Chalon sur Saône

Olivier Py se livre à info-chalon.com

Olivier Py se livre à info-chalon.com

Il vient de sortir "Birds of Paradise".

Comment vous êtes-vous intéressé aux transcriptions des chants d’oiseaux de Messiaen ?

Messiaen était comme un ornithologue amateur de génie. Ses transcriptions sont un énorme volume, qu’il a appelé Techniques de mon langage musical. C’est un traité de rythme, de couleur, d’ornithologie. Il y a 10 ans, j’ai flashé dessus. C’est un matériau génial pour l’improvisation et j’ai écrit un répertoire inspiré de cet univers de chants d’oiseaux de Messiaen. Il y a tellement de jeux, intervalles, rythmes, timbres, couleurs, un tel foisonnement, je m’en suis inspiré pour composer.

Comment mettre cela en scène dans le jazz contemporain, puisque Messiaen n’était pas jazz ?

J’ai écrit pour les trois musiciens que nous sommes. Un chant d’oiseau chez Messiaen est fait de plusieurs strophes, j’en garde ce qui me plaît, ou bine une phrase en entraîne d’autres, ou bien j’ai une impression et j’écris autre chose autour, ou je détourne le matériau d’origine pour l’emmener ailleurs…

Il y a différents angles d’attaque, différents regards. Je tire la composition vers quelque chose de très rythmique

Vous malaxez les divers matériaux, tous ces rythmes et jeux divers, comme on fait le pain, ou comme en cubisme on a sur un même plan les différentes perspectives ?

Oui, ce sont différents points de vue qui se jouent sur le répertoire. Parfois, c’est très dense musicalement, il y a des moments où c’est comme au milieu de la forêt quand tous les chants d’oiseaux éclatent en même temps.

Si on met tout en même temps, si on superpose les voix musicales, je crée alors une masse indéfinie pas forcément une cacophonie car on peut discerner au milieu une voix individuelle mais il y a un agrégat sonore, des moments d’intensité incroyables

Comme une technique narrative, quand l’auteur mène le lecteur vers l’apothéose finale, la chute, par un dosage savant de mots et d’un rythme de progression ? Peut-on alors avoir tous les morceaux qui s’enchaînent en un seul concert continu ?

Oui, les morceaux sont aussi séparés et la question est de savoir dans quel ordre on va les jouer, il faut trouver une respiration entre l’intensité.

Je le fais dans le triptyque par exemple, soit on enchaîne soit on laisse des césures, mais ce n’est pas pensé comme une grande suite pour ne pas fatiguer la concentration de l’auditeur.

Vous avez déjà joué ce programme ?

Oui, à Paris, au festival de Reims, au festival de Nevers, à France musique…

Le projet était déjà né bien avant, mais ce n’était pas prêt. On avait fait un premier jet il y a 3 ans, mais tout n’était pas écrit. On avait improvisé à partir des fragments de chants d’oiseaux et j’ai eu envie de me balader là-dedans. Cela a plu et j’ai eu envie d’aller plus loin, de creuser ce répertoire et j’ai écrit ce répertoire en un été.

Le titre Birds of paradise, est-ce que cela fait référence au mythe soufi de La vallée des oiseaux ?

Non, je ne connais pas ce mythe, c’est un clin d’œil à Charlie Parker qu’on appelait Bird. Mais il a joué un thème peu connu, Bird of paradise, au singulier. Ce titre est donc un clin d’œil à ce génie du jazz.

Un mot sur les deux autres musiciens ?

Ce sont de vieux camarades de musique depuis longtemps, 10 ans même, on joue ensemble soit en duo soit avec d’autres groupes, des participations croisées. On a eu envie de faire un trio. C’est très interactif, car c’est un peu comme trois solistes sur scène, il faut beaucoup de complicité, une grande cohésion entre eux, donc j’ai composé pour eux.

On a commencé ensemble lors d’un concert improvisé, qui a bien marché, ce furent les prémisses de ce trio.

L’écriture n’est pas figée, rien n’est jamais écrit à 100% en jazz, comme vous le savez, il faut s’approprier le répertoire et puis on voit dans quelle direction on peut aller pour tel ou tel morceau, les idées viennent de nous trois. L’improvisation fonctionne bien quand les règles de jeux sont définies, soit rythmique, soit harmonique, soit la couleur ou le timbre…

Après avoir composé, combien de temps de répétition ?

On a fait une résidence au moment de la création du répertoire, puis on répète avant le concert. Les deux autres musiciens vivent à Paris, donc en général je monte sur Paris.

Vous viviez à Paris, pourquoi venir à Chalon ?

J’ai reçu ce poste de professeur au Conservatoire, pendant trois ans, j’ai fait l’aller-retour puis j’ai découvert la région, j’ai eu envie de rester, marre de la ville, le bruit, les distances, trop énorme, trop de gens, ici c’est l’idéal, une maison, un jardin…

Pour créer, on se réveille la nuit sur une idée subite, ou bien c’est un mythe ?

Oui, écrire est une discipline, je travaille à heures fixes. Pour cela les vacances c’est bien car j’établis des horaires pour la composition. Si une idée me traverse, je la note, c’est une étincelle et je la travaille ensuite pendant les heures, car l’intérêt est de l’explorer et créer à partir de cela.

D’autres dates de concert ? D’autres projets ?

Le disque est sorti en janvier, j’aimerais le faire tourner. On joue le 11 mai au festival de Malakoff, le 3 juin et en Italie fin juin, d’autres dates à la rentrée encore à préciser.

Et puis je prépare un duo avec un vieil ami qui joue de la kora, un musicien franco-malien Alioune Koné. On a envie de sortir la kora de son rôle de folklore et de l’univers du griot pour en faire un instrument de musique contemporain et construire un répertoire. On fera un essai à Mellecey, dans la petite cave appelée La lune, qui sert de salle de concert, ce sera le samedi 7 juin.

 

Informations :

Birds of paradise, Olivier Py saxophone, Franck Vaillant batterie, Jean-Philippe Morel contrebasse.

www.olivierpy.com

cd : acheter sur la boutique du site www.allumesdujazz.com

 

S.B.