Faits divers
A Châtenoy le Royal, « Il a enfoncé ses doigts dans ma gorge. C’est quand le sang est monté qu’il a enlevé ses doigts. »
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 31 Octobre 2022 à 18h57
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La victime a craché des flots de sang. C’était le 28 octobre. Elle ne peut toujours pas parler correctement à la barre des comparutions immédiates où son copain est jugé, ce 31 octobre. Elle chuchote.
C’est quoi ce geste ? Le mot n’est pas prononcé à l’audience mais il nous évoque un viol, au minimum une volonté de marquer la femme de sa domination. C’est un geste d’une brutalité inouïe, c’est un geste certainement très misogyne. Un geste de domination par la force. Ignoble, oui, mais allez savoir quelle jouissance il pouvait en tirer, de la tenir ainsi à sa merci.
Un type qui sait montrer c’est qui le patron
On a une pensée pour la nouvelle copine qui pleure dans la salle. Pleurer pourquoi ? Pour être in love d’un type qui méprise les femmes et sait leur montrer c’est qui le patron ? Faut pas pleurer, faut calter. Les mots du prévenu à la fin de l’audience montrent qu’il sait être beau parleur, faire le chevalier la main sur le cœur, mais c’est du baratin. Ce qui compte, ce sont les actes. Venons-en aux faits.
Pépère, il va coucher chez/avec une autre quand il se dispute avec celle qui l’héberge
Le 28 octobre à 4h15 du matin, la police est appelée pour des violences conjugales à Châtenoy-le-Royal. Sur place les policiers trouvent la victime qui porte des traces de coups au front et du sang coagulé sur la bouche. Voilà 5 ans qu’elle entretient une relation entrecoupée de séparations (et pas seulement à cause des incarcérations de monsieur) avec cet homme âgé de 33 ans, originaire de la Martinique, où, développera pour lui maître Moundounga Tsigou, il voudrait retourner. Sauf qu’il sort de prison, ne travaille pas, perçoit des ARE. Alors, pendant qu’il économise, dit-il, il crèche chez l’une mais aussi chez l’autre, quand il se dispute avec l’une.
« Honnêtement, je pense que s’il n’avait pas vu le sang, il m’aurait tuée »
La victime, cette nuit-là, jalouse de sa double relation, fouille le téléphone du gars. Elle le réveille, il la plaque contre le mur, tente de l’étrangler, la cogne, la blesse à l’intérieur de la gorge avec deux doigts. 15 jours d’ITT, pour l’instant. Il lui a dit que ce coup-ci il ne retournerait pas en prison « pour rien ». A la barre, elle chuchote : « Honnêtement, je pense que s’il n’avait pas vu le sang, il m’aurait tuée. »
« On ne peut pas entendre un seul instant qu’il se défendait de madame »
Le prévenu ne se démonte pas et persiste à parler de « légitime défense », et qu’un de ses pouces a « glissé » sans faire exprès dans la bouche de celle qu’il dit avoir aimée - « je l’ai dans la peau ». Les mots de la passion ne mangent pas de pain, de toute façon. Les policiers qui sont intervenus ont pu constater ce que ça a donné.
Maître Ronfard s’est vu confier le dossier à 14 heures mais a, bien sûr, saisi l’extrême gravité du geste. « Des blessures de la sorte relèvent d’une particulière violence. Il a occasionné deux trous dans sa gorge. On ne peut pas entendre un seul instant qu’il se défendait de madame. »
Il a menti à son CPIP, se disant SDF
Le prévenu a un casier. Déjà condamné, sans surprise, pour des violences commises en état d’ivresse (2022), pour des délits routiers avec conduite sous l’empire de l’alcool (2020). Une autre CEA en 2016, assortie d’outrage et de rébellion, et puis un délit de fuite, encore avant. Avec tout ça, il est en sursis probatoire (deux fois).
Le président Marty relève qu’il a dit à son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) qu’il dormait dans sa voiture, alors qu’il dormait au chaud dans deux lits différents. « Vous avez menti. » Sans surprise là aussi. Le prévenu se réclame volontiers de l’armée, il fut soldat. C’est vieux de 8 ans, mais qui sait, si des fois ça pouvait servir de caution morale, hein. On a trouvé chez la victime 4 munitions (d’armes de guerre) qu’il avait rangées dans le placard au-dessus du four. Il est poursuivi pour cela aussi.
« Deux doigts profondément et violemment enfoncés »
« Quel que fut le comportement de madame, et même si elle s’était montrée agressive, la réponse de monsieur n’a aucune proportionnalité. Les gestes commis sont objectivés par des certificats médicaux : deux trous dans la gorge. Il a fallu deux doigts profondément et violemment enfoncés, et ce n’est pas par inadvertance. C’est de la violence volontaire. » Aline Saenz-Cobo, substitut du procureur, requiert 10 mois ferme et la révocation totale du sursis prononcé en juin 2020.
14 mois ferme
Le tribunal suit les réquisitions et y adjoint des peines complémentaires. Le prévenu est donc condamné à 10 mois de prison ferme avec maintien en détention, à la révocation du sursis de 2020, soit 4 mois avec incarcération immédiate. Ça fait 14 mois. En outre, il a l’interdiction de tout contact avec la victime (interdiction active dès maintenant), ainsi que de paraître à son domicile, pendant 3 ans. Interdiction de porter ou de détenir une arme pendant 5 ans, inéligibilité pendant 5 ans (peine automatique). Le tribunal ordonne un renvoi sur intérêt civil pour la victime, en janvier 2023.
La nouvelle amie du condamné quitte la salle et le palais de justice en pleurant. Faut pas pleurer, faut calter.
FSA
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