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« Trois » : Renversant !

« Trois » : Renversant !

Après « Les oubliés du dimanche » puis « Changer l’eau de fleurs », vendus à plus de 2 millions d’exemplaires et multirécompensés, Valérie Perrin signe une bombe littéraire : « Trois ». Somptueux, époustouflant !
Fidèle à sa Bourgogne, la romancière éclaire les lecteurs d’Info-chalon.

« Géant, bouleversant » : les superlatifs ne manquent pas quand vous sortez de la lecture du 3e roman de Valérie Perrin. D’ailleurs, vous n’en sortez pas tout à fait : tous les lecteurs le disent déjà, il faut un temps pour « faire son deuil » de ce bijou littéraire.

Autopsie d’une amitié fusionnelle

 « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » sont les mots célèbres de Montaigne, à propos de son amitié avec La Boétie. Rien d’explicable, non plus, dans cette force particulière qui unit Nina, Adrien et Étienne, les personnages principaux de Trois. Et pourtant, l’écriture de la romancière nous plonge dans l’évidence d’une amitié fusionnelle où les mots « toujours » et « jamais » scellent un pacte. « Pour toi, nous aurons toujours une voiture neuve avec le plein d’essence », cette phrase d’Adrien revient comme un leitmotiv.

Pourtant, quand les trois se rencontrent, ils n’ont de commun que le lieu, l’âge et l’initiale de leur nom, dans la liste des élèves de CM2. Et, aussi, un instituteur tyrannique.

Valérie Perrin peint avec une rare finesse cet âge charnière de l’enfance à l’adolescence. Si bien que tout lecteur retrouve un peu de lui dans la justesse de ces traits.

Qu’est-ce qui fait que les personnages romanesques sont réussis ? Qu’ils continuent à nous habiter ? Une question impossible, sans doute, mais que nous avons posée à Valérie Perrin. L’auteur répond avec l’humilité désarmante qui la caractérise : « Je les aime, tout simplement, je suis attachée à chacun de mes personnages, sans exception. » Et tout au long des 665 pages, la romancière nous régale d’une galerie de portraits jouissifs.

Une construction millimétrée

Somptueux dans ses portraits de personnages, Trois s’avère remarquable dans sa construction. 1987-2017 : le lecteur suit 30 années du destin des trois, en constants aller-retour. Des époques rythmées par les événements historiques – chute du mur de Berlin, mort de la princesse Diana – mais aussi par les hits musicaux qui colorent chaque décennie. La musique, omniprésente dans l’œuvre, agit comme la madeleine de Proust : elle convie le lecteur au cœur de ses propres souvenirs. Indochine, Nirvana… Ça y est, on y est vraiment. Les souvenirs des trois réactivent les nôtres, irrésistiblement.

Et, dans cette fresque teintée de la mémoire collective, se glisse le suspens. Dans l’œuvre de la romancière, le polar est toujours intimement lié à la peinture psychologique d’une époque. » Valérie Perrin distille les indices à son lecteur, comme autant de pièces de puzzle. Et Virginie, la narratrice, pigiste dont le passé reste trouble, est la voix qui porte ce mystère.

La Bourgogne, une attache solide

Ce 3e roman, comme les précédents, prend son origine en Bourgogne. Les trois grandissent à La Comelle, petite commune de Bourgogne – certains y reconnaitront Gueugnon, creuset de l’enfance de la romancière – puis vient l’époque des études supérieures à Paris. Un passage à la vie urbaine que l’auteur n’a pas voulu idéaliser : « Je l’ai vécu, comme beaucoup d’autres, de manière assez violente, d’autant que je suis allée à Paris en 1986 pour y travailler. J’ai donc voulu parler de ce choc entre la vie rurale et la vie dans une grande ville où l’on « mange du béton ».

La jouissance du lecteur : manipulé, bluffé, renversé !

Trois révèle plus que jamais une maitrise parfaite dans la manipulation de son lecteur. Le récit évoque, à travers 665 pages, des thèmes qui interrogent chacun : la recherche d’identité, les apparences, la vérité (parfois sournoise), la résilience… (extrait) : « L’apparence n’est rien. C’est au fond du cœur qu’est la plaie. Euripide ».

Et subitement, les coups de théâtre retournent le lecteur comme un poisson pris dans les filets de la narration. Les effets de surprise sont des déflagrations qui le laissent sans voix, époustouflé, pour sa plus grande jouissance de lecteur. 

Les lecteurs ? Il n’est pas anodin que la romancière leur adresse ses premiers remerciements par ces mots : « Mes lendemains qui chantent, c’est vous. » Et ce n’est pas seulement une belle formule pour celle dont la sincérité est une vertu : « Les lecteurs, confie Valérie Perrin, je ne pense qu’à eux. C’est une absolue nécessité. Plus tu es sincère, plus tu es au cœur des choses. »

Voilà peut-être, s’il en était besoin, une autre raison qui fait qu’on aime Valérie Perrin et son œuvre, présente et à venir.

Par Nathalie DUNAND
[email protected]

Trois de Valérie Perrin (Albin Michel)
Sorti le 31 mars 2021
Chez vos libraires

Rencontre avec Valérie Perrin en Bourgogne
Samedi 12 juin 2021
À l’occasion des Portes ouvertes du refuge Annie-Claude Miniau/ADPA de Gueugnon
Adresse : La Terre des Mottes, 71130 Gueugnon
Facebook du refuge : ADPA 

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Rencontre avec la romancière
Bientôt Trois