Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - « Il ne relève pas, lui, d’un tribunal. Il relève de la psychiatrie »
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 28 Mai 2025 à 17h10
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On a quitté cet homme, fauteur de troubles dans des bus à Chalon, lors de l’audience de renvoi, en mars dernier. On le retrouve ce 26 mai, à remâcher les mêmes trucs. Lui, il sait qu’il est fou, il ne cesse de le dire, mais visiblement ça n’est pas évident pour tout le monde. C’est fou, ça.
Trois procédures sont jugées ce lundi 26 mai à l’audience des comparutions immédiates :
Le 8 décembre 2024, cet homme, né en 1977, est filmé par une caméra de vidéosurveillance en train de caillasser un distributeur automatique de billets, à l’extérieur d’une agence bancaire.
Le prévenu : « On m’a fait du mal, on m’a volé mon argent, on m’a jamais remboursé. J’ai jamais voulu faire de mal. Je dis un grand pardon. Ça m’a mis en colère, sinon, je ferais aucun mal, même pas à une mouche. Je suis désolé, c’est eux qui m’ont provoqué. Quand je veux porter plainte, les policiers me disent ‘Rentrez chez vous’. »
Seconde procédure - Il levait sa béquille en disant : « Je vais foutre le feu au comico »
Le 7 janvier 2025, grabuge dans un bus de la STAC. Il est agressif, menace, insulte. La police, alertée, l’emmène. Propos incohérents et répétitifs. Il levait sa béquille en disant : « Je vais foutre le feu au comico*. »
La présidente rapporte la déposition de la conductrice du bus. L’avocat du prévenu va amender pas mal le récit, en racontant ce qu’on voit sur la vidéo. Cela dit, le prévenu était, comme il lui arrive souvent, agressif, insultant, vitupérant.
Les appels à la raison vont s’échouer sur une plage désertée
N’empêche qu’à ce stade de l’audience, on se dit qu’une abolition du discernement serait cohérente, elle, avec le profil. Mais il va falloir attendre la fin de l’instruction, ponctuée, comme font assez souvent les magistrats, de « c’est à vous de changer de comportement », « pourquoi insulter quelqu’un qui ne vous a rien fait ? », « c’est à vous de changer ».
Placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec cette conductrice de bus, il a été incarcéré pour avoir enfreint cette interdiction : il avait repris le bus. Lui : « J’avais pas le choix, je suis handicapé ! Je vous jure ils m’ont ruiné, madame. »
« Ils m’ont donné des médicaments, ça m’a rendu fou »
Le prévenu s’exprime encore : « Je demande vraiment un grand pardon à tout le monde. Mais les cartes de bus handicapés… Les contrôleurs me mettent cinq amendes chaque semaine. Ça me mettait en colère. Je ne comprenais rien du tout. » La présidente s’adresse à nouveau à lui avec beaucoup de raison, elle en est pour ses frais. « J’ai vu des psychiatres. Ils m’ont donné des médicaments, ça m’a rendu fou. » Voilà, c’est dit : il le sait bien, quelque part en lui, qu’il est en effet devenu fou, ce malheureux.
Dernière procédure
Le 20 janvier, toujours dans un bus, il frappe sur la vitre de séparation entre le chauffeur et les passagers, avec sa béquille, en le menaçant et mimant un égorgement. Puis il a détruit un dossier appartenant à la STAC, usant d’un briquet, faisant ainsi courir un risque d’incendie.
L’expertise psychiatrique : entre psychose, « théâtralisation » et « bémol »
Que dit l’expert psychiatre ? Le médecin commence par écrire que l’examen a été « très compliqué », que le prévenu « a crié » et « a refusé de répondre à certaines questions ». Le médecin en conclut à un « théâtralisme » (c’est dans le DSM, avec l’histrionisme, ndla). Et puis il a eu droit à tout un speech du prévenu comme quoi celui-ci était convoqué « au parloir avocat » et que par conséquent il n’avait pas à y trouver un médecin. Ça se comprend, pourtant, s’il n’avait pas été informé avec précision.
