Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Il passe devant une maison, voit une Alfa et décide de passer à l'acte

TRIBUNAL DE CHALON - Il passe devant une maison, voit une Alfa et décide de passer à l'acte

Il dit qu’il a finalement gardé l’Alfa Roméo pour lui, « pour que la justice me rattrape ». Bingo ! Arrêté hier, il est jugé ce jeudi 8 avril selon la procédure de comparution immédiate. Le 17 février dernier, à Montcoy, il a volé davantage qu’une voiture parce qu’il a forcé une fenêtre et il est entré dans la maison.

Comment il avait choisi cette maison ? Il était passé devant, lors d’une balade en voiture (« j’ai grandi à Montcoy »), il avait vu l’Alfa, et voilà. Mais pourquoi il a fait ça ? « Je l’ai fait par faim et parce que j’avais pas d’argent pour prendre un logement, j’avais rien. J’ai pas d’aide, je n’ai droit à rien. » Il force donc une fenêtre, s’introduit dans le pavillon, et rafle tout l’informatique, toute la technologie, des bijoux, des blousons, « préjudice majeur » dira la représentante du ministère public. Il revend ce qu’il peut à un Easycash, qui porte bien son nom, se dit-on. Mais les gendarmes enquêtent, et, de tickets de péage en images de vidéo surveillance qui montrent régulièrement l’Alfa Roméo à Sennecey-le-Grand, ils finissent par interpeller cet homme âgé de 29 ans. 

 

Il était revenu depuis janvier dans la région. Condamné en novembre dernier à Montpellier pour vols et usages de fausses plaques, il était sous main de justice mais il dit à l’audience que son dossier était perdu, et que c’est pour ça qu’il n’avait aucun suivi dans le cadre d’un sursis probatoire, ni même l’aménagement de sa peine de 1 an. Un sursis probatoire de 3 ans, durée inhabituelle, c’est dire que le tribunal de Montpellier avait estimé qu’il avait besoin d’un accompagnement certes contraint mais surtout : long. 

 

« Et du coup vous avez besoins d’aide ? - Oui »

Un des juges assesseurs revient sur « j’ai droit à rien ». « Monsieur, vous avez 29 ans, vous avez droit au RSA. - J’ai peut-être pas su faire la demande et j’ai eu un refus. Mais j’ai fait des missions intérim, je me suis toujours débrouillé seul. - Sauf que la solidarité nationale, elle fonctionne pour tout le monde à partir de 25 ans. Alors, vous préférez vous débrouiller par vous-même, mais vous débrouiller par vous-même c’est en prenant des affaires à d’autres... Votre fierté est où quand vous êtes dans le box ? - Plus bas que moi. » Le juge Jacob sait mener ce genre d’échanges, il arrive là où il voulait en venir avec cet homme encore jeune mais à l’histoire personnelle, on le verra, marquée par les abandons et les carences éducatives : « Et du coup, vous avez besoins d’aide. - Oui. »

 

« J’ai eu de mauvaises fréquentations et j’ai des démons qui sont remontés »

Le juge a ferré le prévenu, en quelque sorte, car le verbe « ferrer » n’est pas adapté. Il l’a accroché ? Il lui a donné confiance, et le prévenu lui dit : « C’est depuis cet été que ma vie est partie en cacahuètes. J’ai eu de mauvaises fréquentations et j’ai des démons qui sont remontés. En fait, j’ai tellement eu de refus, dans ma vie. A chaque fois je me suis débrouillé tout seul, et je n’ai eu que des refus. » Il a 6 condamnations à son casier judiciaire, essentiellement pour des conduites sans permis, et puis les vols et les fausses plaques en 2020. Le parquet voit dans les nouveaux faits « une forme d’escalade » et requiert, outre la révocation de 6 mois du sursis de 2020, une peine de 18 mois de prison assortis d’un mandat de dépôt. « Il a déjà bénéficié de mesures de faveur. »

 

Il l’a dit lui-même : « J’ai flingué ma chance »

« Le ministère public nous parle de ‘mesures de faveur’ ? » Maître Vaucher bondit. « Des mesures de faveur… alors qu’il n’a été confronté, comme il vous le dit, qu’à des refus. Il fut abandonné par sa mère, puis placé en foyer par son père qui le prend chez lui quand il a 8 ans, pour l’en chasser lorsqu’il en a 16, parce qu’il a fumé du cannabis. On peut d’ailleurs s’interroger sur la portée éducative de cette attitude. Ensuite, il fait comme il peut. Il fait un peu d’études (le prévenu a un CAP mécanique et un niveau bac pro). Il a fait plein de boulots manuels (il sait poser une charpente, des tuiles, tailler des pierres, ndla). Mais il ne demande rien, et lorsqu’il demande, il s’y prend mal et essuie des refus. Alors, parce qu’il était dans le dénuement, il a volé. Il n’a rien prémédité. Sa situation, c’est celle d’une certaine misère sociale, cela n’excuse en rien les faits mais c’est ainsi. Il était sur le point d’avoir un logement et un emploi, et, il l’a dit lui-même : « J’ai flingué ma chance. »

 

« Punir, oui, mais réinsérer également », « réquisitions éloignées d’une certaine réalité sociale »
L’avocat est convaincu : « Pour une fois, il avait une chance, et il l’a tuée. Donc, punir, oui, mais réinsérer également. C’est pour cela que je trouve les réquisitions dures et de surcroît éloignées d’une certaine réalité sociale. » Le prévenu avait déjà présenté des excuses à la victime, un homme qui à la barre, l’avait regardé droit dans les yeux pour dire à quel point sa fille de 7 ans était elle aussi victime de ce vol, « elle n’a pas voulu revenir dans la maison pendant une semaine ». Le prévenu l’a entendu et lui dit : « Je comprends votre colère et ce que vous ressentez. »

 

3 mois ferme puis 2 ans de sursis probatoire renforcé

Le tribunal déclare cet homme encore jeune mais marqué par des abandons répétés à une peine de 15 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans, avec obligation de travailler, d’indemniser la victime, et d’intégrer le dispositif AIR piloté par l’association Enquête et médiation : il ne sera pas livré à lui-même à sa sortie, tout sera mis en œuvre pour lui permettre, si toutefois il y met du sien, à retrouver logement et emploi à sa mesure (il ne manque pas de ressources personnelles).

 

« Vous appuyer sur ce qui existe, puisqu’au niveau familial ce n’était pas suffisant »

Étonnamment, il n’a pas d’obligations de soins, pourtant le manque de base solide en lui  (pour le dire vite, et aussi les « démons » qu’il a évoqués qui ne sont pas à négliger, au contraire) n’a pas échappé au président Madignier qui lui explique en quoi son sursis probatoire sera « renforcé ». « C’est une chance à saisir quand vous sortirez de prison, que vous puissiez vous appuyer sur ce qui existe, puisqu’au niveau familial ce n’était pas suffisant ».

Le tribunal décerne mandat de dépôt pour la partie ferme (3 mois). C’est la première incarcération du garçon.

 

Florence Saint-Arroman

Il devra indemniser la victime à hauteur de 800 euros pour son préjudice moral, et de 500 euros pour son préjudice matériel qui en réalité est bien plus élevé mais ce monsieur était bien assuré.