Chalon sur Saône

Attention, « Petite tique, grosse maladie ! »

Attention, « Petite tique, grosse maladie ! »

Info-Chalon a échangé avec Annie Okrzesik, Présidente de la section Bourgogne qui siège à Chalon-sur-Saône de l'Association France Lyme. Témoignage sur le parcours difficile des malades de Lyme...

Chalonnaise d'adoption, professeure d'anglais, Annie Okrzesik, la soixantaine, sévèrement touchée par la maladie de Lyme, gère depuis quelques années maintenant avec l'aide de bénévoles la section Bourgogne qu'elle a créée de l'Association France Lyme.

Interview : 

Quand la section Bourgogne de l'Association France Lyme, association de lutte contre les maladies vectorielles à tiques, a-t-elle été créée ?

J'ai créé la section Bourgogne en 2014 afin de pouvoir faire de la prévention contre les maladies à tiques, après avoir souffert le martyre pendant de nombreuses années, et pour informer le public de la dangerosité d'une piqûre de tique qu'il ne faut jamais prendre à la légère puisque de nombreuses personnes ne développent pas d'érythème migrant et ne savent pas qu'elles sont infectées ; néanmoins les symptômes se développent petit à petit lors d'un effondrement du système immunitaire dans la majorité des cas. Je me suis dit que je ne voulais surtout pas que les autres vivent le calvaire que j'ai vécu et que je vis encore par moments puisque ma maladie est chronique. Je pense que dorénavant, vu les souffrances des personnes qui ont un covid long, il est fort possible que les maladies à tiques soient mieux comprises.

Combien de membres regroupe la section Bourgogne ?

La section Bourgogne aide énormément de malades, malheureusement peu adhérents à l'association, ce qui est dommage car France Lyme a aussi besoin de soutien ; nous avons 120 adhérents. Il m'arrive de faire 50 heures de bénévolat par semaine.

Nous sommes là pour soutenir les malades car devant ces maladies peu connues des médecins, la diversité des symptômes leur font dire que ce n'est pas possible d'avoir autant de symptômes en même temps et conseillent d'aller voir un psychiatre !!! Leur donner des conseils aussi, par exemple, au niveau alimentaire car les malades de Lyme doivent enlever sucre, laitages et gluten de l'alimentation afin de faire baisser l'inflammation. Les personnes qui viennent sont souvent démunies face à ces maladies à tiques ; il n'y a pas que la maladie de Lyme mais des co-infections comme, par exemple, la bartonellose et la babésiose que j'ai aussi avec une neuroborréliose. Malheureusement, elles sont rarement prises en compte par les médecins, par conséquent le patient ne peut se rétablir.

Dans quelles circonstances avez-vous contracté la maladie et quels impacts dans votre vie ?

J'ai été piquée par des tiques dans mon enfance mais aussi en 2000. Je faisais partie de l'équipe de golf féminine de Chalon et j'ai été piquée au golf. Je n'ai eu la tique que 4h, le temps de la compétition. J'ai pris une douche juste après la partie et c'est là que j'ai vu cette tique, très petite, piquée sur la poitrine. Comme elle me dégoûtait, je l'ai arrachée avec les doigts et jetée dans la douche. J'ai fait exactement le contraire des bons gestes à adopter ! Toucher une tique, c'est l'agresser et à ce moment, elle régurgite ! Si elle est infectée et 49 % des tiques le sont en Bourgogne, le cauchemar va commencer.

Ensuite, j'ai vécu cette descente aux enfers, perdant de nombreuses capacités physiques et intellectuelles. Je n'ai pas totalement récupéré 22 ans après ! Enseignante en lycée, je ne comprenais plus rien, même pas les choses simples, ce qui est désastreux lorsqu'on enseigne ! Je n'étais que douleurs vives, lancinantes que ce soit au niveau articulaire ou musculaire. Je n'arrivais plus à marcher, les douleurs sous les pieds étaient si violentes et ma mobilité s'écroulait, mais aussi vertiges non rotatoires, sensation d'être en permanence sur un bateau sur une mer déchaînée, fatigue chronique, hypersensibilité au bruit, à la lumière, aux odeurs qui n'ont jamais disparu non plus, des douleurs au cœur qui partaient des mâchoires et m'étreignent la poitrine, des crises de panique, d'angoisse, des chutes, l'émail des dents qui éclate, de la tension à 25/11 pouls 150, une perte de poids de 20 kilos en peu de temps, des douleurs intestinales ingérables, des plaques rouges sur le corps ou des plaques de boutons non identifiés, des tremblements internes handicapants, l'impression d'avoir des toiles d'araignée ou des bestioles qui courent sur la peau, des engourdissements, des picotements, des sensations de paralysie, des sueurs intenses à mouiller les draps, des frissons, des bouffées de chaleur, des étourdissements, des pertes d'équilibre, la nuque raide, des malaises, la vue floue, un AIT (Accident ischémique transitoire)... Je ne vais pas tout citer, néanmoins il faut savoir que cette maladie imite toutes les autres. L'impact sur ma vie a été terrible, j'ai dû rester 5 ans sans sortir ! Je ne peux pas faire ce que je veux encore aujourd'hui car certains symptômes m'empêchent d'avoir la vie sociale que je voudrais avoir.

