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L’Israélienne Hélène, saisie d’effroi et transie d’horreur, mise toujours sur le melting-pot…

L’Israélienne Hélène, saisie d’effroi et transie d’horreur, mise toujours sur le melting-pot…

Guide touristique éprouvée et native du plat-pays, Hélène s’est éprise d’Israël, où elle s’est enracinée à partir de 1988, un pays parcouru en long, en large et en travers pour égrener ses connaissances. Entretien pour info-chalon.

Anéantie comme tout un chacun sans préjuger de quoi que ce soit à propos des événements en cours, à l’image d’un boxeur ko debout, stupéfaction, colère et abomination se révèlent des boulets indéplaçables pour l’heure.

Vous attendiez-vous à une attaque avec de tels moyens ?

« Non, pas du tout. On pensait qu’il n’y avait qu’Israël qui était fort, et on ne se doutait pas que le Hamas, qui est à Gaza, possédait tous ces moyens. Nous ne sommes pas très contents du gouvernement israélien, peut-être qu’il a un petit peu fermé les yeux. Evidemment, nous leur adressons des reproches. On ne s’attendait pas à ça, il n’empêche qu’il  fallait absolument que cette bande (de Gaza NDLR) frontalière soit protégée et surveillée. Je me rappelle que j’étais avec des touristes, on longeait la bande, et à un certain moment, il y a quelques années, on ne pouvait plus car il était dit que c’était une zone militaire. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé il y a quelques jours, car à six kilomètres de là il y a les kibboutzim (communauté où on s’occupe principalement d’agriculture et d’entreprises, et où tous les revenus sont partagés entre les membres selon leurs besoins. L’ensemble des services liés à la santé, l’éducation et l’entretien des habitations, sont pris en charge par la communauté NDLR) où ont eu lieu les premières attaques, etc. »

Y avait-il malgré tout des signes avant-coureurs ?

«Peut-être, mais on s’était tellement concentré sur la partie palestinienne (la Cisjordanie NDLR) parce qu’il y avait des rafles, etc. En tout cas, nous sommes très fâchés avec le gouvernement… »

Quel(s) jugement(s) de valeur est-il (sont-ils) émis par la société israélienne ?

« C’est la grosse, grosse catastrophe ! On dit, quand on parle entre nous, que c’est comme la Shoah…Ce qui s’est déroulé dans les kibboutzim, ce sont de vrais pogroms (actions antisémites NDLR). Ils ont tué, mis le feu, sont entrés dans les maisons, ont kidnappé des gens, des femmes et des enfants, pour les garder comme otages, il y en a plus d’une centaine, dont on n’a bien sûr plus de nouvelles. Nous n’avions jamais connu ça, c’est pire que la guerre du Kippour (une guerre qui a eu lieu en octobre 1973, avec Israël d’un côté, l’Egypte et la Syrie de l’autre NDLR). Les moyens de l’adversaire sont beaucoup plus développés. On n’arrête pas de nous dire de faire attention, car ils peuvent entrer dans notre téléphone et nous donner de fausses informations, etc. Donc c’est la grosse panique. A la télé on raconte même ouvertement  qu’il faut avoir des radios portables, des lampes, des chargeurs pour garder les téléphones actifs, car l’électricité peut être coupée, de la nourriture, des bouteilles d’eau… »

Avez-vous des palestiniens dans votre cercle d’amis, et si oui, comment sont les relations ?

«Dans mon cercle d’amis, à l’intérieur du quartier où j’habite il y a beaucoup d’Arabes, mais je ne crois pas qu’ils se nomment en tant que Palestiniens. Ce sont souvent des bédouins, pas dans des tentes, mais dans de superbes villas. Ils font des affaires avec nous, mon garagiste, mon docteur, l’infirmière…Encore ce matin (du mardi 10 octobre NDLR), je le fais depuis le corona, je distribue des repas aux gens qui ne peuvent pas sortir ici. Pas à cause de la guerre, à cause de leur âge. Dans la cuisine il y a quelques femmes arabes qui travaillent, on s’est enlacées et embrassées en pleurant chacune sur l’épaule de l’autre. Je ne crois pas que les Arabes israéliens, je parle de ceux qui vivent ici, à Nazareth ou ailleurs, soient contents de cette situation. Et même pas les gens de Gaza, parce que, jusqu’à pas très longtemps, ils venaient travailler en Israël, se rendaient à l’hôpital, nous vendaient des produits, recevaient de l’eau distillée…il y avait des relations avec la population. Le Hamas a complètement dominé, et évidemment les jeunes qui n’ont rien à foutre après 18 ans, ils les ont engagés, etc. Ils leur ont mis dans la tête que mourir pour Allah c’est le paradis, et ainsi de suite. Je reviens sur mon entourage, on vit en parfaite union avec les gens arabes, les musulmans, les chrétiens, c’est une vie normale. Bien sûr, il y en a toujours un ou deux qui se faufilent comme ça dans une communauté et sèment le désordre. On a d’ailleurs fait une manifestation quand il y a eu des attentats à Jaffa, et on a, avec les Arabes, dans ma ville, dans ma région, fait des manifestations ensemble en disant que chez nous ça n’arrivera pas…Alors on peut continuer à rêver, à espérer que cette entente reste comme ça. »

Est-ce que vous vous sentez en sécurité depuis samedi ?

