Faits divers

L'Aide à domicile reconnue coupable dans l'incendie de l'appartement de la rue d'Autun à Chalon sur Saône

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 30 Novembre 2021 à 16h46

L'Aide à domicile reconnue coupable dans l'incendie de l'appartement de la rue d'Autun à Chalon sur Saône

Elle a reconnu : « C’est de l’imprudence, en effet. » Elle, c’est l’aide à domicile qui aidait, en janvier 2016, un homme lourdement handicapé, mort dans l’incendie de l’appartement qu’il louait, au 24 rue d’Autun à Chalon sur Saône.

« Imprudence »... Maître Grenier-Guignard, qui intervient pour la veuve de monsieur Coulon, trouve le mot bien faible. « Elle est inconsciente. Elle buvait, elle ne respectait pas les horaires. Comment dire qu’elle mériterait des excuses ? Une aide à domicile n’a pas le droit de consommer de l’alcool pendant son travail. Ce soir-là, elle s’est endormie, c’est tout. Et monsieur Coulon est mort en souffrant le martyr. »

Prévenue absente, adresse inconnue

La prévenue n’est pas comparante. Elle a été citée à comparaître à sa dernière adresse connue, or elle a déménagé, n’a pas informé le tribunal, ni son avocate, de sa nouvelle adresse, elle n’est donc pas représentée. Ce mardi 30 novembre au tribunal correctionnel, cinq personnes sont dans le public. Sur la chaise des victimes, la veuve. Son avocate parle de son sentiment d’amertume : elle redoutait de voir enfin qui est cette femme dont la négligence a permis l’incendie qui a coûté la vie à son mari, mais elle l’espérait. Or celle-ci, placée sous contrôle judiciaire et tenue de pointer au commissariat, avait cessé d’aller pointer. Personne ne sait où elle se trouve, ça la fiche plutôt mal.

Les flammes grimpent jusqu’au plafond

Quand un premier équipage de police arrive sur les lieux, le 21 janvier 2016, il est un peu plus de 23 heures. L’aide à domicile est sur le trottoir, en pyjama et en pleurs. Un habitant indique aux policiers qu’une personne handicapée n’est pas sortie de l’immeuble. Son appartement est au rez-de-chaussée, et donne sur cour, mais les flammes grimpent jusqu’au plafond, la fumée est forte, les policiers ne peuvent pas entrer, l’un d’eux est d’ailleurs intoxiqué. Ce n’est pas le cas de l’aide à domicile, dont le taux de CO2 est normal, mais elle n’est pas accusée de non-assistance à personne en danger, elle est poursuivie pour homicide involontaire commis dans la nuit du 21 au 22 janvier 2016. Les sapeurs-pompiers, une fois l’incendie maîtrisé, découvrent le corps calciné du malheureux. 

Un fumeur paralysé et un porte cigarette

L’ergothérapeute de la victime lui avait fabriqué un porte-cigarette car il pouvait encore bouger un peu son bras gauche. Pour le reste il n’avait aucune mobilité. Il pouvait introduire ses doigts dans des anneaux fixés au tube, et il pouvait ainsi porter la cigarette à sa bouche. Un petit bol servait de cendrier, posé sur la tablette de son lit médicalisé. Les professionnels qui intervenaient chez lui ont tous été interrogés au cours de l’enquête. La majorité d’entre eux ne le laissait pas seul lorsqu’il fumait, veillant ainsi à ce que le mégot soit bien éteint, ce qui pouvait d’ailleurs l’agacer. Deux professionnels prenaient le risque de le laisser se débrouiller. La prévenue était l’un d’eux. 

Un « contexte de détresse qui a favorisé les faits »

Une femme née en 82, au parcours de vie lourd dans l’enfance. La dernière structure qui l’employait ne l’avait pas gardée parce qu’elle n’était pas réglo sur les horaires. La victime l’avait alors engagée directement, il avait besoin d’assistance H24. Elle traversait alors une période difficile, se séparait du père de sa fille, elle allait mal. L’expert psychiatre qui l’a rencontrée parle d’un « contexte de détresse qui a favorisé les faits ». Il dit qu’elle a beaucoup de culpabilité. Il conclut à une altération de son discernement au moment des faits. 

L’alarme du détecteur de fumée ne s’est pas déclenchée

Cette nuit-là, la prévenue dormait au domicile de monsieur Coulon. L’alarme du détecteur de fumée ne s’est pas déclenchée, mais la force de l’incendie a réveillé la femme. D’abord entendue comme témoin, elle est mise en examen longtemps après les faits, en 2018. Maître Grenier-Guignard prend longuement la parole, elle réhabilite quelque chose de l’histoire du couple que la victime formait avec une amie d’enfance retrouvée, devenue son épouse. Le couple était parti s’installer en Espagne, où il pouvait vivre une vie plus agréable qu’ici, mais monsieur était revenu provisoirement à Chalon pour y recevoir des soins. Chaque jour, ils communiquaient par visio. Les travaux de la maison espagnole étaient achevés, vivement qu’il puisse y retourner, c’est pour bientôt. 

Mais cette nuit-là…

Plusieurs témoins ont dit que la prévenue buvait, mais personne ne l’avait dit à la femme de monsieur. Celle-ci a souffert de ne pas être prévenue immédiatement du drame. Il a fallu quelques jours, et que ce fait divers (divers pour tout le monde mais pas pour elle) fasse « la Une des journaux », pour qu’elle soit mise au courant. Toute leur vie était organisée en fonction du handicap de son conjoint, tout était pensé pour lui permettre de profiter au mieux de l’existence. Mais cette nuit-là, « l’auxiliaire de vie est partie se coucher sans vérifier au préalable que la cigarette était éteinte », résume Anne-Lise Peron, substitut du procureur.

« Elle connaissait bien le risque. Et lui, n’avait aucune mobilité »

« Elle a pris un risque mortel », insiste la substitut, qui revient sur le professionnalisme de la prévenue, déjà remis en cause par les employeurs précédents. « Elle connaissait bien le risque. Et lui, n’avait aucune mobilité. » Quelle peine pour la mort d’un homme ? demande Anne-Lise Peron.  Question certes sans réponse possible, sauf à border le cadre pénal : un casier vierge, une altération du discernement, un homicide involontaire car nul ne pense que la prévenue ait eu l’intention de tuer cet homme, même si l’épouse de la victime lui en veut de ne pas l’avoir contactée, et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Question sans réponse vu l’absence de la prévenue. La procureur requiert une peine de 2 ans de prison assortis d’un sursis simple et 5 ans d’interdiction de tout travail en lien avec l’aide à domicile.

Voilà. La victime était devenue tétraplégique suite à un accident du travail, en 2006. Une chute d’un point haut qui avait fracturé sa colonne vertébrale. Il avait éteint lui-même plusieurs cigarettes grâce à la mobilité résiduelle de son bras gauche, mais ce soir-là il a échoué.

2 ans de prison avec sursis simple et 5 ans d’interdiction professionnelle

Le tribunal déclare la prévenue coupable, retient l’altération du discernement et la gravité des faits tout à la fois. La condamne à une peine de 2 ans de prison avec sursis simple. Prononce, en peine complémentaire, une interdiction d’exercer toute activité en lien avec l’aide à domicile pendant 5 ans. Elle devra indemniser l’épouse de monsieur Coulon. 
La présidente Catala explique à la partie civile que la peine maximum encourue est de 3 ans de prison, que le tribunal a retenu l’altération du discernement, mais qu’il est bien conscient que « la peine prononcée ne ramènera pas votre mari ».