Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Voleurs de guitare, sans permis mais sous emprise de l'alcool et de stupéfiants, ils entament une course poursuite avec les gendarmes de Louhans.

TRIBUNAL DE CHALON - Voleurs de guitare, sans permis mais sous emprise de l'alcool et de stupéfiants, ils entament une course poursuite avec les gendarmes de Louhans.

Alors comme ça, ils ont acheté une voiture alors qu’ils n’ont pas de permis de conduire. Et pourquoi ça ? « J’en avais assez d’être à pied ! » jette d’une voix (trop) forte, le prévenu de droite. 23 ans, un frondeur. Il aurait pu avoir un contrôle judiciaire, mais il a demandé à être incarcéré en attendant son jugement. Son co-prévenu donne une réponse plus convenue - « j’ai pas les moyens » -, mais il a un casier chargé. 25 ans, 16 mentions.

Les faits – Une course poursuite avec le PSIG de Louhans

 

Il est minuit quarante, expose la présidente Clara Verger à ses assesseurs, dans la nuit du 19 au 20 août dernier. Des gendarmes du PSIG de Louhans sont en patrouille. Ils aperçoivent une Opel dont un feu arrière est défectueux, les gendarmes s’apprêtent à contrôler le véhicule et ses cinq occupants, mais le conducteur prend la fuite. S’engage « une longue course-poursuite ». De l’Opel, on jette une première guitare sur la route. Pourquoi ? « Pour les ralentir » répond le frondeur. Quelques kilomètres plus loin, une seconde guitare vient se briser sur le bitume. Une troisième, mal fixée sur le toit de l’Opel, ira se fracasser dans un virage. Les jeunes vont à toute blinde, la voiture finit sa course dans un ruisseau, ses occupants s’éparpillent dans la campagne comme une volée de moineaux.

 

Le PSIG demande le renfort d’une équipe cynophile et trouve le frondeur à Sainte-Agnès, caché dans une propriété privée. Dans sa poche, le double des clés de la voiture. Vérification faite, ce véhicule n’a pas été volé. Le 21 août un homme pose plainte pour vol avec effraction dans une maison de Savigny-en-Revermont. Objets volés : trois guitares et un siège de jardin. C’est ainsi que les deux jeunes hommes sont arrêtés. Un mineur est orienté vers le juge des enfants, un quatrième homme a pris le large, le cinquième n’aurait eu qu’une participation si minime qu’il n’est pas poursuivi.

 

Premier prévenu

 

« On était tous ensemble. On était sous alcool, sous stupéfiants Un jeune nous a indiqué cette maison, il a dit qu’on y trouverait des moto-cross. » Pas de moto dans cette maison, mais le frondeur n’a pas voulu en rester là, il a visité les pièces, cherchant des objets de valeur, trouve les guitares. Mais, les gendarmes. « Sous l’adrénaline, la peur, on s’est sauvés. » Le garçon de 25 ans a une doléance, il la dit et la répète. Il était incarcéré, avait obtenu une peine aménagée en semi-liberté, il rentrait dormir dans sa cellule. « J’étais en pleine construction. Mais un jour on m’a dit ‘tu sors’, à cause du coronavirus. La merde, quoi. J’étais en pleine construction. » Il est toxicomane. Il avait besoin d’argent pour acheter sa drogue ? « Pour acheter ma consommation, je touchais le RSA, madame. » Il dit que sa famille ne pose que des problèmes et des difficultés : dormir en prison, c’était rester éloigné de sa famille, d’ailleurs il demande au tribunal de ne pas lui imposer une sortie sèche. « Quand on m’a dit ‘vous sortez’, j’ai rien compris du tout. » Il veut « un cadre ». Il est en état de récidive légale, cela double la peine encourue.

 

Second prévenu

 

Le plus jeune a un petit casier. « Une ordonnance pénale et une amende, reprend maître Varlet. Il pouvait éviter l’incarcération mais l’a demandée. » « Je ne voulais pas affronter le regard méprisant de ma mère, ses insultes, voire ses coups », avait expliqué le gamin. « C’est donc que sa mère pose tout de même un cadre », développe son avocat. Le prévenu a dit vivre dans 40 m2, avec sa mère et ses deux sœurs dont l’une souffre d’insuffisance rénale. « C’est pour ça que je préférais aller en prison. » « Sauf que sa place n’est pas en détention, plaide Damien Varlet qui estime que la peine requise (4000 euros de jours amende, « ça lui montrera qu’on n’a rien pour rien ») n’est pas adaptée, qu’il faudrait un sursis probatoire avec des obligations, dont celle de soins, « à cause de l’absence d’explications claires sur son passage à l’acte ». Le jeune homme avait trouvé du travail, un CDD et 1800 euros de salaire mensuel, « et il se met dans cette situation ? »

 

« Il lui faut un cadre, il le dit lui-même »

 

Contre le plus âgé, le parquet a requis une peine de 15 mois de prison avec maintien en détention. « Reconnaissons à la prison une vertu, dit madame Saenz-Cobo : quand les gens sont dedans, ils ne sont pas dehors », elle en conclut que même si ça ne changera peut-être pas, sans doute pas, la trajectoire du jeune homme, ça protégera quelques potentielles victimes. « Il a 25 ans, une famille difficile, une forte addiction, et un parcours carcéral », reprend maître Tiffanie Mirek qui trouve la peine requise « simpliste ». « Il lui faut un cadre, il le dit lui-même. Il est aussi en demande d’une cure thérapeutique. »

 

Les décisions du tribunal

 

Le tribunal condamne le garçon de 25 ans à une peine de 14 mois de prison, ordonne son maintien en détention, « vous êtes en état de récidive légale » lui précise la présidente.
Le plus jeune est condamné à 100 jours amende à 20 euros. Connaît-il sa chance celui-ci ? Son père, avec qui le fil relationnel était ténu, a fait le trajet depuis les hauteurs du Jura. Il est assis dans la salle. Il est là.

 

Florence Saint-Arroman