« Trouble psychotique de longue date », « a évolué en délire de persécution »
Puis le rapport en vient au cœur du problème : « trouble psychotique de longue date », « a évolué en délire de persécution ». Néanmoins, et c’est la surprise du chef : cet homme est « accessible à la sanction pénale », donc pas d’abolition du discernement. Le psychiatre nous laisse sur une pointe d’inachevé puisqu’il écrit avoir été retenu dans sa décision « par un bémol ». Maître Ramazan Öztürk ne manquera pas de le relever : ça s’est joué à un cheveu, jusqu’où était-il nécessaire et utile d’enfermer cet homme dans un lieu où il est une charge pour les surveillants (qu’il accuse de mettre « des cachets » dans sa nourriture) et où il souffre au contact des autres (qui eux-mêmes doivent souffrir à son contact à lui).
La belle affaire
Le médecin lui reproche en outre de « se servir de son handicap » pour peser sur son entourage, voire le manipuler. La belle affaire. On ne voit que ça au tribunal, d’un côté comme de l’autre de la barre, comme dans la vie courante où tout le monde se plaint, voire se sert, de ses malheurs, et pourtant on ne se pose pas la question de la santé de leurs discernements, à tous ces gens.
« C’est à vous de changer » - « Oui, y a pas de souci, madame la juge »
« Pardon à tout le monde, mais ils m’ont provoqué, à me mettre des amendes. » La présidente : « Vous insultez le chauffeur, vous le menacez, et pourquoi ? » Question sans réponse (le prévenu n’est pas psychiatre, de fait, c’est lui le malade). La présidente reprend, toujours très correcte dans le ton et dans la forme, à l’égard du prévenu : « Le tribunal prend note de vos excuses, pour autant c’est à vous de changer. » Eh bien l’homme se montre lui aussi très correct envers le tribunal : « Oui, y a pas de souci, madame la juge. »
Et il enchaîne directement : « Moi, tout le monde m’a volé, madame. On m’a rendu fou. J’étais jamais fou. » Son avocat l’interroge : « L’histoire du bus, c’était quand ? – En 2022. – Vous êtes en prison depuis combien de temps ? – Depuis 2023. – Non, depuis 3 mois. – Si, depuis 2023, j’ai le papier. »
« Il est dangereux »
Le procureur requiert la peine de 15 mois de prison avec maintien en détention, et un suivi socio-judiciaire de 3 ans avec injonction de soins. « Il est dangereux. Il faut être hautement irresponsable pour mettre le feu. Je ne peux pas accepter qu’il soit laissé libre. »
Maître Bourg pour les victimes rappelle, comme le procureur le fait aussi, que les gens n’ont pas à se faire insulter ni menacer. L’avocate demande, pour les chauffeurs, des indemnités qui ne sont pas modestes, pour des préjudices moraux, à un homme qui vit de l’AAH et d'injections retard.
« Il ne sera plus jamais le même homme après »
Celui-ci a de la chance, il a un bon avocat, un de ceux qui savent être fraternels, malgré la vitre du box, la maladie psychiatrique, etc. « Je dois défendre monsieur X. » L’avocat revient sur un tragique homicide involontaire pour lequel monsieur X fut condamné, en 2007. « C’est la cassure. Il ne sera plus jamais le même homme après. Le feu. C’était un incendie. La personne décédée, c’était sa demi-sœur. » Ici le prévenu intervient : « Quand ça a brûlé… » Ramazan Öztürk l’interrompt avec douceur : « Je dois expliquer quelque chose. » Le prévenu le laisse plaider.
