Saint-Marcel

Rixe au petit matin devant la boîte de nuit de Saint-Marcel, la justice a tranché

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 22 Décembre 2022 à 19h51

Rixe au petit matin devant la boîte de nuit de Saint-Marcel, la justice a tranché

« On ne sait pas ce qui s’est passé ce soir-là » résume maître Charle. C’est vrai, le long temps d’instruction pour tâcher de faire la part entre les déclarations des victimes et celles du prévenu, n’a pas permis d’en restituer le déroulé.

Ce n’était d’ailleurs pas un soir mais à l’aube du 18 décembre, au sortir d’une nuit de fête au Loft à Saint-Marcel. La police est appelée. Le requérant dit avoir été blessé « au couteau », sur place les policiers découvrent une seconde victime, plaie saignante vers l’oreille gauche. L’auteur, identifié par plusieurs personnes, s’est évaporé mais il est facilement retrouvé. Il est jugé ce jeudi 22 décembre. 

Une coupette à 5 heures du mat’

Des énervements à l’intérieur de la boîte de nuit avaient conduits les vigiles à faire sortir un petit groupe. A l’extérieur, le futur prévenu buvait une coupe de champagne. Cet homme âgé de 35 ans est lui aussi « agent d’accueil et de médiation » (on n’arrête pas cette mode de coller des intitulés cosy à tout, ndla), mais sur une autre ville. Il enchaîne les CDD mais fait parfois des visites ici ou là, pour essayer d’avoir encore du boulot. Cette nuit-là il était à Saint-Marcel. 

Un excès de zèle parfaitement déplacé

Bref, il est dehors, et, alors que les jeunes gens sont bien imbibés, il va se mêler de la situation, « pour temporiser ». Erreur, grave erreur. La suite… on n’a rien compris malgré les presque trois heures d’audience. C’est que le prévenu a une version, les victimes en ont une autre, les vigiles en ont une autre, ça fait beaucoup de versions. Le point sensible c’est l’affaire des blessures : l’homme a sorti une lame, affirment les deux victimes à la barre. « Je n’ai jamais eu de couteau » affirme avec autant de force le prévenu. 

Tous les protagonistes sont blessés

Il fut blessé lui aussi, il a 5 jours d’ITT. Il dit que les jeunes gens (ils étaient trois) l’ont frappé, ceux-ci s’en défendent. Le mystère subsiste : dans ces conditions, comment s’est-il retrouvé avec un certificat médical relevant contusions, plaies, etc., au crâne, à la lèvre, etc. ? Il répète qu’il a d’abord pris un coup de poing, qu’il est tombé, le verre qu’il tenait dans sa main droite s’est cassée, il s’est relevé pour se défendre, dans le feu de l’action il a distribué des coups de poing en alternant rapidement gauche et droite. Un bord de verre a coupé la victime numéro 2 (plusieurs points de suture – Le jeune homme était « en état d’ébriété » dit la présidente Caporali) et éraflé l’autre. Le prévenu a eu la paume de la main un peu entaillée en divers endroits par les débris restés dans sa main. Sa veste, dit-il, est couverte de sang dans le dos (les plaies au crâne saignent beaucoup). Il dit avoir été frappé avec une sorte de morceau métallique. Mais sur ce point comme sur bien d’autres… On ne saura pas. D’autant que le 3ème jeune homme n’apparaît qu’au dossier, il n’est pas venu à l’audience. 

Violence avec arme, peine encourue : 3 ans

Donc couteau ou pas couteau, juridiquement, c’est pareil, disent tour à tour le vice-procureur et l’avocat de la défense. La même peine est encourue (3 ans de prison). Le prévenu a été placé en détention provisoire parce qu’il est sous contrôle judiciaire depuis 4 ans, mis en examen dans une affaire qui est à l’instruction, et dont l’issue n’est pas près d’arriver pour cause de manque de magistrats et de greffiers face à une montagne de dossiers à traiter. Cela dit, maître Charle dit bien qu’il plaidera une relaxe le jour venu.
Couteau ou verre, c’est violence avec arme. Un juge assesseur pose une question qu’on se posait tous : pourquoi n’avait-il pas lâché son verre cassé ? « Dans le feu de l’action, j’ai pas fait attention » répond le prévenu. 

Maintien en détention est requis

Le vice-procureur demande une peine de 18 mois de prison dont 9 mois seraient assortis d’un sursis probatoire, et un maintien en détention pour les 9 mois ferme. Ne lui en déplaise, le prévenu a dit et répété à quel point il était désolé d’avoir blessé ces jeunes gens, qu’il n’en avait pas eu l’intention. Maître Seriot plaidant pour les victimes, souligne que ces deux-là sont parfaitement insérés. Bon an mal an c’est aussi le cas du prévenu, jeune père et stabilisé depuis la rencontre avec sa femme, au point d’avoir décidé de changer de milieu professionnel, de se former et de vivre autrement.

Une défense efficace

Il va pouvoir le faire car il ne sera pas maintenu en prison. Maître Charle répond au procureur qui parlait de « justicier » : « Ce n’est pas du tout son profil. Rien ne permet de douter de sa sincérité sur les circonstances de commission des faits. » Sur le reste, l’avocat est aussi honnête qu’efficace : il n’y était pas, il ne saurait pas trancher si couteau, si pas couteau, etc., mais en tout état de cause, dit-il, « les vigiles ont complètement reconstruit la scène, ils l’inventent », en tout état de cause, « cela n'enlève en rien la violence ». Il mouche les deux victimes qui avaient entrepris de se lancer dans des sortes d’analyses alors que rien ne venait non plus leur donner totalement raison. 

6 mois DDSE, puis sursis probatoire 

Le tribunal condamne l’auteur des plaies saignantes à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, lui interdit de fréquenter les établissements de nuit, l’oblige à se former ou à travailler, à indemniser les victimes, interdit tout contact avec elles. Ces mesures prennent effet immédiatement. Les 6 mois ferme sont aménagés ab initio en détention à domicile sous surveillance électronique. 

FSA