« Personne n’est plus en sécurité. Vous savez, nous sommes tout le temps collés à la télévision, on voit des images…Tout le monde a quelque part des enfants, des petits-enfants, qui vivent dans le sud, le centre… J’ai un petit-fils et le mari d’une de mes petites-filles qui sont à l’armée. Celles et ceux qui vivent dans le centre passent beaucoup de temps dans les abris. On le sait, car on l’annonce ici ; évidemment on peut être courageux, mettre un film et ne pas regarder les nouvelles, mais alors on prend automatiquement le téléphone et on continue de regarder sur Facebook ou ailleurs. On ne peut pas s’en empêcher, on est vraiment dans le plus grand stress jamais connu. Probablement en grande partie à cause de tous ces médias. ..« 

Appréhendez-vous une montée de la violence entre les deux bords ? Et l’entrée en lice d’autres puissances étrangères ?

« Là où le Hamas se trouve, par exemple ; il y a déjà des espaces dans le nord d’Israël sur le plateau du Golan, près de la frontière. Ca a commencé, ou ça commence aussi, maintenant on doit pouvoir se défendre sur les deux fronts. Tout est possible. Personne n’est optimiste en ce moment, il n’y a rien qui incite à l’être. »

La paix, si possible durable, parviendra-t-elle un jour à prendre le dessus ?

« Ca fait deux mille ans que l’on prie et que l’on espère la paix. Je suis quelques chaînes de télé françaises, les nouvelles sont très correctes, et une israélienne -124 News- en français et en anglais. Je pense, mais tout le monde n’est pas de mon avis, qu’il doit y avoir deux Etats, pour commencer : un Etat palestinien, et un Etat israélien. Ca a été proposé depuis le Sykes-Picot (un accord entériné le 16 mai 1916 entre Londres et paris NDLR), c’est-à-dire au temps  du mandat britannique. Les Palestiniens ont eu une proposition à chaque fois, qu’ils ont systématiquement refusée. Ca ne leur suffisait pas, ils voulaient tout Jérusalem, etc. En réalité, ce qu’il se passe avec le Hamas, ce n’est pas tellement ça, ils veulent tout simplement exterminer tout ce qui est juif, et tout ce qui est israélien, ils ne parlent même pas de l’Etat palestinien. C’est leur but, ils sont obsédés par ça, et ils ne sont pas les premiers. »

Comment le positionnement de la France est-il perçu dans votre pays ?

« En comparaison avec la Belgique par exemple, on sent que la France est majoritairement de notre côté, le président Macron l’a dit ouvertement, surtout par rapport à ce que je vois à la télé, alors que la Belgique, pas tellement. »

De quelle manière assumez-vous votre activité professionnelle ?

«Quand j’ai repris après le corona, deux ans et demi plus tard, je me suis concentrée sur des excursions d’une journée, soit avec des gens qui était en croisière puis prenaient le bus, soit avec des familles, ou des couples qui faisaient appel à un guide en privé. J’ai précisé que je ne travaillais que dans le nord, parce que je n’ai pas envie de faire des voyages de trois heures, bien qu’il n’y ait que 120 kilomètres jusqu’à Jérusalem, mais avec les embouteillages…J’avais un très, très beau calendrier pour les mois d’octobre et novembre, et aujourd’hui on m’a dit que je pouvais tout effacer. Entre-temps je ne suis pas devenue plus jeune, je suis même devenue arrière-grand-mère deux fois. Physiquement Je tiens le coup, ça va très, très bien, je fais beaucoup de sport, je fais très attention à ce que je mange, j’essaie d’avoir des tas d’activités…mais maintenant tout s’est arrêté, c’est vraiment la guerre, ça ne s’arrête pas. La bonne chose de cette histoire, c’est que je reçois des tas de messages de gens, de familles, de l’étranger, comme je n’en ai jamais eu. C’est une petite consolation. »

 

Crédit photo : DR                                                             Propos recueillis par Michel Poiriault

                                                                                                     [email protected]     

Hélène Opatovski et le Hamas