Chalon sur Saône

Malgré la COVID, le Palais de justice de Chalon sur Saône était en mode rentrée judiciaire

Malgré la COVID, le Palais de justice de Chalon sur Saône était en mode rentrée judiciaire

Trois rentrées en une : les audiences solennelles de rentrée sont évidemment annulées à cause de l’état d’urgence sanitaire que nous connaissons depuis 10 mois. Pascale Dorion, présidente du tribunal judiciaire (TJ) de Chalon-sur-Saône, Damien Savarzeix, procureur de la République, Gérard Morel, président du tribunal de commerce, Anne-Marie Perrin, présidente du conseil des prud’hommes ainsi que Patricia Baudrand, vice-présidente, ont exposé à la presse les bilans 2020 de leurs activités, et les perspectives pour 2021.

Le tribunal judiciaire

« Je suis fière des équipes du tribunal qui se sont mobilisées, fonctionnaires et magistrats. Ça a été une période compliquée » dit Pascale Dorion. Le procureur enchaîne : « J’ai moi aussi beaucoup de reconnaissance. Je salue cette implication, cette période judiciaire a été très difficile sur le plan humain. C’est grâce à tous que nous avons ces résultats. »

Les résultats

Côté parquet (procureurs) - Une activité pénale maintenue (4482 réponses pénales pour 4827 en 2019) malgré les turbulences qui se sont succédées tout au long de l’année. On relève une augmentation des jugements pour le chef de violences sur conjoint ou ex-conjoint, en présence parfois de mineurs. 442 décisions rendues pour 345 en 2019. Les confinements génèrent davantage de passages à l’acte de cette sorte. 30 demandes d’ordonnance de protection. Davantage de défèrements (présentation au procureur qui va engager des poursuites). Enfin, 157 personnes ont été orientées vers le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé) conduit par l’association d’Enquête et de médiation.
Côté magistrats du siège (les juges) - Autant ou presque de jugements rendus en 2020 (1801) qu’en 2019 (1813). Les juges d’application des peines ont travaillé pied au plancher pendant le confinement pour répondre à la demande du ministère de faire baisser le nombre de détenus, pour éviter des contaminations en masse. La cour d’Assises de Saône-et-Loire a elle aussi pu travailler quasi normalement (10 procès). On note une nette augmentation des comparutions immédiates : seuls jugements pénaux rendus entre mi-mars et mi-mai. A l’inverse, légère baisse au civil (audiences renvoyées) et à la chambre des affaires familiales (environ 290 procédures ont dû être reportées).
Les chefs de la juridiction remercient les maires qui se sont montrés très solidaires dès le début du confinement de mars 2020, qui ont donné des masques et aussi des plexiglas qui sont toujours installés en salles d’audiences.
Les réformes
Les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance ont fusionné pour former les tribunaux judiciaires. (Des mouvements de protestation des professionnels, à l’époque, s’insurgeaient contre cette réforme jugée inutile et même très dommageable en terme de proximité, laquelle est à l’ordre du jour, on le verra plus loin. NDLA)
Damien Savarzeix explique qu’en dépit de toutes les difficultés, la juridiction a fait diligence pour se doter des moyens nécessaires pour permettre l’application du bloc-peines* : pour tout aménagement ab initio (à la barre, sans passer par un juge d’application des peines) d’une peine en détention à domicile, il faut que le tribunal dispose de tous les éléments qui permettent la pose d’un bracelet électronique (un logement, de l’électricité, un téléphone, etc.). Il fallait donc des enquêtes sociales rapides préalablement aux jugements, il y en eut 171.
La présidente mentionne rapidement la réforme du divorce, applicable depuis début 2021, la réforme de la justice pénale des mineurs (mars 2021), la réforme des hospitalisations sous contrainte (à partir de février prochain, le juge des libertés et de la détention devra également, « à moyen constant » précise madame Dorion, contrôler les mesures d’isolement des malades ainsi que les mesures de contention. La CAF interviendra pour le recouvrement des impayés des pensions alimentaires (autre point qui fut l’objet de protestations, ndla).
Le bracelet anti-rapprochement (BAR) déjà en pratique dans quelques juridictions, va se déployer en Saône-et-Loire. Certains auteurs de violence seront ainsi équipés d’un bracelet qui se déclenchera s’ils pénètrent dans le cercle de pré-alerte de la victime. On leur demandera de s’éloigner de la zone. Si toutefois ils persistent et pénètrent dans le cercle d’alerte (un périmètre défini, de 1 à 10 km), alors on appelle la victime et on la met en sécurité pendant que les forces de l’ordre vont arrêter l’auteur. « Il y a une forte attente de la population » observe la présidente du TJ. « Le réseau VIF (le réseau de lutte contre les violences intra familiales) existe efficacement à Chalon, précise le procureur de la République, on essaie d’avoir au plan judiciaire la même qualité de prise en charge. »

La JUSTICE DE PROXIMITE voulue par le Garde des sceaux

Quelques moyens supplémentaires : deux personnes contractuelles pour le parquet, deux pour la justice civile. On apprend qu’après avoir fondu le tribunal d’instance dans le tribunal de grande instance, le ministère souhaite un retour au audiences foraines, à leur développement (en matière familiale, et tribunal de police). Le fameux accueil du justiciable devrait se voir renforcé pour accompagner les victimes tout au long d’une procédure, jusqu’à leurs indemnisations cas échéant. Enfin, la présidente ira à la rencontre des partenaires locaux et des élus pour faire mieux connaître la justice civile et le travail du siège (les juges).

Création d’un COMITE OPERATIONNEL DE LUTTE CONTRE LA DELINQUANCE DE PROXIMITE

Ce comité sera opérationnel d’ici une dizaine de jours. Expérimenté d’abord sur la ville de Chalon-sur-Saône, il sera ensuite étendu aux autres villes du ressort (Autun, Le Creusot, Montceau-les-Mines, pour commencer). Damien Savarzeix annonce du même pas, le recrutement de monsieur Lavaux, ancien lieutenant-colonel de gendarmerie, dont la mission sera d’assurer l’interface entre les municipalités et la justice. Le but : réduire l’écart « entre les attentes du terrain et les réponses pénales », en dressant « une cartographie de la délinquance avec de vraies stratégies de traitements, territoire par territoire ».
En d’autres termes, tous les comportements et les actes qui oscillent entre incivilités et délinquance, ceux qui finissent par toucher la vie quotidienne des habitants et qui occupent abondamment les forces de police, mais dont les auteurs ressortent du commissariat avec une convocation « à 3-4 mois devant le délégué du procureur », eh bien ces dossiers-là auront désormais « une convocation rapide, à 21 jours maximum, et une réponse pédagogique, non stigmatisante » mais « à chaud » si l’on peut dire, ce qui lui donnera une force supplémentaire. « Cela nous permettra de régler tout un tas de situations en évitant qu’elles s’enkystent ».
Le procureur de la République prend l’exemple de la police (municipale et nationale) à Chalon-sur-Saône : « On va systématiser, via un rapport d’intervention unique, la réponse par la troisième voie et faire entrer dans le spectre judiciaire des faits qui n’y entraient pas. » Toutes les problématiques de délinquance de qui que ce soit sur son territoire (sur le tissu social, au-delà l'infraction commise) seront maintenant portées à la connaissance du parquet.

Florence Saint-Arroman