Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Des drames familiaux en cascade

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 13 Septembre 2022 à 06h39

TRIBUNAL DE CHALON - Des drames familiaux en cascade

Le 27 mai dernier, une femme se présente au commissariat de Chalon. La veille, son conjoint est rentré à 5 heures du matin, alcoolisé et la menaçant avec un couteau. Ils sont en couple depuis 18 ans.

18 ans, c’est déjà une paille. Ils ont eu deux enfants. Au début ça allait bien, mais depuis environ dix ans selon la victime, ça ne va plus. Insultes, bousculades, puis des coups, et ce 27 mai elle a dit stop, et elle a dit qu’elle le quittait. Il est âgé de 39 ans, il se tient à la barre, ce lundi 12 septembre, pas flambard, non.

« Elle disait que j’avais de l’énervement en moi »

Le président : Qu’avez-vous à dire sur les faits du 26 mai ?
Le prévenu : J’étais bien alcoolisé, elle m’a reproché que j’avais été voir ailleurs, ça m’a mis hors de moi parce que c’était pas le cas.
Président : Ça s’est dégradé comment ?
Prévenu : Y avait déjà eu des insultes, à la bousculer, mais y avait pas eu de coups de pied, de poing.
Président : Et qu’est-ce qui fait qu’on passe d’une vie qui pourrait aller bien, à cette bascule ?
Prévenu : Ça fait 3 mois et demi qu’on est séparés. Elle disait que j’avais de l’énervement en moi, et c’est vrai. 
Président : Je reformule ma question. Comment on passe d’un couple qui va bien à un couple qui dysfonctionne complètement ?
Prévenu : Après, moi, j’ai perdu mon frère en 2003 (le prévenu avait 20 ans, ndla), suite à un meurtre. Après j’ai perdu mon père en 2012, il s’est suicidé. »

Il voit enfin une psychologue

Il ne voulait pas entendre parler de voir un psy. « J’avais peur d’y aller. La peur de me faire formater, en quelque sorte. » Mais là, placé sous contrôle judiciaire depuis les faits, avec l’interdiction de contact avec la victime, il y est allé et puis il dit ne plus toucher à l’alcool. Et, ce 12 septembre à l’audience des comparutions immédiates, il demande à poursuivre un travail de thérapie. Toute sa colère, ou ses colères, toutes ses douleurs, aussi, le réclament enfin. 

« Il s’endormait d’épuisement après chaque crise »

Cet homme répond volontiers au juge, mais avec toujours comme une hésitation au moment de prendre la parole, timide, stressé. Il dit qu’il voudrait bien reprendre la vie en commun, « mais pas pour l’instant, parce que je ne me vois pas arriver avec un bouquet de fleurs et puis voilà ». La victime ne se constitue pas partie civile. Le prévenu voit ses enfants de temps à autre et semble soucieux de pouvoir continuer à s’occuper d’eux. 
Il frappait à chaque fois qu’il était sous l’empire de l’alcool (circonstance aggravante devant un tribunal), madame décrit une sorte de routine dont l’intensité croissait, des coups sur le corps, essentiellement. « Cet engrenage qu’elle décrit, vous vous en êtes rendu compte ? - C’est vraiment, on est arrivés vers la fin à ne plus se parler, à s’éviter. - Ah oui, c’était bien avancé, comme situation dégradée. » La victime pense que son conjoint était « dans le déni », « car il s’endormait d’épuisement après chaque crise ». 

« C’est inacceptable »

« Madame est rouée de coups de pied et de coups de poing, et ça, c’est inacceptable », reprend Alexandre Marey, substitut du procureur. Cela dit, « madame a toujours reconnu les faits, et les assume. Son casier est vierge, il est inséré professionnellement, son contrôle judiciaire s’est bien passé et il s’en est saisi pour voir une psychologue et des médecins pour traiter son alcoolisme. Mais il m’apparaît nécessaire que monsieur cesse de fréquenter madame, et on doit s’assurer que les démarches de monsieur persistent dans le temps. » 
En ce sens, le procureur requiert une peine de 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire avec l’interdiction de contact et de paraître au domicile de la victime. 
Maître Leplomb plaide contre cette interdiction de paraître au domicile : « Madame travaille parfois tard le soir et monsieur aura des navettes à faire pour les enfants. » Elle dit que le prévenu a pu réfléchir aux causes de son alcoolisme, « des drames familiaux », et ajoute : « Ses deux parents étaient alcooliques. »

En sursis probatoire pendant 2 ans

Le tribunal déclare l’homme coupable et le condamne à la peine de 6 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, ordonne l’exécution provisoire, cela signifie que les mesures qui suivent s’appliquent dès cet instant : obligation de travailler, de suivre des soins en addictologie et psychologiques ; interdiction de tout contact et de paraître au domicile de la victime. Le président précise que le juge de l’application des peines peut lever l’interdiction de contact et de paraître, si monsieur en fait la demande et sous réserve que madame soit d’accord, plus tard.

FSA