Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - vers 7 heures du matin, une patrouille de police remarque une voiture qui circule au nord de Chalon, parce qu’elle est accidentée, en mauvais état.

TRIBUNAL DE CHALON - vers 7 heures du matin, une patrouille de police remarque une voiture qui circule au nord de Chalon, parce qu’elle est accidentée, en mauvais état.

Affaire de trafic de stupéfiants, à l’audience de comparutions immédiates de ce lundi 22 mars.

Dans le box trois jeunes majeurs, entre 18 et 20 ans. En juin, au tribunal pour enfants, un quatrième sera jugé. Poursuivis pour trafic de stups du 1er au 20 mars dernier. Un dossier au goût de « tout ça pour ça », parce que le contrôle de police fut positif, mais l’orientation en CI pour un « trafic d’ampleur, très organisé » comme l’a dit et répété la procureur, d’une procédure qui permet aux avocats de plaider deux relaxes, c’est toujours surprenant, et ça prend plus de 2 heures.

1255 euros en billets, un couteau, un cutter, une balance, 6 grammes de cannabis

C’est surprenant quand l’écart entre ce qui justifie l’orientation du dossier* et ce qui émerge à l’audience est vraiment important.  Samedi 20 mars, il y a trois jours, vers 7 heures du matin, une patrouille de police remarque une voiture qui circule au nord de Chalon, parce qu’elle est accidentée, en mauvais état. Lorsque les occupants de la voiture cherchent à se dissimuler aux regards policiers, ils emportent immédiatement un ticket gagnant pour un contrôle. L’habitacle sent fort le cannabis. A l’arrière, un sac à dos. Dans le sac à dos, 1255 euros en billets, un couteau, un cutter, une balance, 6 grammes de cannabis. Le petit arsenal signe un trafic c’est sûr, mais « très organisé » ?

« Je ne les connais pas. Jamais vus »

C’est une vraie audience stups, qui se reconnaît à cela : c’est pas eux. Madame Caporali, par ailleurs juge d’instruction, confronte un des garçons. « Que savez-vous du trafic auquel se livrent vos deux amis ? » Il n’est pas au courant, dit-il. Il dit que les enquêteurs ont mal transcrit ses déclarations pendant sa garde à vue. Pourtant, les prévenus ont désigné un 4ème comme étant celui pour qui ils dealaient et qui aurait posé le sac dans la voiture la veille. Un garçon de 18 ans également, condamné en janvier dernier pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Celui-ci s’indigne et proteste : « C’est trop facile de charger celui qui a un antécédent judiciaire. Je ne les connais pas. Jamais vus. »

« Je suis droit dans mes chaussures »

Il est suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, il dit qu’il ne se drogue plus, que ses analyses d’urine l’attestent, qu’il est en BTS, qu’il est aussi coursier chez Uber pour gagner de l’argent, parce qu’il a des projets, qu’il n’a rien compris à la perquisition au domicile de sa mère, que s’il a un grinder c’est parce qu’il pensait le vendre, qu’il ne lui sert plus à rien. « Je suis droit dans mes chaussures. » Au final seul l’un des prévenus reconnaît vendre du cannabis chaque week-end et être payé en produit, pour sa consommation personnelle. Lui, il est interne dans un lycée de Chalon, et il charge le 4ème, disant qu’il ne passait que par le prévenu mineur (donc absent) mais pour le compte de l’autre.

« Ce sont les enquêteurs qui n’ont rien compris du tout ? – Oui »

L’instruction donne ça, avec celui qui conteste être mêlé de près ou de loin à un trafic (il conduisait la voiture pour rendre service, et après lui le déluge) : « En audition vous dites avoir vu de l’argent dans le sac. C’est parce que monsieur X est assis dans le box avec vous que vous revenez sur vos déclarations ? – Non, non. – Ce sont les enquêteurs qui n’ont rien compris du tout ? – Oui. » De question en question on arrive à « Donc vous êtes quand même informé de ce qui se passe. Donc, les enquêteurs n’ont pas tout compris de travers, mais vous ne savez pas à qui vous rendez service ? – Ben, à tout le monde. » … Les deux autres sont scolarisés, lui il travaille, et ça se passe bien a dit son employeur. Il dit fumer « deux joints par semaine ».

« Quand le ministère public parle de trafic organisé, très important, … je ne sais pas d’où ça sort »

La procureur requiert deux mandats de dépôt, l’un contre celui qu’elle dit être « tête de réseau », l’autre contre celui qui a reconnu dealer. Elle requiert une peine mixte contre le conducteur, « qui a un rôle moindre ». Les avocats vont s’en donner à cœur joie. Les réquisitions font leurs plaidoiries. « Vous n’avez rien, hormis les déclarations lunaires des autres », plaide Jérôme Duquennoy. Son client (le 4ème) n’est rattaché en rien au dossier : pas d’ADN, pas de téléphonie, rien. Maître Trajkovski lui emboîte le pas. Son client, le conducteur, est poursuivi pour complicité ? « Quand on fait une comparution immédiate estimant que le dossier est en état et qu’il n’y a pas d’éléments, il faut en tirer toutes les conséquences. » Elle plaide une relaxe. Maître Lépine s’en garde puisque le sien a reconnu, mais « quand le ministère public parle de trafic organisé, très important, à proximité des lycées… je ne sais pas d’où ça sort. Mon client a reconnu, mais les seuls éléments du dossier ne viennent que de lui. Et il est poursuivi pour 20 jours, je le rappelle. On demande un mandat de dépôt ? Il a 18 ans et un casier néant, il est scolarisé. »

Une détention à domicile, trois jeunes gens sous main de justice

Le présumé « tête du trafic » est relaxé pour usage et acquisition de stupéfiants, condamné pour le surplus à une peine de 14 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans (soins, travailler, interdiction de contact avec deux des prévenus dont le mineur), révocation de 2 mois de sursis, aménagement ab initio de sa peine en détention à domicile pour les 10 mois ferme.
Le conducteur est relaxé du chef de complicité, coupable pour l’usage de stupéfiants en récidive, condamné à 3 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans.
Celui qui a reconnu dealer est condamné à une peine de 12 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans (soins, travailler, interdiction de contact avec le présumé chef et le mineur).

« Comment faire prendre conscience ? »

Ce dernier avait clairement et posément dit : « Je n’ai pas forcément envie d’arrêter. » Dans l’autre salle d’audience, un tribunal correctionnel collégial juge un homme coupable d’avoir involontairement tué une femme et blessé deux autres personnes en glissant un « cédez le passage » à Rully en 2017. Les analyses toxicologiques ont établi qu’il avait fumé du cannabis, il ne l’a d’ailleurs jamais contesté.
Le président Dufour pose une question dont la nature et l’importance échappent totalement aux jeunes majeurs qui viennent d’être condamnés. « Comment faire prendre conscience aux gens, que lorsqu’on prend des stupéfiants et/ou de l’alcool, on ne doit pas conduire ? » Il dit au prévenu : « Dans vos réponses, vous semblez dire que consommer des stupéfiants, ça fait partie quasi de la normalité, que beaucoup de gens fument, ce qui est vrai, malheureusement, mais vous le banalisez. » Le prévenu a une trentaine d’années : « Il y a un phénomène générationnel. J’ai commencé au lycée, beaucoup de gens autour de moi en consomment, c’est banal en effet. » L’échange se termine sur une question toujours ouverte : « Comment faire prendre conscience des dangers que l’on fait courir aux autres ? »
Le prévenu en a conscience désormais, mais il a tué quelqu’un : ça fait cher la prise de conscience.

Florence Saint-Arroman  

*https://www.justice.fr/fiche/comparution-immediate
https://www.santeaddictions.fr/c-est-quoi-les-addictions/drogue-au-volant-les-risques-pour-les-autres-et-pour-soi