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Infochalon.com a lu pour vous « Areva mon amour, Enquête sur un pouvoir qui les rend fou » de Thierry Gadault

Infochalon.com a lu pour vous  « Areva mon amour, Enquête sur un pouvoir qui les rend fou » de Thierry Gadault

Areva mon amour. Le titre de ce livre-enquête paru en 2012, est un clin d'oeil au titre du film de 1959 d'Alain Resnais, « Hiroshima mon amour ». C'est aussi un cri que la Saône-et-Loire aurait pu pousser, bien au-delà des sites de Saint-Marcel et du Creusot, à destination du leader mondial de l'énergie nucléaire puisque dans notre seul département, jusqu'à aujourd'hui, plus de 2000 emplois dépendent du groupe. Thierry Gadault, actuel rédacteur en chef du site Hexagones, raconte de manière claire comment ce fleuron technico-industriel français, cette « entreprise d'Etat qui nous concerne tous », en est arrivé là...

A destination des antinucléaires, pronucléaires, salariés d'Areva ou d'ailleurs, la saga racontée en moins de 200 pages est assez passionnante pour être lue comme un polar par tout le monde. Les meurtres sont symboliques mais déchirants, les personnages connus, leurs secrets et leurs manoeuvres successives éventés. A la fin, à moins d'un miracle comme dans tout bon récit apocalyptique post bombe A, personne ne survit. Ou si peu.

« Areva mon amour » se lit comme un thriller, dont on connaît déjà la fin. Mais ça ne gâte rien. Thierry Gadault s'est concentré sur l'itinéraire d'Anne Lauvergeon, ex-reine de l'atome arrivée à la tête de la COGEMA en 1999 et aux manettes d'Areva jusqu'en juin 2011. Au delà de la fascination qu'a pu exercer la dame, incarnation réelle du pouvoir, l'auteur cherche à comprendre -entre autres interrogations pertinentes - comment cette intelligence hors du commun, ex-sherpa de François Mitterrand, protégée de DSK, très appréciée un certain temps par Nicolas Sarkozy, a pu avec son équipe, tomber dans le piège d'Uramin et se tromper aussi sur les performances actuelles et les prévisions commerciales du nouveau réacteur EPR, qui végète toujours en Finlande, avant de céder la place à son numéro 2, feu Luc Oursel.

Psychologiquement et historiquement passionnante, l'enquête complète et concise de Thierry Gadault n'a certes pas ravie tout le monde (y compris en Saône-et-Loire...) lors de sa sortie en juin 2012. De la prise du pouvoir de l'Ecole des Mines sur le secteur, au Yalta de l'atome français en 1970, le pouvoir de l'atome a fait tourner la tête à nombre de cerveaux du pays, miniers, énarques ou attirés par le pouvoir. Alors que le groupe Areva s'apprête à traverser une nouvelle crise, qui risque fort d'avoir des conséquences sociales dans notre département, sans vous noyauter, on vous en recommande chaudement la lecture...

 

« Areva mon amour, Enquête sur un pouvoir qui les rend fou » de Thierry Gadault, François Bourin éditeur, 2012, 19 €.

Extraits :

« Le financement politique, c'est le Corps des Mines qui l'a inventé dans les années trente, via le Comité des Forges. A l'époque comme le gouvernement commençait à s'intéresser à l'industrie, le Corps a décidé de s'intéresser à la politique pour influencer les décisions prises. Et quel meilleur moyen que l'argent pour obtenir des dirigeants politiques les mesures souhaitées ? »

 

« L'affaire Uramin n'a rien à voir avec les diverses accusations lancées contre Anne Lauvergeon : avoir commis un délit d'initié, s'être enrichie frauduleusement ou avoir utilisé l'opération pour financer la campagne présidentielle de 2007, autant d'accusations avancées sans la moindre preuve. La vérité, c'est que le camp adverse les a lancées pour tenter de la déconsidérer publiquement. Mais tout cela est pure invention. L'affaire Uramin se résume, en fait, à un excellent coup financier joué par des flibustiers des affaires (...) Le problème, c'est qu'Areva avait tous les éléments en main pour éviter de tomber dans le piège mais se sentant acculée, la société a foncé tête baissée. Ce qui en dit long sur les compétences réelles d'Anne Lauvergeon. Là est le débat qu'elle veut à a tout prix éviter »

 

« En mai 2007, changement brutal d'ambiance entre la reine de l'atome et le Rastignac de la Ve République Anne Lauvergeon l'attribue à son refus d'accéder aux désirs du Prince. Certes. Mais c'est surtout que le nouveau président a d'autres projets pour Areva : le Corps des Mines, qui a mis la main sur l'industrie nucléaire doit quitter la place, car Areva est promis au groupe Bouygues, dirigé par Martin, le plus proche ami de Nicolas Sarkozy »

 

« Depuis fin 2008, il était évident qu'Areva était au bord de la rupture financcière. Mais ce problème n'intéressait personne .»