TRIBUNAL DE CHALON - Divorcé, il est tombé dans les travers pédopornographiques

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 04 Novembre 2022 à 09h09

TRIBUNAL DE CHALON - Divorcé, il est tombé dans les travers pédopornographiques

« Après votre divorce, vous n’allez pas bien, pourquoi vous n’êtes pas allé consulter ? – Je n’ai pas pensé que j’allais retomber dans ce travers. » Pour le prévenu c’est un travers, pour l’expert psychiatre c’est une paraphilie.

 

« Paraphilie », le mot figure dans le rapport d’expertise. D’une manière générale, il désigne une déviance sexuelle. L’homme âgé de 46 ans, placé en détention provisoire le 6 septembre dernier, qui comparaît ce jeudi 3 novembre à l’audience des comparutions immédiates, est poursuivi pour détention d’images à caractère pédopornographique. Veste de costume sombre sur chemise blanche, crâne dégarni sur le haut, cheveux gris, monture noire et épaisse sur le nez, l’homme parle posément.

« J’ai été pris dans une spirale »

Il reconnaît mais enfin parle de « travers », et non de conduites illégales. « J’ai divorcé au cours de l’année 2021, ça m’a beaucoup perturbé. J’ai surfé sur Twitter et j’ai rencontré des comptes comme celui de X (un garçon mineur, unique partie civile au dossier), et j’ai été pris dans une spirale et je suis tombé dans ce travers. » Une spirale descendante et aspirante si on l’en croit, puisque sur ses 20 000 euros de dettes, « 7 000 euros ne se rattachent qu’à ça » dira Cyrielle Girard-Berthet, substitut du procureur.

Des images porno à sa demande, monnayées

« Ça » … des contacts avec des ados, des échanges de photos à caractère sexuel, et parfois des demandes du prévenu d’actes relevant de la pornographie, qu’il payait. Donc des échanges monnayés : certains mineurs se faisaient des sous. Du reste, une procédure pour corruption de mineur(s) est en cours. « J’ai un trouble pour les ados de 16, 17, 18 ans. » « Je suis tombé dans ce travers-là » répète-t-il.

« C’était l’époque où je faisais du soutien scolaire »

« Retombé » serait plus juste puisqu’il fut, et c’est sa seule mention au casier, condamné en 98 à 6 ans de prison (il a fait 3 ans, puis 3 ans en conditionnelle, mais à l’époque pas d’obligation de soins) pour agressions sexuelles de mineurs. « C’était l’époque où je faisais du soutien scolaire. » A la suite, il poursuit une psychothérapie, dit-il, pendant 18 mois. Puis il a une aventure homosexuelle, puis il se marie, et ça dure 11 ans, tout de même. Il n’a pas d’enfant.

Il parle de nuit de ses comportements (guère compatibles avec la lumière)

En 2021-2022, il est aide-soignant dans un EHPAD en Bresse. Il n’est pas bien dans son boulot, il fait beaucoup de nuits. C’est d’ailleurs au cours de ces nuits qu’il s’ouvre à une collègue de ses pratiques. Pour son avocat, c’est tout de même un contexte de révélation qui compte, c’est une façon d’aller « dans le mur », de faire en sorte que ça s’arrête : « Il parle à une femme, ça ne pouvait pas rester sans suite, il le savait. » De fait, la collègue saisit la direction, la direction appelle les gendarmes, les gendarmes débarquent à l’EHPAD, début septembre : coup d’arrêt. C’est peut-être ainsi qu’on fait quand on n’est plus ou pas capable d’aller parler spontanément des ces choses qui deviennent honteuses à la lumière. Peut-être.

 « J’ai dépassé les limites » Sait-il lesquelles ? 

L’homme est honnête : il ne sait pas comment maîtriser ces pulsions et le dit. Il voit un psychologue une fois par semaine en prison, il a besoin de plus et plus longtemps et le dit. « Vous vous mettez à la place de ces ados ? » lui demande la présidente Barbut. « La prison me permet d’y réfléchir. J’ai dépassé les limites. » Sait-il lesquelles ? 
Il vivait chez ses parents, après son divorce. Pourquoi n’a-t-il pas préféré rester indépendant puisqu’il avait un salaire ? La question ne fut pas posée.

« Ne plus poser problème à la société »

Il dit une chose étrange, au moment où il fait amende honorable : « Je voudrais retrouver le chemin vers un équilibre et ne plus poser problème à la société. » Voilà qui est bien désincarné. Il pourrait espérer ne plus se poser ce genre de problème à lui-même, il pourrait espérer ne plus participer à la perversion de mineurs déjà assez pervertis comme ça, mais non : « ne plus poser problème à la société ».

« Il minimise largement les faits »

La procureur trouve sa version « minorée ». « Il se présente à sa collègue comme le guide des relations sexuelles avec des jeunes mineurs sur les réseaux sociaux. » Des relations virtuelles, en l’état du dossier. « Il a sollicité des images, puis il a donné de l’argent, il y a plein de victimes. Il minimise largement les faits. » Elle requiert une peine de 3 ans de prison avec maintien en détention, un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans et l’interdiction de toute activité avec des mineurs.

« Il a été capable de parler de sa déviance. Cela fut salvateur pour tout le monde »

« Il ne s’est caché de rien, plaide maître Diry. Il dit avoir essayé de lutter contre ses pulsions (en se coupant des réseaux sociaux etc. en juin dernier, selon le prévenu), mais n’a pas réussi. » L’avocat s’en prend aux réquisitions : « Il est requis sur un regret que la procédure n’ait pas mis au jour toutes les victimes, mais c’est un choix procédural et monsieur n’y est pour rien. » Enfin, il revient sur les conditions de révélation des faits : « Il a été capable de parler de sa déviance. Cela fut salvateur pour tout le monde, y compris pour lui. Il aurait pu rester dans le secret. Il sait qu’il a besoin de soins. Il faut donner une chance à sa démarche. Son ancienne condamnation a été réhabilitée. »

10 mois ferme et 5 ans de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins

Le tribunal déclare le prévenu coupable et le condamne pour détention d’image à caractère pédopornographique, le 4 septembre 2022, à la peine de 10 mois de prison avec maintien en détention (pendant ce temps, l’enquête pour corruption de mineurs se poursuit, ndla). 
L’homme est en outre condamné à un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans (3 ans de prison à la clé en cas de violation du cadre), avec injonction de soins, obligation d’indemniser la partie civile, interdiction de tout contact avec des mineurs (y compris par voie électronique, bien sûr), interdiction de toute activité, bénévole et/ou professionnelle impliquant un contact avec des mineurs, et ce, définitivement. Le tribunal constate son inscription au FIJAIS, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes.