Côte chalonnnaise

Règlement de comptes à Buxy

Règlement de comptes à Buxy

Lorsque les gendarmes sont arrivés place du Lavoir, à Buxy, ce 15 avril en soirée, les sapeurs-pompiers s’occupaient déjà de la victime. Les cris de l’homme à terre avaient rameuté du monde.

L’agresseur est dans le box, ce jeudi 20 avril, à l’audience des comparutions immédiates. 27 ans, bras tatoués croisés sur ses côtes, il écoute le président Morelière rapporter les faits mais intervient pour les minimiser. Ce samedi soir à Buxy, le prévenu sortait de chez un copain quand il aperçoit monsieur X. Il le hèle, « Tu parles sur moi ! ». Monsieur X continue de marcher, l’autre enfourche son quad et va le percuter au niveau des jambes. L’autre tombe à genoux, entend : « Casse-toi ! Barre-toi de là ! Je vais te faire la peau ! » Il se relève, tente d’échapper à son agresseur mais au niveau du lavoir celui-ci remet ça, à grands coups de casque, etc. 

Il a frappé la victime alors qu’elle était à terre

A l’audience, le prévenu a « une attitude désagréable », maître Charbonnel en conviendra tout en disant que cette attitude est davantage liée à de l’immaturité qu’à un manque de respect envers le tribunal. Cela dit, le garçon change de ton lorsque le président Morelière l’interroge sur les blessures relevées sur le corps de la victime, parvient toutefois à caser que l’autre « était bourré, manifestement, il avait moins de réflexes ». Il a frappé la victime alors qu’elle était à terre, selon des témoins, coup de casque à la tête, et coups de pied dans les jambes et le ventre. 

La victime et lui étaient co-auteurs de violences 

Et pourquoi ça ? « Parce que j’étais énervé. Ça ne va pas trop en ce moment. J’étais embrouillé avec ma copine, enfin, pas embrouillé, mais... » Le président : « Et ce n’est que pour cela que vous l’avez frappé ? » Le prévenu : « Non pas que ça. Comme j’étais en contrôle judiciaire, il parlait sur moi et ma copine, pour nous faire tomber. » Il est en détention provisoire depuis deux jours et il n’était pas sous contrôle judiciaire : il était en sursis probatoire, condamné en mars dernier pour des violences, la victime de samedi et lui étaient alors co-auteurs. Puis ils ont fait des histoires, des embrouilles entre eux. Le tabassage de samedi dernier était donc un règlement de comptes. 

Une garde à vue houleuse et insultante

En garde à vue, « j’ai fait un peu le con », « Le quoi ? », « j’ai été bête », « Et ça vous fait sourire ? ». Le président s’agace franchement de l’attitude du prévenu. Il y a deux PV des gendarmes à ce sujet. « Se montre agressif et insultant - langage vulgaire - dit que nos questions sont stupides et que l’écran de l’ordinateur va voler à travers la pièce - crache dans la cellule, bouche l’œilleton, etc. » Pourquoi ? « Ça m’a soulé d’être en cellule. » Il a refusé de manger, a refusé de prendre son traitement de méthadone (se droguait à l’héroïne). Pourquoi il a insulté les gendarmes ? « Parce que j’étais énervé. » On apprendra que son père, retraité, était gendarme. Que ses parents ont divorcé, que le fils s’est monté contre son père, et que même s’ils se parlent à nouveau depuis 6 mois, il y a ce manque dans sa vie. Bon. Ça peut expliquer qu’il en mette plein la tête aux gendarmes, ça ne vient pas dire pourquoi il est devenu si violent. 

Pas d’enracinement professionnel

Il a obtenu un BEP et ensuite ? « Rien. » Pas rien mais peu, pas d’enracinement professionnel. Il vit chez sa mère. Son casier est vierge, mais il a été condamné il y a moins d’un mois et il a aussi une convocation au tribunal pour septembre prochain (acquisition et détention d’opium, d’herbe de cannabis, outrages et menaces envers les gendarmes). Ça chauffe pour son matricule. Le président veut creuser avec lui la question de « comment arrêter tout ça », mais les réponses du prévenu ne permettent pas d’élaborer grand-chose. 

Les deux hommes avaient une interdiction de contact

Maître Bouflija intervient pour la victime, « il est blessé, et traumatisé ». Le président doit interrompre l’avocate pour menacer le prévenu d’expulsion du box s’il continue à communiquer avec la salle. Le représentant du ministère public rappelle que les deux hommes avaient une interdiction de contact, que l’agresseur était « déterminé », s’est servi de son casque comme d’une arme, a frappé un homme qui était au sol… requiert 12 mois ferme avec maintien en détention, et révocation de 4 mois du sursis probatoire. 

Un mal-être « presqu’autodestructeur »

« Il n’y a eu aucune préméditation », plaide maître Charbonnel. Alors, un déferlement de violence a bien eu lieu, mais le prévenu, immature, manifeste un mal-être « presqu’autodestructeur ». L’avocate donne au tribunal une attestation du père du jeune homme, prêt à l’accueillir en détention chez lui, dans un cadre « ferme », dans un autre département. 

14 mois ferme, maintien en détention

Le tribunal condamne le garçon à la peine de 10 mois de prison, ordonne son maintien en détention, et révoque 4 mois de sursis avec incarcération immédiate. En outre, le condamné à l’interdiction de paraître sur le canton de Buxy pendant 5 ans, ainsi que de détenir et/ou de porter une arme. Le quad est confisqué. Renvoi sur intérêts civils pour la victime et la CPAM.

Explications

« Le tribunal a pris en compte la gravité des faits. Pour le quantum (14 mois), on a estimé que vous n’aviez tenu aucun compte des nombreuses mises en garde (condamnation en mars, convocation en septembre), et que la reprise des liens avec votre père était trop fragile encore. Cela ne vous empêchera pas de faire une demande d’aménagement de peine le moment venu. » Et le président de conclure : « Messieurs de l’escorte, emmenez le condamné. »

FSA