Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Au foyer éducatif de Lux, un groupe de jeunes avait trouvé une combine pour récupérer de l’argent : un faux compte Snapchat au pseudo explicite de « NudePlanCul », appâtait des messieurs.

TRIBUNAL DE CHALON - Au foyer éducatif de Lux, un groupe de jeunes avait trouvé une combine pour récupérer de l’argent : un faux compte Snapchat au pseudo explicite de « NudePlanCul », appâtait des messieurs.

Photos dénudées et dialogues encourageants, promettaient des relations sexuelles tarifées. Il y eut quelques victimes, dit la présidente à l’audience, mais elles n’ont pas déposé plainte. Faut dire que la nature du rendez-vous, forcément, n’engage pas à aller rendre ça public.

Le 23 mars dernier, un jeune homme qui dialoguait depuis des semaines avec une fille qui n’existe pas, a, motivé, fait le trajet de Mâcon à Lux avec 400 euros en liquide sur lui. On lui donne rendez-vous devant un pseudo domicile dans la soirée. Il y va avec un copain qui sert de chauffeur, et éventuellement de 3ème gai luron, au cas où, sait-on jamais, la jeune fille serait d’accord. Une fille les attend. Ce n’est pas celle qui était sur les photos, celle-ci est âgée de 17 ans et de surcroît elle est enceinte (grossesse pas forcément encore visible) de quelques mois, mais qu’importe elle joue le jeu. Elle les fait patienter, prévient les autres, et les autres arrivent. Ils sont 4 à s’approcher, d’autres jeunes restent « un peu plus à distance », expose la présidente Catala. 

Roué de coups et dépouillé de sa sacoche, de sa ceinture, de ses chaussures

La jeune fille avait reçu les 400 euros, elle part avec. Un des gosses braque celui qui dès cet instant est devenu victime, avec une arme de poing. C’est un pistolet à billes et le jeune homme venu de Mâcon s’en aperçoit, il ne se démonte donc pas complètement, il est en revanche roué de coups et dépouillé de sa sacoche, de sa ceinture, de ses chaussures. On le laisse pieds nus dans la rue. Il aura 4 jours d’ITT. Son pote s’était enfui, s’était perdu dans Lux, sans téléphone avec lui. Il a croisé des gendarmes qui lui ont permis de retrouver sa voiture, de récupérer son copain : l’agression était connue des forces de l’ordre, il a fallu aller au bout, et c’est tant mieux : il était temps que ça cesse.

Les choses ont fini par bouger au sein du foyer

Cela dit, personne ne s’est dénoncé. C’est pourquoi les interpellations n’ont eu lieu que le 13 avril. Les choses ont fini par bouger au sein du foyer d’abord parce qu’un des jeunes s’est fait remarquer avec des « Nike Air Max » aux pieds (celles de la victime), ensuite parce qu’un autre s’est ouvert de leur manège à une éducatrice : il a trouvé à « gagner » (sic) de l’argent facilement avec d’autres, via un compte Snapchat, etc. Il donne les identités des autres en question, ils sont tous arrêtés, pour avoir commis des vols en réunion avec violence, et avec des armes (pistolet à billes, bombe lacrymogène et un poing américain).  C’est ainsi que se nomme la combine : vol, en réunion, avec violence. Dans leurs bouches c’était du racket, un juge fait remarquer que le racket suppose une contrainte, comme quoi les mots sont importants. Autant dire que c’est très grave.

« J’ai cru que j’allais clamser. Ils étaient trois sur moi »

A l’audience de ce jeudi 15 avril, un des gosses est dans le box, sous escorte de l’ARPEJ (pénitentiaire). Ce n’est pas lui qui avait créé le compte Snapchat, ce n’est pas lui qui a donné le rendez-vous, ce 23 mars en soirée, mais il a participé et il est majeur, lui. Du haut de ses 18 ans et 5 ans, il est jugé selon la procédure de comparution immédiate. Tous les autres passeront au tribunal pour enfant. Il est poursuivi pour vol avec violence. Il a passé son pistolet à billes aux autres, il avait pris sa bombe lacrymogène avec lui, et un poing américain (qui n’a pas servi). Il dit qu’il voulait « protéger les autres », et tout particulièrement la jeune fille.
« C’était vachement chaud. J’ai cru que j’allais clamser. Ils étaient trois sur moi, dit la victime à la barre, pourtant ils avaient déjà l’argent (les 400 euros) quand ils m’ont attaqués. » Sur Snapchat il avait bien dit que « si on voulait la lui faire à l’envers », il « mettrait une balle » à quelqu’un. « Pour dissuader. » ...