« Et les troubles mentaux se déclarent »
« Lui (dans le box), sera un grand brûlé, et les troubles mentaux se déclarent. Il sortira de détention, abîmé comme ça. Mais on n’a plus rien au casier jusqu’à maintenant, plus rien depuis 2008. Ce n’est pas un délinquant qui ne respecte rien. Il faut revoir son traitement. Ah ça serait bien pour tout le monde qu’il ne monte pas dans le bus ? Mais il y remontera. Donc, il faut qu’il ait un traitement rééquilibré. » Sur les dépositions, « on a un peu forcé le trait, il faut voir les vidéos. On le voit oblitérer son titre, il marche et pendant qu’il marche, on démarre. Il manque tomber, et là il réagit. Ce n’était pas la version qui dit : il était assis au fond et il a insulté sans raison. Ce n’est pas vrai. »
« Il ne relève pas, lui, d’un tribunal. Il relève de la psychiatrie »
« Il ne relève pas, lui, d’un tribunal. Il relève de la psychiatrie. Je ne pense pas qu’il théâtralise, c’est sa façon de parler, et on ne va pas le changer. Au départ, il devait comparaître dans le cadre de deux CRPC (plaider coupable, procédure infiniment plus douce que la comparution immédiate, ndla). Dans ces conditions, une incarcération… Elle est là depuis, en réalité 3 mois, dans sa tête, 3 ans ! Ce monsieur on ne va pas le faire disparaître. Il reviendra. Il a besoin d’aide. La justice, parfois, elle est… comment dire ?... débordée dans son rôle. La place de ce monsieur n’est pas ici. Et en prison il est une charge et un problème pour tout le monde. »
Le tribunal se retire pour délibérer à 15h12, revient à 16h37 : hospitalisation d’office
Il reste des dossiers… La présidente parle vite, si vite qu’on ne saisit pas tout. Mais voici l’essentiel : « Le tribunal constate que les troubles de monsieur X nécessitent des soins en psychiatrie qui doivent comprendre une hospitalisation d’office. »
Peines complémentaires : interdiction de tout contact pendant 2 ans avec les conducteurs victimes d’insultes et/ou de menaces. Interdiction de porter une arme pendant 5 ans.
Il est déclaré civilement et entièrement responsable des dommages causés, devra indemniser la banque, la Transdev, et les deux conducteurs de bus (pas à la hauteur demandée, mais ils sont reçus en qualité de parties civiles).
Explications et protestations, forcément
La présidente explique la peine au prévenu qui lui répond qu’il est déjà suivi par le CMP. Il n’aime pas la tournure que prennent les événements pour lui :
« Je fais mes piqûres là-bas, au CMP. – Vous irez à l’hôpital. – Mais, que la journée, je reste pas la nuit, hein ? – Vous retournez au niveau des geôles, monsieur, une ambulance va venir vous chercher pour vous emmener à Sevrey. – Excusez-moi, madame la juge, je fais mes injections, je suis pas fou c’est eux qui m’ont rendu fou. Je suis mes injections, madame. On va m’intoxiquer, là-bas ! Excusez-moi, madame… » L’escorte l’entoure, on le saisit par les bras (en douceur, s’il faut le préciser) pour qu’il se lève : « Venez, on va vous expliquer. »
FSA
*argot : commissariat
L’abolition n’est pas une petite décision, c’est vrai, mais
La justice craint les simulateurs, ceux qui se mettent à entendre des voix ou autres, ou qui en rajoutent du côté de leurs difficultés, par opportunité. Si on voit le bénéfice évident à éviter la prison, on ne voit pas, en revanche, celui qu’on retire à chercher l’irresponsabilité pénale, qui n’est pas sans conséquences. La justice se méfie, on comprend. L’expert qui refuse de conclure à l’abolition, pour « un bémol », ça interroge. L’abolition n’est pas une petite décision, c’est vrai, mais si l’institution judiciaire s’adresse à un « expert » c’est dans l’idée qu’il saura mieux que les magistrats.
Et puis, il ne faut pas oublier que cet homme, là, qui se sait fou tout en disant que justement ce sont des psychiatres qui l’ont rendu fou (pas étonnant que l’expertise ne se soit pas déroulée en mode cosy cool), eh bien il souffre. En prison il souffre aussi, davantage qu’à l’extérieur, même si sa vie s’y déroule avec autant de douceur que sur du verre brisé, au contact du monde, entre deux injections.



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