Chalon sur Saône

Le tribunal de Chalon désorganisé par le COVID

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 27 Janvier 2022 à 20h10

Le tribunal de Chalon désorganisé par le COVID

Pour des raisons « sanitaires », le tribunal siégeant à l’audience de comparutions immédiates ce jeudi 27 janvier, a renvoyé 3 dossiers sur 4. Au pied levé, une greffière et une juge ont pris l’audience pour assurer les renvois.

Le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône connaît donc une désorganisation importante. Le virus, certes, mais aussi les mesures complexes imposées à tous par le gouvernement (sans oublier celles qui concernent les enfants scolarisés, cerise sur on ne sait quoi), obligent depuis un moment déjà à faire des plannings de dernière minute, mais cette semaine ça n’est tout simplement plus possible. Toutes les comparutions immédiates sur reconnaissance préalable de culpabilité prévues ce matin ont été renvoyées. A l’arrière du palais, on renvoie les audiences des affaires familiales et de la justice des mineurs.

Alors que tout va mieux, c’est pire

Point rapide sur la situation : pas mal d’entre nous sont vaccinés, des variants hyper contagieux mais beaucoup moins létaux (soit du fait de la vaccination, soit du fait qu’ils sont plus communs) circulent partout n’obérant néanmoins pas le fait que, sur ce plan, ça va (beaucoup) mieux qu’au printemps 2020, mais la quantité de gens contaminés, les fameux protocoles de conduite à tenir et le manque de personnel dans les structures porteuses de la société, mettent en danger les activités de ces secteurs professionnels – de ce point de vue, ça ne va pas mieux du tout, c’est même pire. Il est important de mettre en relation les situations car nous sommes tous interdépendants. 

« Affirmons que la justice n’a pas les moyens de travailler »

Le 14 décembre dernier, l’ensemble des fonctionnaires et des magistrats du TJ chalonnais, votait une motion rendue publique (https://www.info-chalon.com/articles/2021/12/15/66226/perte-de-sens-epuisement-l-institution-judiciaire-se-souleve/) dans laquelle on pouvait lire : « masse de travail étouffante », « affirmons que la justice n’a pas les moyens de travailler » (la France se situe au 39e rang sur 43 pays européens en terme de crédits accordés à la justice), « sous-effectif constant », etc.

Les variants du virus, comme autant de termites

Dans ces conditions, la pandémie que nous connaissons depuis deux ans ne manque pas de participer à sa façon à l’affaiblissement de la charpente. Ce ne sont plus les variants d’un virus, ce sont des termites. « Souffrance au travail », disait aussi la motion. Souffrance mais sens du devoir : on renvoie pour faire les choses correctement. C’est que le gouvernement ne peut pas traiter l’institution judiciaire, de même que les hôpitaux, ou la police, comme il le fait (ou ‘font’ : car cela ne date pas d’aujourd’hui) avec d’autres services publics. Compliqué de recruter des personnes non qualifiées en contrat aidé* pour poser des diagnostics d’urgence, opérer, porter une arme, ou encore assumer des responsabilités telles que juger, requérir, ou être garant des procédures. 

Les justiciables (que nous sommes tous) doivent se sentir concernés

Le travail de sape directement lié à des choix politiques est donc majoré par la pandémie : quand on travaille à flux tendu, il n’y a pas de remplaçants. Il suffit donc que plusieurs magistrats et greffiers soient absents pour arriver à ce résultat formidable : il n’est plus possible d’assurer l’activité prévue. Si les justiciables (on rappelle que la plus grosse part du travail de la juridiction n’est pas répressif, contrairement à ce que les articles des journaux peuvent laisser penser : on focalise sur le pénal, mais il y a le civil – dont les tutelles -, les affaires familiales, etc.) pouvaient se sentir concernés : les conséquences, par effet de chaîne, retombent sur eux, forcément. La somme des destins individuels ne forme-t-elle pas le destin collectif ? 

Trois auteurs de violences seront jugés fin mars

C’est ainsi que trois prévenus, trois hommes convoqués pour avoir commis des violences (l’un sur quatre de ses copines successives, un beau tableau car il n’a pas 22 ans ; l’autre sur un homme qu’il ne connaît pas et qui a 30 jours d’ITT – rixe en boîte de nuit ; le troisième sur son ex et la grand-mère de celle-ci) et tous trois placés sous contrôle judiciaire (dans des cadres contraignants) seront jugés plus tard. Les victimes qui se sont déplacées devront attendre et revenir. 
Le tribunal fait le point, pour chaque dossier, sur les modalités du contrôle judiciaire, la position du prévenu. Clémence Perreau, pour le ministère public, donne son avis et demande parfois une obligation ou une interdiction supplémentaire. Les avocats interviennent rapidement. Après un délibéré, les prévenus sont renvoyés chez eux, toujours sous contrôles judiciaires, et convoqués fin mars. 

La Justice est malade, le SARS-CoV-2 n’est qu’un révélateur

Une escorte et un prévenu attendent dans les geôles du palais. Trois policiers du commissariat de Chalon accompagnent un homme qui a enfreint une ordonnance de protection. Il va être jugé. L’audience va prendre pas mal de temps, la personnalité du prévenu est particulière, les faits sont graves et il n’est pas question de faire n’importe quoi, même dans un contexte où « le manque de considération et de soutien des personnels de justice » ainsi que « les critiques politiciennes visant à déstabiliser le corps judiciaire » font monter les niveaux de lassitude. Pendant ce temps-là défilent des cortèges de manifestants partout en France. Nous ne mélangeons pas les choses : nous donnons des éléments de réalité. La Justice est malade, le SARS-CoV-2 n’est qu’un révélateur supplémentaire. 

Florence Saint-Arroman

*Pas de regard supérieur sur la question des contrats aidés, dont on espère qu’ils aident réellement, parfois, des personnes, mais on en a vu, à la poste, à pôle emploi, etc., forcément débordées puisque pas formées aux métiers, posées là comme cache-misère suite à la suppression de postes et à l’installation de machines qui conservent un défaut majeur : elles ne parlent pas. La personne en contrat aidé parle, elle, et c’est déjà un peu de lien, mais ça reste quand même, de la part des « décideurs » d’où qu’ils soient, une grosse blague.