« Parce que c’était dangereux pour vos amis qu’ils tendent un piège à quelqu’un, vous les avez armés? »

Maître Delahaut plaide que son jeune client n’avait pas activement fomenté le mauvais coup du 23 mars. Il est en apprentissage en alternance, il travaillait ce jour-là. Ça n’est que le soir, après le dîner, que dans la chambre d l’un d’eux il a appris que... « Je ne savais pas à qui ils avaient donné rendez-vous, donc ça pouvait être dangereux. » La présidente reformule, et dit ainsi, ça a une autre allure : « Donc, parce que c’était dangereux pour vos amis qu’ils tendent un piège à quelqu’un, pour le voler, vous avez armés vos amis. » ... Le jeune majeur est resté en retrait, il dit qu’il a « stressé », du coup il a usé de sa gazeuse, il a surtout gazé ses copains car la victime a souffert des coups mais pas du gaz. Sur la répartition du butin, il dit qu’il n’a rien voulu, un copain dit autre chose dans son audition, le prévenu précise à l’audience avoir seulement emprunté un peu de cet argent dans les jours suivants, mais « je l’ai rendu ». 

Le prévenu.

Majeur depuis fin octobre, toujours dans ce foyer car bénéficie de l’accueil provisoire pour jeune majeur jusqu’à la fin de son apprentissage. Fut placé à l’âge de 3 ans en famille d’accueil jusqu’à ses 7 ans, puis vit avec son père, puis en foyer éducatif de l’ASE (aide sociale à l’enfance, dont les départements ont la charge). Il n’avait plus de nouvelles de sa mère, il en a à nouveau depuis que son beau-père est incarcéré. Il est au foyer de Lux depuis 3-4 ans dit-il, avec une interruption d’un an pour « un séjour de rupture » (sic) au Sénégal. Séjour réservé à ceux qui commettent des actes délinquants, disent les magistrats. « C’est surtout parce que j’étais déscolarisé, dit le prévenu. Je n’allais plus à l’école. » Il suit une formation diplômante, c’est sa dernière année.

Il ne pouvait pas être dans l’ignorance de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas

« Monsieur X a fait son choix. Il sait très bien à quoi il a participé. » Aline Saenz-Cobo, vice-procureur, pense que le garçon a versé « quelques larmes de crocodile » au cours de la procédure, mais qu’avec une telle expérience des gardes à vue et des rappels à la loi (au cours de sa minorité), il ne pouvait pas être dans l’ignorance de ce qui est permis, et de ce qui ne l’est pas. « On n’a pas pu infléchir la nature délinquante de monsieur. » Elle requiert une peine d’un an de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, parmi les interdictions, celle d’être en contact avec les co-auteurs (« Ben, tant pis, il partira du foyer. »). Elle demande qu’il soit maintenu en détention. La plaidoirie de maître Delahaut vient replacer le jeune homme dans la perspective de sa fin de formation professionnelle, et dans la relative modestie de sa participation, puisqu’il a suivi et non mené.

Une peine lourde* mais qui préserve l’avenir proche

Le tribunal déclare le jeune garçon coupable de ce qu’on lui reproche et le condamne à une peine d’un an de prison intégralement assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligation de travailler et d’indemniser la victime, interdiction de contact avec elle, et de détenir une arme pendant 5 ans.
Pas d’interdiction de contact avec les co-auteurs : le tribunal ne grève pas ses chances de réussir son diplôme, et ne l’éloigne pas du couple qui s’est attaché à lui et a le droit de le recevoir lors des vacances et des week-ends.

Florence Saint-Arroman

Maître Duquennoy représentait le jeune homme victime de cette petite bande : il sera indemnisé pour son préjudice matériel et les souffrances endurées, par les auteurs.

*Souvent on entend que si les gens ne sont pas incarcérés, alors c’est qu’ils ne sont pas sanctionnés pour leurs actes. C’est méconnaître d’abord l’échelle des peines, et ensuite c’est ignorer à quel point le système pénal est coercitif. Ce qui est imposé à ce jeune homme, c’est une gangue : soit il se saisit du suivi judiciaire correctement (réussir son diplôme, trouver du travail, se loger), soit il fait n’importe quoi et alors le sursis se retournera contre lui. La justice a le temps pour elle, le garçon, lui, est sur le seuil de son entrée dans une vie émancipée, autant qu’il la réussisse, pour son bien et celui de la société entière.