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Aimez-vous le bleu ? C’est la couleur préférée des Européens

Aimez-vous le bleu ? C’est la couleur préférée des Européens

Si la couleur bleue est aujourd’hui la couleur préférée des Européens, celle-ci a longtemps été mise de côté par nombre de civilisations. Les explications d’Info-chalon.com

Si l’on considère aujourd’hui que le bleu est une des trois couleurs primaires avec le rouge et le jaune, dans l’ordre d’apparition de la désignation des couleurs à travers le monde, le bleu apparaît en sixième position, après le noir, le blanc, le rouge, le vert et le jaune. Et pour le bleu, cette apparition est tardive. Il semble qu’en Europe, la désignation de cette couleur n’apparaît qu’au Moyen-Age. Avant cela, le bleu était vu comme nuance de blanc, de noir ou de vert. Si, depuis l’antiquité, les Egyptiens avaient réussi à obtenir la coloration bleue à partir de l’azurite (carbonate de cuivre), cette couleur est difficile à fabriquer et à maîtriser. Plus tard, au Moyen-âge, le bleu s’obtient par le broyage de lapis-lazuli, pierre semi-précieuse importée du Moyen-Orient, ce qui rend cette couleur chère. Aussi, durant longtemps l’humain ne reproduira pas cette couleur.

 

Au-delà de la question de se demander comment reproduire du bleu, le journal Les Echos [1], nous apprend que, dès 1858, William Gladstoned, personnage politique Britannique, avait remarqué, en travaillant sur l’Odyssée d’Homère, relatant le retour d’Ulysse chez lui après la guerre de Troie, que la couleur bleue, contrairement à beaucoup d’autres, n’apparait pas une seule fois. Partant des travaux de Gladstoned, le philosophe Lazarus Geiger a fait des recherches dans d’autres civilisations. Il en arrive au même constat qu’il n’y a aucune mention de la couleur bleue dans les sagas islandaises, le Coran, les civilisations chinoises ou encore une ancienne version en Hébreu de la Bible. Les seuls à en faire mention sont les Egyptiens, qui, comme évoqué plus haut, sont aussi les seuls à avoir pu reproduire très tôt cette couleur.

 

Selon Jules Davidoof, chercheur en linguistique, l’absence de cette couleur dans ces civilisations pourrait s’expliquer par l’absence de mot pour la désigner. Et en l’absence de nom pour désigner le bleu, cela le rendrait « invisible ». Michel Pastoureau [2], historien médiéviste français spécialiste de la symbolique des couleurs, semble amusé par cette thèse. Pour lui, c’est sans doute parce que la couleur bleue est difficile à fabriquer qu’elle « n’a pas joué de rôle dans la vie sociale, religieuse ou symbolique » de la période antique. Il a pu constater que le bleu a longtemps été mal aimé et « à l’exception de l’Egypte pharaonique, où il est censé porter bonheur dans l’au-delà, le bleu est même l’objet d’un véritable désintérêt ». « A Rome, c’est la couleur des barbares, de l’étranger ». « Pour les hommes, [c’est] une marque de ridicule ».

                                                                                                                               

Puis, au 12ème et 13ème siècle, le culte marital en pleine expansion chez les chrétiens aboutit à la réhabilitation du bleu, associé à la lumière. La Vierge, dont il est dit qu’elle habite le ciel, est parée d’une robe ou d’un manteau bleus ; et dans les églises, on peint souvent un ciel bleu. Puis ce sont les rois de France, de droit divin, qui s’habillent de bleu ; Philippe Auguste, puis son petit-fils, Saint Louis, les premiers.

 

Au 18ème siècle, le bleu devient la couleur préférée des Européens. Couleur qui se retrouve plus tard dans le drapeau de l’Union Européenne notamment. A cette époque, la poésie romantique allemande célèbre le culte du bleu, couleur mélancolique, et les jeunes européens, comme leur héros, le Werther de Goethe, s’habillent de bleu. Puis en 1850, le jean, inventé à San Francisco, est teinté de bleu indigo car les valeurs protestantes du lieu imposent sobriété, dignité et discrétion ; ainsi le bleu est approprié. Ce vêtement de travail (bleu de travail) ne deviendra vêtement de loisir qu’à partir des années 1930, puis signe de rébellion dans les années 1960, « mais pour un court moment seulement car un vêtement bleu ne peut pas être vraiment rebelle ». La rébellion est, elle, plutôt associé au rouge. Ainsi, on en arrive aux représentations politiques, souvent associées à une couleur. Le rouge pour les socialistes, puis les communistes ; le bleu pour les républicains, les conservateurs.

 

Aujourd’hui, l’ensemble de la civilisation occidentale donne la primauté à cette couleur également associée au froid. Car « c’est une couleur qui ne fait pas de vague, ne choque pas et emporte l’adhésion de tous ». Michel Pastoureau va même plus loin en disant que, de ce fait, le bleu a perdu sa force symbolique. « D’une certaine manière, nous sommes revenus à une situation proche de l’Antiquité : à force d’être omniprésent et consensuel, le bleu est de nouveau une couleur discrète, la plus raisonnable de toutes ! »

 

M.B.

 

Sources :

 

[1] http://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/021797145042-nos-ancetres-ne-voyaient-ils-pas-le-bleu-1209867.php

 

[2] Le petit livre des couleurs – Michel Pastoureau et Dominique Simonnet – Editions Points / Histoire – 2005 – 121 pages – 5.50 euros

Autre ouvrage sur le sujet : Bleu, histoire d’une couleur – Michel Pastoureau - Editions Points / Histoire – 2000