Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - 15 mois de prison ferme puis 5 ans sous main de justice

TRIBUNAL DE CHALON -  15 mois de prison ferme puis 5 ans sous main de justice

Le 1er août dernier il a piqué une crise contre sa compagne, comme il avait l’habitude de le faire depuis 6 ans. Ce fut la dernière. Elle est allée poser plainte, avec assez d’éléments pour que le parquet le poursuive pour des violences depuis 2014. Il est dans le box, à l’audience des comparutions immédiates de ce jeudi 27 août, masqué et tremblant.

Les gendarmes l’ont arrêté avec les précautions requises, car sa compagne avait signalé des armes à feu, dont une carabine chargée. Elle était posée sur la table du salon. Destinée aux ragondins, dit-il. A croire que tout le département s’est armé contre les ragondins. On l’emmène ensuite au centre hospitalier. Il changeait d’humeur à la seconde, proférait encore des menaces de mort contre elle. Un médecin a déclaré son état incompatible avec la garde à vue, il est alors hospitalisé au CHS de Sevrey, il y est resté 3 semaines. A sa sortie il est placé en garde à vue, puis déféré, et le juge des libertés et de la détention le place en détention provisoire.

« Je m’enfermais dans ma chambre, je dormais avec un couteau sous l’oreiller »

Ce couple s’était formé en 2012, elle était déjà mère de deux enfants, un garçon et une fille. En 2013 naît leur fils, âgé de 7 ans aujourd’hui. Les enfants sont victimes également, ils ont été entendus. Le plus âgé des garçons, un grand ado, avait-il peur de ce beau-père ? « Avant, non, mais depuis quelques temps, oui. Je m’enfermais dans ma chambre, je dormais avec un couteau sous l’oreiller. » Le prévenu a commencé à passer les limites lorsqu’ils ont tous emménagé dans sa maison, entre Chalon et Tournus. La fille aînée, majeure depuis fin juillet, a connu comme sa mère les insultes et les propos dégradants. Les enfants se sont tous interposés lors de scènes, il y en eut tant.

15 joints par jour, pourquoi ? « Ça me calme »

La présidente Verger interroge le prévenu sur ses relations avec son fils. « C’est compliqué. » La juge lit l’audition du petit. « Un jour il a cassé ma Switch. Il l’a mise sur la route, il a roulé dessus plusieurs fois, puis me l’a donnée en disant ‘C’est un cadeau’. » Son père lui parlait très mal, « ta gueule », « t’es un casse-couilles ». Le père tremble comme une feuille de papier à cigarette. La jambe qui s’agite fait tressauter son torse et le tissu de son polo blanc bordé de bleu. Ses cheveux commencent à grisonner. Il fume du cannabis depuis vingt ans, dit-il. Il en mettait dans presque chaque cigarette, ça finissait par faire beaucoup. Pourquoi ? Sur un ton d’évidence, il répond : « Parce que ça me calme. »

Déjà condamné pour menaces de morts et appels malveillants, envers d’autres femmes

Ça le calme ? Eh bien si c’est vrai, tant mieux, parce que vu la violence des scènes, on se dit qu’il aurait pu tuer sa femme. Un jour il l’a étranglée, elle ne respirait plus, elle a eu si peur qu’elle s’est réfugiée ailleurs, sa mère a pris en photo son cou qui portait encore trace de l’écrasement. A l’audience, l’homme répond par des phrases creuses, du genre « J’ai fait beaucoup d’erreurs dans ma vie, surtout avec madame ». La présidente éclaire ce « surtout » par le casier judiciaire de monsieur, condamné en il y a plus de 15 ans pour des menaces de mort, puis pour des appels malveillants, à l’encontre d’autres femmes. « Je m’attache trop et je fais du mal. »

Un père violent et non protecteur

« C’est un homme malade » plaidera maître Ronfard. L’avocat plaide que le prévenu traîne un problème grave depuis toujours et qu’il a besoin de soins, d’un cadre thérapeutique. Aline Saenz-Cobo, vice-procureur, a montré au prévenu des photos du visage de sa femme, « le nez presque cassé », et couvert d’hématomes foncés. « Je défends ma maman, j’ai envie de défendre ma maman », a déclaré le plus jeune enfant aux enquêteurs. « Vous en pensez quoi ? interroge la présidente. – C’est sa mère qui le mettait dans la cave. Moi, je ne m’en occupe pas, c’est ça mon problème. – Monsieur, vous aviez un comportement éducatif non adapté. Violent et non protecteur. – Y a des choses qui ne sont pas vraies… C’est sa mère qui… » Et il revient sur son travail, sur ce stress constant qu’il ne supportait pas, et que « tout est allé trop vite avec eux (sa compagne et les enfants). J’ai tout donné pour eux. Après, je ne suis pas doué. » Il pense qu’il ne verra pas grandir son fils, sa voix se fait chevrotante.

« Il n’est pas en voie de responsabilisation »

La procureur estime qu’avec tout ce que contient la procédure, l’attitude et la position du prévenu à l’audience indiquent qu’il n’est pas en voie de responsabilisation. Maître Ronfard revient sur les chocs successifs que son client a subis, sur le traitement médical qu’il prend désormais, « ses tremblements ne sont pas de l’opportunisme », et sur le fait qu’un traitement récent demande à être adapté, ajusté, ce que l’incarcération de monsieur ne permettrait pas aussi bien qu’au CHS. Le parquet requiert une peine de 2 ans de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire, avec obligations de soins, de travailler, d’indemniser les victimes, et interdictions de paraître au domicile des victimes, de paraître sur la commune (elle y travaille), d’avoir le moindre contact avec eux tous.

« L’autorité parentale n’est pas un droit »

Puis, « je requiers le retrait de l’autorité parentale. L’autorité parentale n’est pas un droit, c’est un attribut qui doit être exercé dans un unique but : l’intérêt de l’enfant. » La procureur commente rapidement la position la plus courante depuis pas mal d’année qui consiste à privilégier l’intérêt des parents sur celui de l’enfant en estimant qu’avoir ses deux parents c’est l’essentiel. Y compris lorsqu’un parent est maltraitant ? L’avocat en défense tempère cette demande : « Est-il vraiment dans l’intérêt de l’enfant d’en décider à ce stade, en comparution immédiate » alors que cette procédure ne permet pas de prendre du recul ?

15 mois de prison ferme puis 5 ans de suivi socio-judiciaire

Pendant sa garde à vue, l’homme a ôté son tee-shirt et a tenté « de se faire du mal », comme dit son avocat. S’en souvient-il ? Non. « Moi je me suis réveillé à Sevrey, en fait. » A-t-il autre chose à dire ? « J’ai détruit ma famille. »
Le tribunal le déclare coupable et le condamne à une peine de 15 mois de prison ferme avec maintien en détention, puis à 5 ans de suivi socio-judiciaire. Il aura interdiction de paraître au domicile des victimes, interdiction de paraître sur la commune où ils vivaient et où madame travaille, interdiction de tout contact avec les 4 victimes, interdiction de détenir une arme.

La présidente Clara Verger lui explique la peine, « le suivi socio-judiciaire est un suivi très renforcé, il peut y avoir lieu à une expertise psychiatrique pour avoir une injonction de soins, puis vous permettre une réinsertion sociale et professionnelle dans le corps social. Le tribunal ordonne une interdiction de contact avec votre fils : ça sera à vous de vous bouger, de vous positionner en tant que papa pour que les choses puissent évoluer ».

Florence Saint-Arroman