Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Il s'en était pris à son voisin avec sa propre canne
Publié le 02 Mai 2020 à 07h54
« Je reconnais mes faits et gestes, mais ils ne peuvent pas savoir combien de temps je suis capable de travailler, parce qu’ils n’ont pas fait de tests. » La présidente Delatronchette intervient : « Vous avez mal saisi, monsieur. Je parlais de la victime, qui a 7 jours d’interruption temporaire de travail. – Ah pardon, excusez-moi. – Y a pas de mal, monsieur », le rassure la magistrate. Pourtant, si, y a du mal, y a beaucoup de mal, même. Il en a fallu beaucoup pour que ce garçon-ci se trouve dans cet état-là.
Le jeune homme, de la salle de visio du centre pénitentiaire de Varennes, attend d’être jugé, ce jeudi 30 avril, pour avoir frappé un voisin avec sa propre canne, le 16 mars dernier. Le garçon vit sous le régime de la curatelle renforcée, l’expertise psychiatrique est donc obligatoire avant son jugement, or point d’expertise à la procédure. Le jugement doit être à nouveau renvoyé. La présidente vérifie : « Avez-vous vu le psychiatre ? – C’est une blague, j’espère ! »
Une procédure d’expulsion (de son logement) en cours
C’est pas une blague. Son avocat, maître Ndong Ndong, est présent pour l’assister, et même si la mère du prévenu lui a fait un SMS pour dire que ok, elle veut bien accueillir ce fils si malmené par la vie, le tribunal va estimer que les garanties sont insuffisantes pour remettre le jeune homme en liberté, fut-ce sous contrôle judiciaire. Il ne peut pas non plus retourner chez lui, puisque le voisin, par définition, vit dans le même immeuble. Il y a par ailleurs une procédure d’expulsion en cours, « pour des problèmes de tapage ». « Nocturnes ? – Oui. - C’est exact. »
« On m’a tellement dit du vrai et du faux »
Il irait vivre où, s’il sortait de la prison ? « Où ? … Je ne sais pas. Vous me posez une bonne question, j’y ai pas réfléchi. Mis à part à la rue… ou chez ma famille…. Mais je ne vais pas vivre toujours chez ma famille ! Je suis majeur et vacciné. » La présidente reprend son casier, deux condamnations pour des dégradations, c’est bien ça ? « A ma connaissance, d’après ce qu’on m’a dit, oui, mais je ne sais pas, on m’a tellement dit du vrai et du faux, que je ne sais pas. »
« En cage »
« Vous êtes d’accord pour voir l’expert psychiatre ?
– En toute honnêteté, non. Vous pensez pas que vous vous y prenez un petit peu tard ? Qu’il fallait le faire pendant le mois où j’étais en cage ? » Il parle de sa détention provisoire. En cage, comme un animal (lire ici : https://www.info-chalon.com/articles/faits-divers/2020/03/20/43453/tribunal-de-chalon-je-suis-pas-un-animal-madame/)
On est encore en confinement, lui explique la juge.
« Oui, justement, répond-il. Là, vous essayez juste de trouver une solution, de me la mettre à l’envers. »
« Remonté contre toute forme d’autorité »
« Il a été placé extrêmement tôt, dès ses 2 ou 3 ans, explique maître Pierre Ndong Ndong. Il a passé plus de 18 mois en hôpital psychiatrique, d’octobre 2015 à avril 2018. Il a une grosse difficulté de maîtrise de soi, et est remonté contre toute forme d’autorité, depuis son placement. » Le conseil se tourne vers l’écran où apparaît, de bien loin, le jeune homme : « Je comprends que vous soyez remonté que l’expertise n’ait pas eu lieu, mais si jamais vous sortez de prison, vous serez d’accord pour vous y rendre ? – Oui ! J’ai dit oui. »
Risque de réitération. « Ah oui ? »
Le parquet requiert le maintien en détention provisoire, « il est toujours difficile à joindre quand il est dehors ». Le prévenu réagit. Le tribunal ordonne son maintien en détention, lui explique qu’il pourra toujours faire une demande de remise en liberté s’il a davantage de garanties à présenter. Et puis il y a un risque de réitération des faits contre le voisin. « Ah oui ? Quand ça ? J’aimerais le savoir… La seule personne que j’ai frappé en disproportion, c’est lui. – Monsieur, je parlais de lui. – Ah. Je ne l’ai pas tapé en premier, je tiens à le dire. »
Le jugement est fixé au 9 juillet, si d’ici là l’expert psychiatre se rend au centre pénitentiaire, pour rencontrer ce garçon qui a tant de mal dans sa vie.
Florence Saint-Arroman
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