A lire

«Dernière récréation» ou les chroniques d'une institutrice San-rémoise à la retraite

«Dernière récréation» ou les chroniques d'une institutrice San-rémoise à la retraite

Appréciée pour ses romans en lien avec la Shoah, Marie Theulot est aussi une enseignante retraitée de l'Education nationale. Elle est régulièrement sollicitée pour des conférences dans des écoles, collèges, associations et églises. Avec «Dernière récréation» , elle puise dans ses propres souvenirs. Plus de détails avec Info Chalon.

Après une carrière de 35 ans dans l'Éducation nationale, Marie Theulot, fille et petite-fille de Justes, a décidé d'apporter sa pierre à l'œuvre collective de mémoire et de témoigner sur les Justes en faisant des interventions dans les écoles, les collèges et les lycées et des conférences à l'invitation d'associations.


Aucune raison de passer sous silence leur noble attitude!


Son père, Jacques Vigoureux, alors âgé de 16 ans, et son grand-père, Georges Vigoureux, alors commissaire de police à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), en les prévenant de leur arrestation imminente, ont en effet sauvé, en 1943 et début 1944, des dizaines de Juifs, réfugiés au pied des Pyrénées et qui tentaient de fuir en Espagne.


Le 22 juillet 2012, elle est intervenue à la cérémonie célébrant le 70ème anniversaire de la Rafle du Vel d'Hiv'.


Elle est déjà auteur de trois ouvrages, «Le plongeon interdit : Stuttgart 1938», préfacé par Simone Veil et sorti en 2009, «Quais d'exil : Vienne-Colchester 1939», préfacé par Marek Halter et sorti en 2012, et «Sales baraques. Gurs, un camp français 1940-1942» (2015), tous les trois publiés chez Ourania, une maison d'éditions helvète qui s'intéresse, comme son nom l'indique, aux «choses célestes».


Dernièrement, cette San-rémoise de 71 ans s'est vue proposer d'écrire une nouvelle sur un sujet libre par la rédactrice en chef de Christianisme Aujourd'hui, un magazine chrétien protestant distribué en France et en Suisse.


«J'ai tout naturellement pensé à mes souvenirs d'institutrice», nous explique la romancière.


«Mais c'est la première fois que j'écrivais une nouvelle», indique cette dernière.


Intitulée «Dernière récréation», ce sont tous les souvenirs de Marie derrière le personnage de fiction qu'est Clémence, témoin privilégié du devenir de ces milliers de futurs adultes.


«Je fais dire à Clémence, tout ce que j'ai retenu comme souvenirs dans ma carrière. Je dois vous avouer qu'écrire une nouvelle, ça m'a frustrée car je me suis rendu compte que j'avais encore beaucoup de choses à dire. Après mes trois romans que l'on peut qualifiés de trilogie, j'ai voulu changer avec cette nouvelle. C'est très court une nouvelle!», précise-t-elle.


Dans cette nouvelle, Marie Theulot évoque la laïcité, «un sujet brûlant en ce moment mais comment (elle) l'a vécue» mais aussi les rapports à la mort, à la diversité, l'identité, aux parents ou au regard des autres.


Pour elle, s'il y a un dénominateur commun à cette myriade d'enfants, «c'est qu'ils sont très demandeurs de connaître l'Autre et de voir ce qui se passe ailleurs».


«Dans une classe, vous avez tous les visages de la diversité et plusieurs sensibilités donc on peut être dans la laïcité et non pas dans la pensée unique!», s'exclame cette aimable septuagénaire.


Laïcité, le mot est lâché! À l'aune des débats sur le sujet, la conférencière propose une ligne de crête sensible et pleine d'amour «que ne renierait pas le géographe Élisée Reclus cité en préface», dira à ce propos David Métreau, journaliste pour le magazine Christianisme Aujourd'hui.


S'adressant à une jeune enseignante lui demandant conseil (en 1881), il lui avait écrit : «La théorie de la marche, c'est de marcher. La théorie de la bonté, c'est d'être bon. Et vous comment leur enseignerez-vous qu'il faut passer sa vie à aimer? Aimer-les».


Et, ça, aimer les enfants, Marie Theulot n'a pas eu besoin d'Élisée Reclus pour l'appliquer!


«Moi je suis dans la transmission. Je suis là pour instruire mais aussi pour étudier avec beaucoup d'amour. Si tu n'aimes pas les enfants, il ne faut pas faire ce métier», précise-t-elle.


Selon la romancière, qui a couché ses souvenirs d'institutrice dans le but de s'exprimer sur la laïcité «loin des polémiques stériles», il faut «absolument» introduire le dialogue à l'école, dès le plus jeune âge de l'élève «tout en respectant les lois».


Étant la mieux placée pour en parler, voici comment cette dernière résume «Dernière récréation», paru le 9 avril :


«C'est une institutrice qui part en retraite qui, le dernier jour de classe, est dans le couloir. C'est là qu'elle se rend compte qu'elle a travaillé avec plus d'un millier d'enfants. C'est comme s'ils revenaient tous et les souvenirs les plus marquants se bousculent un peu dans sa tête».


Un sentiment résumé en «le blues de l'instit'» par Gabrielle Cadier-Rey dans sa préface.


Empreint de nostalgie, le livre est parfois léger, parfois triste et regorge de leçons de vie. «Il y a aussi les enfants qui viennent avec ce qu'ils sont, les rapports qu'ils ont avec leurs parents».


Et dans tout ça, il y a «la maîtresse» qui écoute et se doit d'écouter.


Pour l'auteur, ce n'est pas Clémence, son double fictif qui est le personnage principal mais bien les enfants.


Ainsi, c'est (presque) 35 années au service de l'Éducation nationale mais surtout des enfants qui sont condensés dans les quatorze chapitres du livre que vous lirez d'une traite.


Si Marie a un conseil à donner aux futur(e)s institutrices et instituteurs, ce serait celui-là : «C'est de prendre l'enfant tel qu'il est, dans sa globalité, ne pas penser qu'ils sont là QUE pour instruire. S'ils ne sont pas prêts à cela, il ne faut pas faire ce métier. Ils ne sont pas les substituts des parents mais il faut être présent et être à l'écoute des besoins. Car, parfois, ce sont des enfants cabossés qui nous viennent. Il faut consacrer une partie de leur temps à les écouter».


Mais attention, les quatorze chapitres de «Dernière récréation» ne peuvent à eux-seuls résumer l'ensemble des anecdotes qui remontent à la mémoire de l'auteur qui «en a encore beaucoup sous le capot». D'où la frustration de la romancière San-rémoise!


Une véritable invitation à la réfléxion en ces temps troublés.

 

Marie Theulot, «Dernière récréation», éditions Ourania, 132 p., 8,90 €. Disponible dans de nombreux sites en ligne et en rayon à Chalon-sur-Saône chez Develay et La Mandragore.

 

 

Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati