Des terres chalonnaises aux paysages tahitiens, interview d’une expatriée…

Des terres chalonnaises aux paysages tahitiens, interview d’une expatriée…

Alors que la Foire du Grand Chalon mettant à l’honneur la Polynésie va bientôt ouvrir ses portes, Info-Chalon a donné la parole à Séverine Tailhandier Barbero établie depuis 2 ans à Papeete.

Après avoir vécu et travaillé à Chalon-sur-Saône pendant de nombreuses années puis avoir posé ses valises à Tournus, Séverine Tailhandier Barbero s’installe en Polynésie en 2021 avec son conjoint et leur fille de 4 ans au moment du départ. Formatrice académique, enseignante en lettres modernes, elle est actuellement en poste dans un petit village au sud de Tahiti qui se nomme Papara.

Interview : 

Qu’est-ce qui vous a décidé à partir ? 

Enseignante et formatrice,  j’ai eu envie d’aller à la rencontre de nouveaux objectifs pédagogiques. En tant que formatrice, j’ai plusieurs missions pour accompagner les enseignants, c’est une chance car cela me permet de rencontrer un grand nombre de collègues de l’ensemble du territoire. La formation et l’enseignement m’ont très vite permis de mieux cerner certains des enjeux scolaires du territoire polynésien, ceux-ci n’étant pas toujours les mêmes qu’en métropole : la question du plurilinguisme par exemple est très présente, le tahitien est une langue très présente, vivante, tant dans la littérature que dans le langage quotidien (maison, commerce, topographie..). « Ia ora na, maururu, fenua, uru » sont des termes que vous entendrez ou lirez dès les premières heures passées ici ! C’est une langue vivante qui s’enseigne à l’école, dont on découvre aussi la richesse littéraire, culturelle, mais qu’il s’agit de distinguer du français, afin de ne pas mélanger les deux langues à l’oral ou à l’écrit, dans l’apprentissage de la langue.

Notre motivation était aussi personnelle : nous avions envie de découvrir la vie de ce territoire grand comme l’Europe et pourtant peu connu ou parfois peu évoqué dans les médias, et de la faire découvrir à notre fille ; découvrir de nouveaux horizons géographiques, culturels. Notre fille fait aujourd’hui de la danse polynésienne, elle participe au Heiva, un grand moment dans l’année de la Polynésie ; ce temps, dès le mois de juin, est ponctué de prestations et concours de danses polynésiennes riches en histoire, en costumes, en chants et danses et proposés par des dizaines de troupes de toute la Polynésie. Elle a aussi découvert une nature unique et encore préservée ; la découverte de l’île proche de Moorea lui a par exemple permis de nager au milieu de raies, requins et tortues. A l'école, elle découvre une littérature polynésienne riche et vivante avec notamment nombre de dieux, mythes et légendes. C’est donc une aventure à la fois culturelle mais aussi humaine. La Polynésie compte plusieurs archipels, tous différents dans leur paysage, leur faune aquatique, leur artisanat ; chacun est un microcosme, riche et précieux, et dans chacun, vous trouverez des habitants ouverts et désireux de vous faire découvrir leur Polynésie.

En quoi est-ce différent d’ici ? Qu’ est-ce qui vous a le plus surpris ?

Plusieurs choses ! Nous nous trouvons quasiment aux antipodes, donc tout est différent. Je dirais qu’il faut apprendre à s’acclimater au sens premier du terme. Les saisons ne sont pas les mêmes : l’hiver métropolitain correspond à l’été, il peut faire très chaud, alors que l’hiver se situe vers juillet août. Certains arbres perdront leurs feuilles, mais la végétation restera toujours assez luxuriante. Les journées sont toujours assez courtes, le soleil se lève vers 6 heures et se couche vers 18h : il faut s’adapter à ce rythme ! Les cours débutent ainsi à 7h, les magasins ferment vers 16h… C’est une façon de vivre qui suit le rythme de la nature. D’une manière générale, c’est vrai que beaucoup de choses sont très liées à la nature : les fleurs de tiaré et de frangipaniers sont présentes presque toute l’année, comme beaucoup de fruits tels que les ananas ou les mangues, les bananes. En ce moment, c’est la période des baleines à bosse que nous voyons très fréquemment près des côtes ! Enfin, il ne faut pas croire que la Polynésie, ce ne sont que plages à perte de vue : la montagne est bien présente, luxuriante mais encore très sauvage !

Qu’ est-ce qui vous manque le plus ?

Certes, les proches nous manquent au quotidien, les réseaux sociaux sont en cela une aide et nous permettent de garder un contact avec chacun. L’aventure ne devait pas être la même avant cela, et je ne l’aurais vécue de la même manière ! Il faut simplement trouver les bons horaires, 12 heures de décalage ne facilitant pas toujours les choses : quand il est 7h à Tahiti, il est déjà 19h en métropole ! Je dirais qu’en bonne lyonnaise et bourguignonne d’adoption, la bonne chère me manque parfois ! Certes, fruits exotiques et thon sont ici à profusion et délicieux, mais les produits du terroir métropolitain sont ici moins disponibles, voire souvent introuvables, ou à des prix exorbitants ! Ne vous attendez pas à trouver une bouteille de bourgogne à moins de trois fois son poids minimum en métropole ! Les prix de l’alimentaire sont d’une manière générale assez élevés, plus encore lorsqu’ils viennent de métropole, ce qui se comprend évidemment. Nous nous rattrapons donc lorsque nous rentrons, par de bons repas en famille et avec nos amis !

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent aller vivre en Polynésie ?

Les conseils à donner diffèrent selon l’objectif de ce séjour. Sachez tout d’abord que venir est en soi toute une aventure ! Avec une escale aux Etats-Unis, comptez environ 24h de vol minimum pour arriver ! Si l’on décide de venir vivre en Polynésie, il faut bien comprendre que la Polynésie est plurielle, et que la vie à Tahiti ne sera pas la même qu’aux Marquises ou aux Australes : les cultures, les moyens de circulation, les espaces sont très différents et impliquant des adaptations très différentes. La Polynésie est un pays d’outre-mer : elle a sa monnaie, un président du pays, des ministres, et une administration en partie indépendante. Comme pour n’importe quelle aventure de vie, il faut savoir s’acclimater et être ouvert à toutes sortes de différences et de nouveautés. Je dirais aussi qu’il ne faut pas partir pour la « carte postale » polynésienne : tout paradis se construit en partie, il n’y a d’endroit où vivre heureux que là où l’on construit ce bonheur,  par l’échange, son envie d’apprendre de l’autre et avec l’autre. Ce départ doit être un partage, à la fois familial, et avec les personnes que vous allez rencontrer, polynésiens comme expatriés d’ailleurs.

SBR - Photo transmise par Séverine Tailhandier Barbero pour publication.