Saône et Loire économie

La vie d’un artisan ou d’un ouvrier du BTP vaudrait-elle moins que celle de n’importe quel autre citoyen ? La CAPEB Saône et Loire adresse une lettre ouverte à Muriel Pénicaud

La vie d’un artisan ou d’un ouvrier du BTP vaudrait-elle moins que celle de n’importe quel autre citoyen ? La CAPEB Saône et Loire  adresse une lettre ouverte à Muriel Pénicaud

Les artisans du bâtiment dénoncent le comportement du gouvernement.

Lettre ouverte à Mme Muriel PÉNICAUD, Ministre du Travail :

La vie d’un artisan ou d’un ouvrier du BTP vaudrait-elle moins que celle de n’importe quel autre citoyen ?

Madame la Ministre,

Nous sommes en guerre !

Et plutôt que de prôner l’union sacrée, plutôt que de mobiliser, plutôt que de rassembler les troupes, plutôt que de les encourager... vous les insultez, vous les méprisez, pire, vous les envoyez au front sans arme, sans soutien, ni logistique...

Et c’est ainsi que vous voulez vaincre ? Vous faites un bien curieux général !

Jeudi matin, sur LCI, vous vous êtes déclarée « scandalisée » par le « défaitisme » des entreprises du bâtiment ! Vous avez reproché à nos entreprises de « ne pas jouer le jeu » et de « manquer de civisme » ...

Vos propos scandaleux à l’égard des engagés du bâtiment ne vous honorent pas !

Mais de qui parlez-vous ?

De milliers d’artisans et de chefs d’entreprises du bâtiment responsables, qui veulent avant tout protéger leurs compagnons, leurs apprentis, leurs clients, tous légitimement inquiets ?

De milliers d’artisans et de chefs d’entreprises du bâtiment respectueux du droit, qui veulent être en conformité avec le Code du Travail, ce sacro-saint Code que votre Administration et vos Inspecteurs - tellement zélés - nous intiment pourtant, « en période de paix », de respecter strictement dans ses moindres dispositions ?

De milliers d’artisans et de chefs d’entreprises du bâtiment qui sont en pénurie de masques de protection et qui, de par les exigences de leurs métiers, doivent travailler très souvent côte à côte, qui ne peuvent plus accéder à leurs chantiers parce que les clients ne le souhaitent pas ou parce que les donneurs d’ordres publics – dont l’Etat que vous représentez – l’ont interdit, qui voient leurs salariés soucieux invoquer leur droit de retrait ou qui, tout simplement, ne peuvent plus s’approvisionner auprès de leurs négoces de matériaux qui sont fermés ?

De milliers d’artisans et de chefs d’entreprises du bâtiment altruistes, qui veulent contribuer à endiguer la propagation d’un terrible virus et qui, pour cela, respectent les suppliques quotidiennes et déchirantes de centaines de médecins et de soignants à se confiner, à se protéger et à limiter les interactions sociales ?

Alors, non Madame la Ministre, nous ne sommes pas « défaitistes » ! Par nos décisions responsables et courageuses de suspendre nos chantiers pour pouvoir nous organiser, nous contribuons à protéger et à sauver des milliers de vies !

Alors non, Madame la Ministre, ce n’est pas « un jeu » que nous refusons de jouer ! Nous parlons de la vie de 2 millions de salariés, de 80 000 apprentis, de 500 000 artisans et entrepreneurs du BTP ? Voulez-vous prendre, vous, la responsabilité en votre nom de les envoyer affronter l’ennemi, sans arme ni armure ?

Alors, non, Madame la Ministre, nous ne sommes pas « inciviques » quand nous interrompons pour de justes causes nos chantiers afin de répondre aux injonctions sanitaires justifiées du Président de la République et du Premier Ministre. Nous réagissons aussi en citoyens solidaires et conscients.

Alors, non, Madame la Ministre, nous ne souhaitons pas profiter du chômage partiel comme vous l’insinuez sans fondement. C’est juste un droit que nous voulons faire valoir pour nos compagnons empêchés de travailler et qui ne sont pas des sous-citoyens ! Avez-vous oublié que par nos cotisations patronales et salariales et par nos impôts, nous contribuons largement et depuis toujours au financement de l’Etat, à l’effort productif français et donc aujourd’hui à « l’effort de guerre » ?

Alors non, Madame la Ministre, nous ne battons pas en retraite ! Au contraire, nous nous organisons face à cet ennemi dangereux, invisible, qui progresse rapidement afin d’être, le moment venu, en capacité de contre-attaquer pour relancer l’économie ! Et cela, au prix d’un terrible sacrifice pour nous : le risque de voir disparaître nos petites entreprises faute de production ! Fermer les entreprises que nous avons créées et pour lesquelles nous donnons tout, c’est un véritable crève-cœur !

Vous le voyez, Madame la Ministre, nous sommes bien loin de votre caricature de salon !

Alors, pour tenir des propos aussi indignes, dans une telle situation, quelle est donc pour vous la valeur d’un homme de chantier ? Vaudrait-t-elle moins que celle des autres citoyens ?

La Déclaration des Droits de l’Homme nous rend tous égaux – vous et nous ! Et votre fonction ne vous autorise en rien à nous mépriser, ni à nous donner de si pitoyables leçons !

Les artisans et les entreprises du bâtiment, pourtant, vous les vénérez pour sauver Notre- Dame, pour réparer après les tempêtes, pour former des apprentis, pour insérer des demandeurs d’emploi, pour accueillir des migrants, pour lutter contre le réchauffement climatique, pour favoriser l’accessibilité et le maintien à domicile...

Les hommes et les femmes du bâtiment, sont parmi les professionnels les plus courageux de France et ils ne méritent en aucune façon vos offenses. Réservez donc vos charges à la lutte contre le Covid19.

Je tiens à vous rassurer : jamais, nous ne nous rendrons ! Nous serons toujours là pour tenir la ligne de front, pour travailler durement, pour soutenir l’économie, mais nous le ferons dans des conditions de préparation intelligentes et de sécurité sanitaire optimales et certainement pas aveuglément et au détriment de la santé et de la sécurité de nos compagnons et de nos clients !

Soyez donc aussi responsable que nous, Madame la Ministre. Appelez à nous rassembler pour travailler avec vous afin de prendre les dispositions pratiques de bon sens qui nous permettront de soutenir efficacement l’économie de la France en cette période exceptionnelle. C’est cela que nous attendons de vous, Madame la Ministre. Rien d’autre !

Enfin, Madame la Ministre, quand cette crise sera terminée, nous vous inviterons à venir découvrir la vie d’une entreprise du bâtiment en Saône-et-Loire, pour vous faire partager nos valeurs et notre quotidien. Vous y découvrirez un monde de courage, de proximité, de coopération et d’humanité, très éloigné de l’idée que vous vous faites aujourd’hui de nous !

Et puisque vous faites référence, dans votre intervention, à la « Seconde Guerre Mondiale », nous terminerons par une phrase d’un grand homme d’Etat, Monsieur Winston Churchill, qui disait : « le courage, c'est ce qu'il faut pour se lever et parler ; le courage est aussi ce qu'il faut pour s'asseoir et écouter ».

Recevez, Madame la Ministre, nos cordiales et respectueuses salutations.

Les artisans du bâtiment de la CAPEB Saône-et-Loire Et fiers de l’être !

Le Président Toni SPINAZZE Artisan Electricien