Agglomération chalonnaise

Quand un Chalonnais donne « l’UKHAM » à une maman et son fils X fragile

Quand un Chalonnais donne « l’UKHAM » à une maman et son fils X fragile

L’Ukham, cette attitude combative, est le trait d’union entre François et Nathalie, une mère pas comme les autres qui a fondé HanDevenir créatif.

Ce Chalonnais, vous le connaissez bien : c’est François Preira. Avec sa compagne Émilie Schwab, ils tiennent le bar Atelier Store, rue aux Fèvres. Et cette maman d’un enfant atteint par le syndrome du X fragile, vous ne la connaissez pas encore : devenue éducatrice spécialisée, elle accompagne d’autres enfants “X-traordinaires” et crée des supports pédagogiques.

L’Ukham de François

« L’Ukham, m’explique François, signifie “le combat” dans la langue manjak de mes origines. C’est croire en sa force et nourrir l’optimisme. »

Et le combat, François le connaît bien, qui s’est forgé une route entre le lieu où il a grandi – une banlieue dans les Yvelines où délinquance et violence étaient le quotidien – et aujourd’hui, à Chalon, avec tout ce qu’il a construit.

De cette vie, il a appris à nourrir l’Ukham, une attitude combattante, positive et ouverte aux gens. Ne pas laisser la vie le mener, mais relever les manches, et la tête. Ces valeurs, il en a fait sa marque, une ligne de vêtements UKHAM, « pour les guerriers de tous les jours ».

Et si un duo mère-fils peut arborer les couleurs de l’UKHAM, c’est bien Nathalie et Tristan.

Nathalie, son fils Tristan et le tsunami

Nathalie n’est pas une maman comme les autres, elle a l’UKHAM en elle depuis la naissance de Tristan. L’enfant n’a jamais émis les « areu » tant attendus. Assez vite sont apparues les difficultés : motricité, retard de langage, réactions inappropriées aux bruits, aux autres… Le défilé chez les spécialistes a commencé, leurs indélicatesses aussi…

Vers l’âge de 3 ans et demi, quand Tristan a été diagnostiqué X fragile (1re cause de déficience intellectuelle héréditaire en France), ça a fait « un grand boum » dans sa tête, un tsunami. Il faut faire le deuil de votre enfant, lui a dit sans ménagement un neuropédiatre. « Des mots qui vous mettent KO, confie Nathalie. On vous donne la peur avant l’espoir. »

L’Ukham de Nathalie

KO, oui, elle l’a été, comme tout parent devant un tel cataclysme. Elle s’est sentie abandonnée à ses angoisses, aux questions sans réponse qui se bousculaient : « Va-t-il être autonome un jour ? Que puis-je faire pour l’aider au jour le jour ? »
Et puis elle s’est relevée, par amour pour son fils, et elle est allée loin sur sa route, elle aussi, gardant tout le long du chemin la main de Tristan, bien serrée dans la sienne. Un chemin qui se poursuit encore aujourd’hui…

Comme François, Nathalie a relevé ses manches : « Après des expériences malheureuses, nous avons décidé de ne pas placer Tristan en institution. J’ai peu à peu compris que je ne pouvais rien attendre des autres. Là, tu as le choix entre la peur et l’amour. »

Nathalie et son mari Stéphane ont changé de vie : ils ont acheté un hôtel pour être présents au quotidien auprès de leur fils. L’association « Autour d’une étoile » est née.

L’école à la maison

Nathalie a créé un espace d’apprentissage : un lieu incroyable, chaleureux et apaisant, lumières tamisées, fresques et frises colorées au mur, espaces différents dédiés aux divers apprentissages.

Et surtout, elle a patiemment construit une stratégie d’apprentissage adaptée aux besoins particuliers de Tristan : elle a écumé tout ce qui se fait, a pioché des idées ici et là, les a adaptées, a testé les outils pédagogiques existants, observe son fils, ses points forts, ses difficultés… Un travail considérable, passionné. Observation, patience, ténacité et – le maitre mot de Nathalie – bienveillance. Un objectif atteignable à la fois, changer souvent de support, retenir l’attention de Tristan parce qu’il « est dans sa bulle ». Ne jamais juger, ne pas mettre de pression…

Aujourd’hui, Tristan a 15 ans. Tous les jours, il a classe avec sa maman. Il déchiffre ses nombreux livres, compte, se repère dans le calendrier, dessine, utilise l’informatique, s’ouvre à toutes les matières de l’école – le fameux “socle de compétences” – et bien d’autres activités encore : il se prépare à la vie.

« Je veux partager ce que j’ai créé, j’ai tellement manqué ! »

C’était une évidence pour elle : passer son examen d’éducatrice spécialisée pour aider d’autres parents, d’autres « enfants X-traordinaires », comme elle les nomme. Sa structure, installée à Coustellet-Maubec (Vaucluse), propose un accompagnement scolaire pour des enfants de 6 ans à 12 ans ayant une scolarité difficile (déficience intellectuelle, autisme, échec scolaire).

« Les spécialistes – j’en ai rencontré beaucoup – se concentrent sur l’enfant, ce qui est primordial mais tout à fait incomplet : les échanges avec les parents sont oubliés. C’est ce lien que je mets en place parce qu’il manque cruellement. Apaiser d’abord la peur qu’on met autour du handicap et construire avec eux une stratégie d’accompagnement sur mesure pour leur enfant. »

HanDevenir créatif : des ressources créées sur mesure

Toutes ces années, Nathalie a mené une exploration complète des outils existants. Elle a évalué leur efficacité pour mieux guider les choix des parents. Il est arrivé qu’aucune ressource ne soit adaptée à un apprentissage spécifique, par exemple la notion de repérage dans le temps ou la gestion des émotions. Alors, elle a créé les supports qui lui manquaient, fondés sur une “pédagogie participative” : l’enfant agit, manipule, réalise, il est acteur de son apprentissage.

Toutes ces ressources sont proposées à la vente sur son site HanDevenir créatif (ici).

Le « triangle essentiel » comme base de son accompagnement

Sa stratégie d’apprentissage repose sur une approche humaine et sensible qui réunit le triangle essentiel – enfant, parents, éducateur – autour d’une cohésion pédagogique. Les parents sont inclus dans l’accompagnement au quotidien de leur enfant.

Pour les aider concrètement, Nathalie a récemment élaboré d’autres supports qui leur sont spécifiquement destinés, ceux qui lui ont tant manqué dans ses débuts : organiser tous les rendez-vous grâce à un Agenda spécial, rebooster son estime de soi et sa propre énergie… Oui, le parent ne doit pas être oublié, ni s’oublier.

Tous les supports ainsi conçus sont mis à l’épreuve dans son accompagnement d’autres enfants rencontrant divers troubles d’apprentissage.

« Réduire le handicap à une impossibilité à faire est une erreur, explique Nathalie. La vie est là, plus grande, plus large. » 

Par Nathalie DUNAND
[email protected]

(Photos de François © Jean-Luc PETIT)

  • Pour en savoir plus :

HanDevenir créatif
Site de pédagogie formative pour enfants X-traordinaires
Coustellet-Maubec (Vaucluse)
Mail : [email protected]
Site : https://handevenircreatif.fr/