Société

Le paradoxe du somnambule : douleurs chroniques à l’état d’éveil mais absence totale de sensations pendant la crise

Le paradoxe du somnambule : douleurs chroniques à l’état d’éveil mais absence totale de sensations pendant la crise

Des chercheurs français de l’hôpital Gui-de-Chauliac à Montpellier, sous la direction du Professeur Yves Dauvilliers, ont publié, dans la revue scientifique Sleep de ce mois-ci, les résultats d’une étude sur la fréquence des douleurs chroniques à l’état d’éveil chez les personnes atteintes de somnambulisme. Et la découverte qu’ils ont faite durant leurs travaux est pour le moins étonnante. Les explications d’Info-Chalon.

Le somnambulisme est un trouble du sommeil bien connu, bien que relativement rare chez l’adulte  - 2 à 4 % seulement en sont atteints -, alors que 10 à 15 % des enfants de 8 à 12 ans seraient sujets à ces déambulations nocturnes (1). 

Ainsi, nombre de chercheurs espèrent mieux comprendre les personnes atteintes de somnambulisme pour pouvoir les aider. C’est le cas notamment de ceux de l’hôpital de Montpellier qui, partant du constat que les somnambules ont 4 fois plus de maux de tête et 10 fois plus de migraines que les personnes qui n’en sont pas atteintes, ont décidé de suivre 100 somnambules et 100 personnes qui ne le sont pas, afin de mieux cerner leurs douleurs chroniques. 

Mais lors de leur analyse, ils ont fait une découverte étonnante, qu’ils publient aujourd’hui : 79 % des somnambules ne ressentent pas de douleur lors de leur « crise ». Ce constat a été établi après avoir remarqué que sur 47 personnes qui s’étaient blessées – parfois gravement - durant leur promenade nocturne, seulement 10 d’entre elles avait été réveillées par la douleur, tandis que les 37 autres étaient retournées se coucher comme si de rien n’était. Et on ne parle pas seulement d’une cheville cognée contre un meuble. Des exemples sont avancés d’une personne ayant sauté du 3e étage, provoquant de multiples fractures, ou encore d’une autre ayant fait une chute d’un toit sur lequel elle était montée. Des douleurs qui ne se manifestent qu’une fois le sujet réveillé. Et ce sont principalement ces personnes là – insensibles à la douleur – qui présentent le plus de douleurs chroniques (maux de tête et migraines) à l’état d’éveil. 

Conclusion ? La crise de somnambulisme provoquerait alors un état dissociatif qui modifierait considérablement la conscience, le comportement, ainsi que la perception de la douleur chez la personne concernée. Une absence complète de « nociception », terme désignant l’ensemble des processus mis en place par l’organisme humain pour ressentir et réagir à des stimuli intérieurs et extérieurs. Concrètement, le système d’alarme de notre corps qui va provoquer la douleur. Le corps ressent la douleur infligée par la blessure lors de la crise de somnambulisme mais le cerveau ne traite l’information qu’au réveil, d’où la dissociation.

Quoi qu’il en soit au final une chose est en tout cas sûre : cette découverte va encourager les chercheurs à pousser plus avant leurs investigations pour tenter – et peut-être réussir un jour - de percer – le mystère du somnambulisme.

 

M.M.

 

 

 

(1) The neurology of consciousness, Steven Laureys, Giulio Tononi, Academic Press, 423 pages, 2009, p. 109.