Faits divers
« Le temps qu’il sera au centre pénitentiaire, il ne frappera aucun policier »
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 18 Novembre 2022 à 06h56
Il conduisait sans assurance mais avec des stupéfiants. Il a voulu se soustraire au contrôle, il est jugé en comparution immédiate ce jeudi 17 novembre. « J’accuse de rien les policiers, ils ont fait leur travail. »
Merci pour eux, qui faisaient en effet leur travail. Toutefois il conteste la rébellion, les outrages. « Jamais ça m’arrive, madame. Il y a un policier de la BAC, c’est pas la première fois qu’il m’attrape, toujours il me tape. » Alalalala. Rembobinons.
La BAC le connaît bien, il connaît bien la BAC
On est le 15 novembre, soit mardi. Il est 20 heures, il tombe des cordes. Un équipage de la BAC tourne en centre-ville, à Chalon. Devant eux, un véhicule roule tous feux éteints, donc... ce véhicule file de l’avenue Mathias dans la rue de Belfort, son conducteur se précipite dans une épicerie de nuit, laissant la porte de sa voiture ouverte. « Mais ça, c’est pas interdit », dit-il. C’est pas faux. Pour le reste, c’est le Bronx. La BAC le connaît bien, il connaît bien la BAC, les présentations sont donc inutiles. Il cherche direct à s’échapper. Il porte un couteau (« lame repliée », précise maître Marceau) et environ 86 grammes de résine de cannabis. « Vous n’étiez pas tranquille » observe la présidente. Lui, effaré par autant d’évidence : « Ben oui, madame. Vous êtes tranquille si vous avez une savonnette dans la poche ? »
Du fatras de son baratin collant, il ressort ceci : « Déjà, madame, je suis perturbé »
Un des policiers prend un coup au visage. Ils se mettent à plusieurs pour le menotter. Dans la voiture le prévenu maintient tout le monde éveillé, lâche encore quelques insultes. La première audition se passe très mal, le seconde un peu mieux. Ce jeudi à l’audience, il sort de garde à vue et du fatras de son baratin collant, il ressort ceci : « Déjà, madame, je suis perturbé. » Il a sans doute dit l’essentiel. Il conteste des choses mais la présidente Milvia Barbut puis Angélique Depetris, substitut du procureur, écartent sans difficultés ses contestations.
« Ça me déchire, madame, ça me déchire à l’intérieur »
Bon. Il veut « travailler, et si je ne trouve pas de travail, je vais ouvrir une asso pour aider les autres. - ... C’est ambitieux », lui répond élégamment la présidente. Maître Marceau attire l’attention du tribunal sur un fait qui plonge le prévenu dans la douleur et l’abattement. Celui-ci ne veut pas en parler, puis, encouragé par sa sœur qui est dans la salle : « La perte de mon grand frère.... J’arrive pas. Ça me déchire, madame, ça me déchire à l’intérieur. » Il est ému, fait le geste pour montrer ce qu’il ressent : ça le lamine.
Gros casier
A son casier 22 mentions. Premières condamnations par un tribunal pour enfant, avec direct des mandats de dépôt, puis des jugements pour trafic de stupéfiants, plusieurs condamnations, encore des mandats de dépôts. « Y a toujours quelque chose qui me rattrape... J’ai essayé, mais.... Ma femme elle m’a jeté, j’ai pas compris pourquoi. »
Arnaud Bibard plaide les risques du métier de policier, « surtout avec une population hostile ». A ce sujet, le prévenu « a sa carte de membre depuis longtemps ». L’avocat rappelle les obligations auxquelles sont soumis les fonctionnaires de police et « leur droit à être respectés ».
« Le temps qu’il sera au centre pénitentiaire, il ne frappera aucun policier »
« Monsieur a entendu des réquisitions à 22 reprises, enchaîne Angélique Depetris, substitut du procureur. Mais il a si peu de réflexion qu’il dit « moi je fais, je ne réfléchis pas » … eh bien, continuons ainsi, il s’en fiche. Le temps qu’il sera au centre pénitentiaire, il ne tuera personne sur la route, ne frappera aucun policier. » Elle requiert une peine de 18 mois de prison ferme avec un mandat de dépôt. Elle demande la confiscation du numéraire trouvé sur lui, plus de 1800 euros (« en 36 billets » précisait la présidente lors de son instruction) : « Il a 11 condamnations pour des faits en lien avec les stupéfiants. »
« C’est quelqu’un qui survit, avec ses souvenirs »
« C’est quelqu’un qui est altéré, plaide Julien Marceau. Il y a sans doute un fond psychiatrique, à creuser. On a une logorrhée et il n’est pas toujours cohérent. C’est quelqu’un qui survit, avec ses souvenirs, et qui ne se projette en rien sur ce qui pourrait le rendre heureux. » Sur la rébellion, l’avocat tempère : « Il y a rébellion et rébellion, ici les violences n’ont pas été retenues dans les préventions. » L’avocat relève que lorsque monsieur travaillait, « cela marque une pause dans son casier. Il était occupé. »
18 mois ferme, incarcération immédiate
Le tribunal déclare le prévenu coupable et le condamne à la peine de 30 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans, avec obligation de soins (addicto et psycho), de travailler, d’indemniser les parties civiles (4 policiers), et d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé). Pour les 18 mois ferme, le tribunal décerne mandat de dépôt. Il murmure : « C’est trop, madame… »
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