestion : quels effets ?

Pr Henri Joyeux : La digestion de la viande rouge est plus lourde. C’est aussi pourquoi il est préférable de la consommer le midi, plutôt que le soir. Et, d’une manière générale, opter pour la viande blanche (volaille).

N. D. : Âge et sexe interviennent-ils dans un régime ? Est-ce qu’un enfant peut se développer sans viande ? Ou une femme qui allaite, si elle est végétarienne ?

Pr Henri Joyeux : Il n’y a pas de problème de qualité du lait pour une femme végétarienne. En ce qui concerne le développement d’un enfant, entre 5 à 18 ans, ses besoins en protéines sont supérieurs à ceux d’un adulte. Attention : je parle de bonnes sources de protéines, pas d’un régime McDo, qui sont faits avec du pain de mie et s’avalent sans pratiquement mâcher !

N. D. : Nous y voilà, les régimes minceur, pour cibler des rondeurs, perdre des kilos avant l’été…

Pr Henri Joyeux : Un régime simple, avec des aliments frais et bio, et non pas des plats industriels, fait perdre du poids. Personnellement, après une succession de repas riches et arrosés partagés avec des amis durant les vacances, mon épouse et moi faisons quelques jours de jeûne : nous prenons un petit déjeuner nourrissant pour la journée (j’apprécie les tartines de sarrasin arrosées d’une huile d’olive de qualité, avec quelques pincées de sel) suivi d’une soupe, matin et soir. D’autres pourront jeuner en excluant des produits spécifiques, comme les produits laitiers, par exemple.

Il suffit parfois d’éviter un ou deux aliments. Le pain blanc, notamment, est très mauvais ; on peut le remplacer par des miches de pains complets faites avec des farines anciennes, du type petit épeautre. Le pouvoir sucrant du pain blanc est avéré : il se comporte, dans notre organisme, comme du sucre. Vous savez, la baguette de pain blanc n’est pas si ancienne en France. Elle date de l’époque de Napoléon III. Pour l’anecdote, les ouvriers qui creusaient le métro – un travail titanesque – se battaient pour partager la miche de pain. On a inventé la baguette, plus facile à partager.

N. D. : Vous évoquez le pain : la polémique autour du gluten est-elle un effet de mode ou une réalité ?

Pr Henri Joyeux : Non, ce n’est pas une mode. En cause, les modifications génétiques du blé, qu’on appelle le nanisme. Pour éviter la verse du blé [couché par le vent notamment], on a raccourci la tige du blé. Qu’est-ce que le gluten ? Ce sont des protéines qui ont un tissu protéique solide. C’est un antigène, que l’organisme n’aime pas. Il fabrique donc des anticorps contre le gluten qui enflamment l’intestin. Si celui-ci devient poreux, il laisse passer des protéines de mauvaise qualité, comme celles issues du lait de vache, qui arrivent dans les articulations. Elles fabriquent un anticorps qui provoque l’inflammation. En cause, donc, le gluten et le lactose. On voit apparaitre deux types de troubles : la maladie céliaque (qui est une allergie) et l’intolérance au gluten, dont les symptômes sont les ballonnements, une mauvaise digestion et des gaz malodorants.

Consommer le sarrasin est un moyen de remplacer le gluten. Et, pour remplacer le beurre, difficile à digérer, on peut utiliser l’huile d’olive. Notons que le beurre salé est plus digeste, car le sel pousse l’estomac à se contracter pour se vider.

Il est vraiment regrettable que les futurs médecins n’aient pas de formation sur la nutrition.

N. D. : Il existe tant de régimes – Weight Watcher, Comme j’aime, Dash, cétogène, paléo, Duigan, chrononutrition, Oméga, japonais, détox, Shelton, Miami, Atkins, Thonon, et j’en passe – quelles sont les limites des régimes existants ?

Pr Henri Joyeux : Essentiellement l’effet yoyo : on reprend vite les kilos perdus. Weight Watchers fonctionne par stimulation de groupe, ce qui aide sur le long terme. Mais de manière générale, il y a des constantes. On peut perdre 1 à 2 kg par mois, il n’est pas raisonnable de viser davantage. Et il n’est pas bon de se peser trop souvent, une fois par mois suffit. Au bout de 4 à 5 mois, si on a perdu 5 kg, on se sent beaucoup mieux sur tous les plans.

Dans les cas de surpoids important, il faut se faire suivre par un médecin nutritionniste qui fera des prises de sang. Il peut y avoir en effet un diabète ou prédiabète. Un naturopathe pose aussi les questions essentielles au choix et au suivi d’un régime.

Propos recueillis par Nathalie Dunand
[email protected]

 

Plus d’infos :

Parmi les ouvrages du Pr Joyeux (éd. Du Rocher) :
– Changer d’alimentation (7e édition)
– Manger mieux et meilleur de 0 à 100 ans
– Le goût et l’odorat 
– Votre foie a besoin d’amour
– Le pancréas vous parle
(en préparation)

voir : fatigue, comment s’alimenter (les grandes lignes de l’alimentation saine)