M'engager dans l'association m'a obligée à surmonter certains de ces handicaps et à revoir du monde, cependant il me faut vivre en vase clos la majorité du temps. Ceci a, bien entendu, un impact non seulement sur le moral... mais aussi sur celui de la famille qui ne comprend pas ce que nous vivons. Pourquoi à un moment nous sommes ok puis quelques minutes ou l'heure suivante, obligés de nous aliter ? Abandonner le golf que j'adorais a été très dur pour moi. Ne plus pouvoir marcher comme je le voudrais aussi, les douleurs aux jambes sont parfois si féroces et indescriptibles, c'est comme si on arrachait vos muscles et qu'un étau vous enserre en même temps.

Quelle est aujourd'hui la situation en France ? 

Les autorités donnent des chiffres de 70 000 personnes infectées par an en France mais ce sont des piqûres récentes ; à savoir et c'est notre plus grand regret, la déclaration n'est pas obligatoire ce qui est inadmissible vu les conséquences désastreuses d'une piqûre non soignée. L'association a d'autres chiffres c'est 3 à 4 fois plus de cas. Le réchauffement climatique permet aux tiques de se développer plus rapidement puisqu'elles aiment les zones chaudes et humides et vu qu'elles pondent 2500 œufs, je vous laisse imaginer... Or, il y a eu destruction des prédateurs comme les renards qui vont se gaver des petits mammifères sur lesquels les larves vont faire leur premier repas. Les tiques Ixodes ricinus (celles qui transmettent la maladie de Lyme) sont les plus répandues, partout en France, en dessous de 1800 m d'altitude. Elles vivent dans les herbes hautes des prairies, les jardins et les parcs forestiers ou urbains, des zones boisées et humides. Les tiques Dermacentor, Rhipicephalus, Amblyomma, Hyalomma et Argas sont également susceptibles de piquer l'homme. D'ailleurs l'une de nos responsables a été piquée en juin par la tique Amblyomma americanum connue pour sa capacité à transmettre les bactéries Ehrlichia (erlichiose humaine) et Franscisella tularensis, agent responsable de la tularémie, et elle s'est retrouvée avec cette maladie. On a vu aussi apparaître la « tique à pattes rayées » d'abord dans le sud de la France en 2015 ; cette tique est vectrice du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (fatale dans 10 à 40 % des cas). Vous comprendrez pourquoi la prévention est absolument nécessaire.

Y a-t-il eu ces dernières années une évolution des prises en charge des patients ?

Suite au Plan Lyme de 2016, et avec plusieurs années de retard, des Centres de Compétence et des Centres de Référence Lyme/MVT ont été mis en place sur le territoire. En mars 2022, la HAS a publié un guide de parcours de soins en cas de suspicion de la maladie de Lyme. Cela clarifie en théorie le rôle des 3 niveaux de diagnostic et de prise en charge des malades : médecins traitants, centres de Compétence, centres de Référence.

Dans la pratique, les témoignages que nous recevons montrent que la prise en charge des malades dans ces centres est très variable et loin d'être satisfaisante, en particulier pour les formes tardives ou persistantes de la maladie, qui restent souvent en errance thérapeutique. France Lyme œuvre pour que ces centres incluent réellement tous les malades Lyme/MVT, avec une réelle prise en charge. Mais beaucoup reste à faire pour y parvenir. En Bourgogne, nous avons énormément de mal à trouver des médecins qui soient capables de prendre en charge ces maladies au stade chronique/persistant puisqu'ils ne sont pas formés et ne connaissent pas les coinfections par conséquent l'errance médicale est constante. Nous invitons les malades en errance à consulter ces centres et à nous donner leur retour, qu'il soit positif ou négatif, pour faire avancer les choses. Il y a un centre à Besançon et un à Clermont Ferrand au plus près et celui de Villeneuve-Saint-Georges pour les personnes du 89. 

Info-Chalon a également échangé avec Nathalie Teixidor, autrice du livre 'Madame, c'est dans la tête !', ce témoignage, qui donne également aux proches des malades une compréhension de ce que peut provoquer la maladie, peut-il faire évoluer la situation ?

Pour moi, tout témoignage de malade est très important, que ce soit pour les autres malades en errance, ou déjà pris en charge, mais aussi pour l'entourage et les aidants pour leur permettre de comprendre les affres de la maladie et donc comprendre les réactions et le comportement des malades. Ces témoignages sont aussi primordiaux pour communiquer sur la maladie en direction du grand public, pour faire connaître sa forme chronique ou persistante et faire connaître les mesures de prévention à observer.

« L’association France Lyme propose des actions de prévention pour adultes et scolaires pour éviter que d’autres soient malades. Elle soutient les personnes atteintes en les aidant à mieux connaitre cette maladie ». Contact : [email protected]  

Pour en savoir plus : Que faire en cas de morsure de tique ? https://francelyme.fr/site/mediatiques/prevention/que-faire-en-cas-de-piqure/ et https://www.citique.fr/signalement-tique/ 

A lire également sur Info-Chalon : https://www.info-chalon.com/articles/2022/10/18/73586/madame-c-est-dans-la-tete/ 

SBR - Photo transmise par Annie Okrzesik pour publication