Faits divers

Il sort de prison le 13, il y retourne le 25

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 26 Juillet 2022 à 17h07

Il sort de prison le 13, il y retourne le 25

Ah les trépidations de la machine ! Il avait enfourché son engin, sans casque, sans gants, sans assurance, chargé d’1,44 gramme d’alcool par litre de sang.

Il a quelques problèmes d’audition. Bah, à son âge, ça arrive. Il est né en 1958 à Saint-Rémy, il vit à Verdun sur le Doubs. Ce dimanche 24 juillet, il a confectionné son gramme et demi d’alcool par litre de sang, d’abord avec de « gros Ricard », puis quelques Picon-bières à Chalon dans la Rue, histoire de border ce gramme d’un caramel léger. En fin de journée, il veut récupérer son scooter, à Alleriot. Il dit l’avoir acheté au fils de sa compagne, lequel le réparerait depuis deux ans, faut pas chercher à comprendre. L’ambiance se tend, mais le fils lui démarre le cyclo, et hop le grand-père chevauche, voum-voum-voum-voum, « y avait une fumée ! Il ne marche pas, ce cyclo. » Les autres alertent les gendarmes.

Le casque et les gants ? « Ils sont chez moi »

Pas d’assurance, les assureurs le recalent, on veut qu’il passe le code. « J’ai eu mon permis en 1977, alors... » Bref, le Covid, des soucis, tout ça quoi, c’est « compliqué », alors il n’a pas eu le temps de se mettre en conformité. Faut dire qu’il sortait tout juste de prison. Le casque et les gants ? « Ils sont chez moi, à Verdun. J’ai demandé à madame, elle m’a dit `tu te démerdes’. » Ce n’était pas prévu non plus qu’il récupère le cyclo ce soir-là. « Non, c’était pas prévu. »

Il est « sorti de prison le 13 juillet »

Visiblement il n’était pas prévu non plus que ce monsieur soit jugé à cette audience des comparutions immédiates, ce lundi 25 juillet. Il a été présenté à 13 heures au procureur de la République pour filer en salle d’audience. Bref, le président Madignier suspend l'audience car on ne trouve pas le dossier. Autant il pouvait commencer l’audience avec les procès-verbaux que madame le greffier lui a transmis, autant il a besoin du dossier pour aborder le volet dit de « personnalité ». A 15h50, l’audience reprend. Le prévenu, bien connu des gendarmes, a 7 mentions à son casier. On ne comprend pas tout, mais il est « sorti de prison le 13 juillet », clarifie Marie-Lucie Hooker, substitut du procureur. 

« Je sais et je reconnais que j’ai un problème avec l’alcool »

Vieux problème d’alcool, comportement délictueux. « Je sais et je reconnais que j’ai un problème avec l’alcool, et j’ai un rendez-vous pour ça. Il faudrait une cure. » Ben pourquoi vous ne l’avez pas faite, demande le président ? « J’étais en prison ! » Mais après ? demande le président. « J’ai pas eu le temps ! Je suis sorti, je me retrouve ici. » C’est quand même embêtant, observe non sans pertinence le juge. Au fait, pourquoi il n’a pas pris un vélo pour circuler ? « Je l’avais cadenassé devant l’hôpital, on me l’a volé. » Sans compter que rouler bourré sur un bicycle, c’est un bon moyen d’être tué sur la route, nous semble-t-il.

Le sens des peines, le sens de l’incarcération,

Tout ça irrite le parquet, forcément. « Monsieur n’a pas perdu de temps pour commettre de nouveaux délits, ce qui interroge sur le sens des peines pour lui, le sens de l’incarcération, également. » Incarcéré en novembre 2021, il bénéficie du régime de semi-liberté le 22 mai, mais il rentre ivre un soir et dès le 30 mai il revient au régime carcéral antérieur. Libéré le 13 de ce mois, il est interpellé le 24. La procureur requiert une peine de 8 mois de prison avec maintien en détention et la révocation de deux sursis probatoire encore en cours soit deux fois 6 mois. Elle demande l’interdiction de conduire tout véhicule terrestre à moteur pendant deux ans.

« Il lui faudrait une cure tout de suite en sortant d’ici »

« Monsieur, on l’a dit, souffre d’un très gros problème d’alcool. Le 24 il était véhiculé par sa compagne, mais il a fait une fixation sur ce scooter. Rien ne justifiait ce comportement. » Maître Duquennoy s’inscrit en faux contre les réquisitions : autant de prison et rien derrière, ça ne va pas, « ça n’a, à mon sens, aucune utilité ». « Il lui faudrait une cure tout de suite en sortant d’ici. » Car, à chaque fois, il faut attendre que les rendez-vous arrivent et dans l’intervalle, il boit. 

14 mois de prison ferme

Le délibéré est long. A 17h05, le tribunal déclare l’impénitent coupable, le condamne à la peine de 14 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans. Obligations de soins en addictologie, de suivre, à ses frais, un stage de sécurité routière. Le tribunal décerne mandat de dépôt pour les 2 mois ferme, et révoque les deux sursis antérieurs, soit deux fois 6 mois, soit 12 mois avec incarcération immédiate. Interdiction de conduire tout véhicule terrestre à moteur pendant 2 ans.
Foin de toute trépidation, il va être incarcéré. A-t-il des pensées suicidaires ? « Fut un temps… Fut un temps, mais ça fait loin. »